Tendances des nouveaux modes de travail : quelles sont les attentes des collaborateurs ?

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Tendances des nouveaux modes de travail : quelles sont les attentes des collaborateurs ?

Face à l'accélération de la diversité des attentes des collaborateurs vis-à-vis du travail et de l'entreprise ainsi que l'inversion du rapport de force entre employé et employeur, les entreprises doivent repenser leur organisation du travail et révolutionner leur expérience collaborateur. Aussi bien sur le sens et l'épanouissement professionnel qu'elles proposent à leur collaborateurs, que sur les questions d'égalité et d'inclusion, de management et de montée en compétences, les entreprises ont encore du chemin à parcourir.

Découvrez dans ce podcast, présenté par Raphaëlle Duchemin, les grands enseignements de l'étude Hopes & Fears 2022 avec Frédéric Petitbon, associé PwC France et Maghreb. 

Raphaëlle Duchemin : Il y a ce que l'on sent et ce qui se mesure. Il y a les signaux faibles et ce que l'on constate quand on mène des investigations un peu plus approfondies, c'est ce que nous allons faire, justement, ensemble, aujourd'hui. Entrer dans notre quotidien au travail. À quoi ressemble-t- il vraiment en 2022 ? A t-il durablement été bouleversé par la pandémie dans notre manière d'être au bureau mais aussi dans nos attentes ? PwC est allé prendre le pouls de 52000 collaborateurs à travers le monde.

Le résultat de cette étude Hopes and Fears, nous allons la détailler ensemble. Je suis Raphaëlle Duchemin et nous allons regarder de plus près ce que le travail aujourd'hui signifie vraiment pour nous.

On a tous entendu parler depuis 2 ans du “Big Quit”, la fameuse grande démission venue des États-Unis et qui a à ce jour, poussé un peu plus de 50 millions de personnes à travers le monde à lâcher leur job. Pourquoi ce rejet massif ? C'est vrai, cela pose question. Il faut dire que depuis la première vague de COVID, nous avons été contraints de nous interroger sur nous-mêmes et sur le sens du travail. L'activité qui occupait la majeure partie de notre journée, doit, elle, pour être vécue autrement, se transformer. Probablement, et ce, sur plus d'un point. Bonjour Frédéric Petitbon.

Frédéric Petitbon : Bonjour Raphaëlle

Raphaëlle Duchemin : Associé chez PwC. Vous êtes expert en management et vous allez nous aider à décoder cette étude. Vous la menez d'ailleurs régulièrement cette étude, qu'est-ce qu'elle a de particulier ? Je parlais tout à l'heure de signaux faibles, on dirait qu'il y a comme une certaine accélération des tendances que l'on présentait.

Frédéric Petitbon : Oui, notamment dans la diversité des attentes vis-à-vis du travail de l'entreprise. Passionnant pour certains, difficile pour d'autres. En tout cas, ça part vraiment dans tous les sens.

Raphaëlle Duchemin : C'est-à-dire le travail, on le sait depuis la nuit des temps a été vécu comme une contrainte, hein, disons le. C'est même en débat autour des fameuses racines latines du mot même de travail. Mais depuis le 16e siècle, avec l'économie de marché, avec le salariat, la notion de travail a pris un tournant, on peut le dire un peu plus positif. On est en train de vivre d'une certaine manière en 2022 une révolution de ce qu'est le travail ?

Frédéric Petitbon : Le travail est à la fois quelque chose qui nous fait vivre. L'argent est absolument essentiel sur le sujet et en même temps, on a des activités qui nous prennent de l'énergie, de la passion, qui ne sont pas rémunérées. Et en même temps, on a certaines professions où certaines activités qui sont tellement mal rémunérées qu'il faut trouver d'autres sources de revenus.

Raphaëlle Duchemin : On a le sentiment quand on vous entend dire ça, qu'on est tiraillé, finalement, entre nos envies de faire certaines choses et notre travail, ça veut dire que ça ne va pas forcément de pair, on n'arrive pas à faire quelque chose qui nous plaise dans le travail.

Frédéric Petitbon : On y arrive parfois merveilleusement bien, donc on a une capacité à se réaliser dans le travail qui est fantastique dans un nombre de métiers invraisemblables, mais pas toujours. Et ce qui est marquant, c'est justement à quel point le champ des possibles est ouvert. Le champ des sentiments est ouvert et à quel point le monde du travail permet tout et toutes les aspirations, tous les freins, toutes les contraintes.

Raphaëlle Duchemin : Qu'est-ce qu'on veut changer quand on parle de changement au travail ? Changer de vie, donc, par conséquent, de travail. Pourtant, il me semble en tout cas que jusqu'à présent, il n'y avait pas eu en France de grandes démissions comme il y a pu en avoir dans d'autres pays. On a un temps de retard ?

