Règlement taxonomie

Une étape décisive avant la mise en oeuvre de la CSRD

Avec l’entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) en 2025, les obligations du reporting de durabilité sont amenées à se complexifier. D’ici là, les entreprises concernées disposent d’une opportunité de gagner en maturité sur ces sujets en mettant en œuvre la taxonomie verte européenne.

Amélie Jeudi de Grissac, associée Reporting financier et extra-financier, Marion Hory, directrice Reporting financier et extra-financier, et Olivier Muller, associé Développement durable de PwC France et Maghreb, expliquent comment PwC accompagne la mise en œuvre du règlement taxonomie dans des entreprises de toutes tailles et de secteurs aussi variés que l’industrie, la distribution et les services.

Quels sont les objectifs du nouveau règlement taxonomie ? 

Amélie Jeudi de Grissac - La taxonomie verte européenne fait partie du pilier finance durable du pacte vert pour l’Europe, dont l’objectif principal est de conduire l’Union européenne à la neutralité carbone à horizon 2050. Le pilier finance durable couvre trois principaux objectifs : réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, intégrer systématiquement la durabilité dans la gestion des risques et favoriser la transparence et une vision de long terme.

Une activité est considérée comme durable si elle correspond à au moins l’un de ces six objectifs environnementaux : 

  1. atténuation du changement climatique ; 

  2. adaptation au changement climatique ; 

  3. utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines ; 

  4. transition vers une économie circulaire ; 

  5. contrôle de la pollution ; 

  6. protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Parmi les initiatives européennes, la taxonomie verte a pour but de déterminer dans quelle mesure les activités d’une entreprise sont réellement durables au travers de trois indicateurs financiers : chiffre d’affaires, CAPEX (par exemple, la part des actifs immobiliers durables) et OPEX (par exemple, les émissions carbone des flottes de véhicules de l’entreprise). 

La taxonomie conduit ainsi les équipes RSE et finance à travailler conjointement. Cette tendance va s’accentuer au cours des prochaines années avec l’évolution de la réglementation en matière de reporting extra financier. 

Les investisseurs prennent-ils vraiment en compte ces nouvelles informations extra-financières ? 

Marion Hory - C’est une question fréquemment posée par nos clients car l’un des principaux objectifs du plan finance durable est en effet de rediriger les capitaux vers des activités durables. Les investisseurs et établissements financiers sont eux-mêmes soumis par le règlement taxonomie et la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) de l’UE à des obligations impliquant qu’ils disposent de l’information extra-financière des entreprises de leurs portefeuilles, parmi lesquelles leurs indicateurs taxonomie. 

Les investisseurs s'intéressent de plus en plus aux enjeux RSE et par conséquent à la taxonomie. Cette tendance devrait se renforcer avec la communication sur l'alignement des activités et avec la prise en compte des autres objectifs environnementaux qui augmentera le nombre de groupes avec des activités éligibles.  

Par ailleurs, les principes applicables aux obligations vertes (Green Bond Principles, ou GBP) citent la taxonomie. Même si l’application de ce texte n’est pas encore obligatoire, il faudra continuer à observer les pratiques de marché afin de déterminer si les indicateurs de la taxonomie sont utilisés comme base des green bonds émis. Les obligations vertes représentaient en 2021 plus de 5% du total des émissions mondiales obligataires selon la Banque de France, et leur part sera encore plus significative en 2022. 

Lire aussi : Un investisseur sur deux prêt à céder sa participation si l’entreprise ne prend pas de mesures en faveur des questions ESG

Comment PwC accompagne-t-il la mise en œuvre du règlement taxonomie dans les entreprises ?

Olivier Muller - Pour les entreprises que nous aidons à répondre aux exigences du règlement taxonomie, nous faisons intervenir des équipes PwC pluridisciplinaires afin de conjuguer les expertises en matière de développement durable (en France, nous avons près de 30 ans d’expérience dans ce domaine) et de reporting financier, en miroir de ce que nous observons chez nos clients.

Voir toute l’infographie Taxonomie verte - L'essentiel à retenir

Comptes 2021 : reporting simplifié (éligibilité)

La première année d’application (reporting 2022 sur la base des données 2021) bénéficiait d’un  reporting simplifié ne portant que sur l’éligibilité des activités des entreprises au regard des deux premiers objectifs prévus par les textes : l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. La liste des objectifs couverts par les textes sera amenée à s’allonger, avec dans un premier temps la prise en compte des autres objectifs environnementaux : la consommation d’eau, l’économie circulaire, les émissions polluantes et la biodiversité.