Frédéric Petitbon : Je n'aime pas le terme de grande démission appliquée aux entreprises et aux salariés que nous avons écoutés. La grande rotation sera un terme plus adapté parce qu'on voit effectivement qu'on ne démissionne plus. C'est vrai, mais pas pour autant qu'on quitte le travail et notamment c'est lié à un rapport de force qui a changé. En France, par exemple, vous partez, vous quittez votre entreprise, vous avez une probabilité de retrouver un nouveau travail qui est forte et c'est ce que montrent les études. Donc on est maintenant entre 400 000 et 500 000 démissions par trimestre, ce qui est de l'ordre d'un quart de plus que ce qu'on avait il y a 2 ou 3 ans. Aussi parce que moi salarié, je sais que le rapport de force sera en ma faveur, soit pour négocier les choses chez moi, dans mon entreprise, soit pour trouver un nouveau travail ailleurs. Et le rapport des forces me permet aussi de dire qu'il y a des activités ou un équilibre de vie dont je ne veux plus. C'est notamment bien sûr le monde des services, le monde de la restauration, mais pas que. C'est aussi parfois, si moi, dans mon équilibre perso j'ai besoin d'avoir une activité associative, d'avoir une activité familiale importante. Je ne supporterai plus d'être dans une banque qui m'impose de venir tous les jours au bureau au même endroit.

Raphaëlle Duchemin : Ce qu’on observe finalement dans cette étude, cette grande rotation, c'est aussi ce qu'on voit de l'autre côté quand on observé les tensions sur le marché du travail ?

Frédéric Petitbon : C'est les deux faces de la même pièce, un travail explose au sens de la diversité des des parcours qu'il permet, et un rapport de force qui permet aux travailleurs de choisir et donc le, ça n'est plus l'entreprise qui peut imposer des conditions de travail difficiles à des collaborateurs qui n'ont le choix que de la fermer. Parce que autrement, effectivement, il y aura quelqu'un d'autre pour faire le travail à leur place. Là, le rapport de force a changé et c'est de ce point de vue là tout à fait intéressant d'un point de vue de management, parce que ça oblige les entreprises à penser leur organisation du travail, à révolutionner leur expérience collaborateur. Parce que sans ça, effectivement, soit mon collaborateur s'en va, soit il s'en va dans la tête. Il y a “quitting” et cette autre tendance qui est tout à fait tout à fait importante. Donc c'est un rapport de force qui a changé et cette capacité à partir qui est très importante.

Raphaëlle Duchemin : Où et comment voulons-nous travailler ? Avec la crise sanitaire qui a poussé les salariés qui le pouvaient à rester chez eux derrière un écran, c'est vrai que de nouvelles habitudes ont été prises. Dès que nous avons pu retourner nous asseoir aux terrasses, voir du monde, nous l'avons fait, mais avons-nous vraiment envie de retourner au bureau ? Et si oui, comment ?

Frédéric Petitbon Petitbon il y a des pays qui, après la crise, ont totalement repensé leur modèle et proposé ce qu'on appelle aujourd'hui une hybridation du travail. Ça a manifestement du mal à s'imposer chez nous en France. Pourquoi ?

Frédéric Petitbon : Ca vient quand même vite. Les visions comparées des pays montrent que tous les pays ont pris la tendance et ça se traduit par des chiffres de l'ordre de 80 % des collaborateurs qui veulent fonctionner en télétravail et ça dans une vision mondiale.

Il y a des pays qui sont plus en avance que les autres, y compris d'ailleurs, regardons les espagnols. Les espagnols qui plus que les français sont à l'aise avec un mode distant. Les français sont probablement les plus en retard, les français avec les italiens, il y a juste les italiens qui aiment encore plus revenir au bureau que nous. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on a fonctionné dans un monde où il y avait un modèle qui est le modèle de l'usine. Le modèle de l'usine, c'est simple, vous avez tous vos collaborateurs au même moment, au même espace. C'est facile et c'est très efficace parce que ça permet effectivement au chef de sentir ce qui se passe, de faire les connexions, de parler, d'écouter. C'est extraordinairement efficace. Ça a été le modèle de management depuis 150 ans. C'est un modèle qui craquait et qui était encore le modèle de référence, y compris d'ailleurs dans les services, dans les administrations. Ce qui ressort, c'est maintenant, ce n'est plus qu'un modèle parmi d'autres. Vous avez des entreprises qui sont merveilleusement efficaces, sans bureau. Ça marche très bien et ça marche très bien, y compris pour des activités qu'on pensait impossibles. Vous voulez accueillir un nouveau collaborateur ? N'importe qui va vous dire : Frédéric, il faut que le collaborateur soit là sur place. Bien sûr que c'est, c'est vrai, mais pas toujours. Et on a vu des entreprises parvenir à créer un embarquement des collaborateurs à distance remarquable, je crée un des compagnons, je crée des buddy et je crée des des moments de rencontre accélérés en mode speed dating. Et ça me permet à moi nouveau collaborateur, en mode distant, d'être bien plus efficace que si j'avais été laissé au coin d'un open space tout seul, tout nu, sans connexion avec mes collaborateurs dans une vraie vie physique.

Raphaëlle Duchemin : Moi, ce que j'entends dans ce que vous expliquez, Frédéric Petitbon, c'est que finalement, c'est le, c'est le manager qui est le plus mis en difficulté, le collaborateur, lui, il a envie de changer de mode de travail, c'est au-dessus que ça fait de la résistance ?

Frédéric Petitbon : Résistance n'est pas forcément le sujet, mais c'est, ce que c'est difficile quand vous êtes en mode hybride avec vos collaborateurs qui sont là seulement une fois de temps en temps. Vous êtes obligé de mettre en place une organisation individuelle et collective très précise, de faire savoir quand vous êtes là, d'être explicite sur les temps collectifs, de savoir comment partager l'information, de donner une visibilité sur votre installation physique, de dire quel espace on a le droit d'utiliser. Donc vous voyez que ce sont des questions très concrètes qui demandent organisation, planification, et franchement, nos amis managers, merci de parvenir à faire ça. Parce que c'était infiniment plus facile dans un modèle où vous aviez tous les collaborateurs sous la main.

Raphaëlle Duchemin : J'ai regardé les chiffres en France, aller au bureau chaque jour, c'est encore le cas je crois, pour 17 % des Français, c'est pas beaucoup, 17 % c'est voulu, c'est choisi ?

Frédéric Petitbon : La majorité des entreprises qui acceptent le mode distant acceptent jusqu'à 2 jours de télétravail. De 2 jours de télétravail vous restez dans un mode d'organisation assez classique en mettant entre parenthèses le vendredi, ou on considère que les collaborateurs ne seront pas là. Et en mettant parfois en parenthèses le mercredi ou autre, mais sans ça, on fonctionne de manière normale, en demandant au manager d'être un peu plus organisé. Quand vous dépassez 3 jours ou 4 jours par semaine, là, vous changez de nature, d'organisation du travail. Là, on est dans de l'hybride ou du full hybride ou là effectivement effectivement les repères sont très différents.

Raphaëlle Duchemin : Vous parlez d'hybridation. Justement, on voit que c'est réclamé partout à plus de 80 %, ça pose question quand même ?

Frédéric Petitbon : A fait irruption ce besoin, qui était latent, où déjà exprimé des collaborateurs d'avoir un vrai espace d'organisation de son travail, d'une autonomie, d'une capacité à influer sur comment je travaille. Irruption, c'est essentiel et c'est ça qui reçoit vraiment de notre enquête, comme d'autres enquêtes. : “Je veux avoir une capacité d'organiser mon travail, mon autonomie”.

Raphaëlle Duchemin : Alors il y a aussi un paramètre qui m'a interpellé, moi, dans cette étude qui est assez étonnant, les 18 - 25 ans chez nous, sont ceux qui ont le plus envie, ou peut-être le plus besoin, vous me direz de revenir au bureau pour justement cette socialisation dont ils ont manqué pendant les 2 dernières années ?

Frédéric Petitbon : A la fois pour cette stabilisation dont il manque, on est à des âges, on crée son collectif, on crée ces échanges, on se fait des amis, c'est plus facile quand on les voit aussi pour de vrai.

Raphaëlle Duchemin : Oui, mais parce que c'est la génération écran quand même

Frédéric Petitbon : Génération écran, mais c'est aussi la génération qui a pas forcément l'espace dans son appartement, dans son petit studio, dans sa chambre de qui ne donne pas forcément envie de rester tous les jours de la semaine chez soi.

Cela dit, même sur cette génération, notre enquête le montre très bien : le besoin d'avoir le choix. Je veux pouvoir jouer, je veux pouvoir jouer mon nombre de jours. Je veux pouvoir jouer mon implantation physique. Je veux pouvoir jouer mes horaires, je veux avoir une vraie liberté me permettant de construire mon organisation du travail. Ça c'est vrai pour toutes les générations d'ailleurs. Ne disons pas que les vieux sont contents de passer toutes leurs journées au bureau, c'est vraiment pas ce que montre notre enquête. On a simplement, après des parcours de vie qui font que, par exemple, les jeunes ont une capacité à démissionner et à trouver un autre emploi qui est plus forte, plus importante. Le rapport est de 1 à 2 ou 1 à 3 selon les métiers, ça ne veut pas dire que les plus anciens sont heureux dans l'endroit où ils sont pour un travail pas toujours épanouissant. Simplement, ils ont d'autres contraintes familiales, immobilières à gérer. Mais il y a en toile de fond pour toutes les populations, ce besoin d'autonomie et de capacité d'auto-organisation, et d'avoir un collectif qui est bien plus efficace que ce qu'il était parfois quand on venait au bureau en réunion pour écouter un chef , après être arrivé 1/4 d'heure en retard d'éléments qui m'intéressaient que lui, et où il fallait faire semblant d'avaler ses paroles avec une passion de tous les instants.