Concrètement, les entreprises ont dû déterminer si leurs activités étaient identifiées dans les textes européens comme potentiellement vertes (ou encore “éligibles” à la taxonomie) et présenter une première part “éligible” de trois indicateurs financiers : le chiffre d’affaires, les investissements (CAPEX) et les dépenses d’exploitation (OPEX). L’analyse et la collecte d’informations pour présenter ces indicateurs ont été simplifiées, car il n’était pas encore requis de valider l’intégralité des critères associés à chacune de ces activités pour traduire leur “alignement”.

Chez PwC, nous avons très tôt suivi ces évolutions réglementaires au sein du cabinet et lors d’échanges avec d'autres parties prenantes, notamment la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et l’Autorité des marchés financiers (AMF). En avance de phase, nous avons expliqué et commenté les textes lors de webinaires, et nous accompagnons depuis longtemps nos clients dans leur interprétation.

Nos clients nous sollicitent également pour déterminer l’approche permettant d’estimer la part des activités éligibles dans les trois indicateurs requis, ainsi que pour préparer la première communication externe sur la taxonomie. Nos expériences multiples nous permettent de partager des benchmarks de pratiques de place en France mais aussi au niveau européen, grâce à l’appui de notre réseau.

Comptes 2022 : reporting complet (éligibilité et alignement)

La clôture des comptes 2022 est la première année de reporting complet, où la notion d’éligibilité est complétée par celle d’alignement. Pour être alignées avec la taxonomie, les activités économiques éligibles des entreprises doivent :

  • contribuer positivement à au moins l'un des deux objectifs environnementaux axés climat ;

  • n’avoir aucun point faible sur les autres objectifs environnementaux ;

  • respecter certaines garanties. Sur le plan social par exemple, ces garanties concernent le droit du travail et la mise en œuvre des droits humains tels que définis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Bureau international du travail (BIT).

L’alignement rend nécessaire de valider des critères techniques très précis et d’aller dans des niveaux de détail plus fins que pour l’analyse de l’éligibilité. Ce volet, plus opérationnel que le reporting simplifié, nécessite souvent d’élargir le périmètre des équipes impliquées sur le projet car les informations à valider sont généralement détenues par les équipes métiers (par exemple niveau de consommation, procédures de détection de fuites, types de véhicules utilisés, produits utilisés, etc.).   

Côté PwC, nos interventions couvrent l’analyse des critères d’alignement jusqu’à la communication externe en passant par le décryptage des textes, la collecte des informations techniques et chiffrées. Ces travaux sont toujours menés en impliquant des équipes mixtes combinant des expertises en développement durable et en reporting financier.

calendrier d'application de 2022 à 2024

Quel est l’impact de la taxonomie verte et de la CSRD sur les fonctions finance et RSE ? 

Amélie Jeudi de Grissac - Les équipes RSE et finance vont très probablement être amenées à collaborer de plus en plus. Les premières apportent leur compréhension et leur connaissance des nouvelles informations quantitatives et qualitatives demandées aujourd’hui par le règlement taxonomie, demain par la CSRD et les standards de durabilité. Les secondes ont l’expertise de reporting réguliers avec des niveaux d’exigence élevés en termes de fiabilité, de qualité et de documentation en vue d’une revue externe.

La collaboration entre les équipes mises en place aujourd’hui en réponse au règlement taxonomie sera ainsi un atout lors de l’entrée en application de la CSRD et des European sustainability reporting standards (ESRS) attendus pour application en 2024.

Si beaucoup de sociétés en sont encore au stade de la réflexion, certaines ont déjà fait évoluer leur organisation et nommé des postes de finance durable pour faire le lien entre les différentes équipes. D’autres ont mis en place des pôles de performance globale regroupant à la fois le financier et l’extra-financier. 

De manière plus globale, l’évolution du reporting extra-financier va continuer d’impacter fortement l’organisation des entreprises et à tout niveau car la performance sera de plus en plus évaluée en combinant financier et RSE. 

Lire aussi l’étude Priorités 2023 des directions financières - Garder le cap face à l’incertitude publiée par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et PwC France et Maghreb

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