Raphaëlle Duchemin : On a toujours entendu dire que tout travail mérite salaire, sauf qu'aujourd'hui vous allez voir que ce n'est plus seulement l'aspect financier qui compte. La valeur ajoutée se fait sur les fameuses montées en compétences. Faire gravir les échelons est aussi une manière de faire progresser le salaire ou de le garder, et parfois même d'attirer de nouveaux salariés.

Aujourd'hui, on entend dire dans tous les secteurs Frédéric Petitbon que la chasse au talent est véritablement ouverte, hein, avant le plus offrant était souvent celui qui réussissait à attirer les meilleurs. C'est toujours le cas, cette notion de salaire est-elle toujours centrale ? Ou peut-être un peu moins et un peu moins chez nous qu'ailleurs.

Frédéric Petitbon : Elle reste très importante, le salaire reste la première raison de quitter son entreprise où d'y rester. Avec nettement plus de 50 % de réponses dans tous les pays développés. Avec vous avez raison, Raphaëlle Duchemin , une vraie différence entre la France et d'autres pays. Nos amis des États-Unis, on est à 77 % comme première raison de partir, 72 % au Royaume-Uni ou en Allemagne et en France c'est très important, mais c'est important à 58 %.

Raphaëlle Duchemin : 58 % pour pour retenir les talents là où la rémunération est effectivement entre 72 et 75 % chez les Anglo-Saxons, est-ce qu'on l'explique ? Est-ce que là aussi c'est culturel ?

Frédéric Petitbon : Il y a une raison culturelle, donc travailler depuis un temps long par nos amis sociologues, par Iribarne par exemple, qui est le sens qu'on donne au travail qui est en France plus qu'ailleurs, qui ne se limite pas à un aspect transactionnel. Transactionnel c'est effectivement ce que je donne contre l'argent. En France, on est plus identitaire et ce qui fait que je suis très vigilant au sens que j'y trouve, à la plus-value qu’il m’apporte pour me construire moi. La quête de sens est à 55 %, c'est très important.

Raphaëlle Duchemin : C'est important effectivement, on voit, comment les valeurs sont en train de grignoter, de gagner du du terrain dans dans cette notion de travail, l'argent n'est plus forcément la valeur centrale pour attirer et pour fidéliser. Reste qu'il y a chez nous, en France aussi, une notion de récompense qui n'est pas forcément toujours équitablement répartie.

On a un problème de partage de richesse, de rémunération au mérite, qui a du mal à être fixé.

Frédéric Petitbon : L'argent reste quand même essentiel. D'abord d'abord, d'abord l'argent. Le sens est aussi l'épanouissement personnel, comment mon travail va m'aider à grandir, va me permettre quand je retourne dans mon couple, auprès de mes amis, auprès de mes proches, de faire ressentir ce que j'apporte au collectif, à la société .Et comment, je suis plus grand, plus épanoui après une journée de travail. Bien sûr, c'est essentiel.

Raphaëlle Duchemin : Un petit détail qui n'en est pas un sur la répartition entre les hommes et les femmes. Là aussi, on voit que chez nous, en France, les femmes ont plus de mal à aller demander une rétribution…

Frédéric Petitbon : C'est triste de voir à quel point les clichés restent fondés de ce point de vue là. Donc on a une différence en France de 13 % entre les hommes qui sont prêts à aller demander une augmentation et les femmes qui s'auto dénigrent, qui ne s'évaluent pas au même niveau et qui effectivement seront plus prudentes avant d'aller demander une augmentation. Donc malheureusement notre enquête montre de manière mondiale et française que les plafonds de verres restent très très présents, y compris sur ces éléments tout simples : est ce que je peux, est-ce que je dois aller demander de l'argent à mon chef.

Raphaëlle Duchemin : Il y a cet élément intéressant aussi, et vous êtes un connaisseur sur ce qu'on appelle l’upskilling, la montée en compétences. C'est vrai que c'est important, hein ? Ça devient même un argument de plus en plus capital pour recruter ou conserver un salarié. Et ça l'est aussi parce que c'est une évolution de carrière à la clé et donc et donc de salaire.

Frédéric Petitbon : Évolution de carrière, et aussi possibilité de partir pour que je puisse quitter mon entreprise. Et on voit l'importance que ça a à l'époque, on a 4 ou 500000 salariés en France qui démissionnent tous les trimestres et sur ce sujet-là, les français sont bien plus en attente, bien plus frustrés vis-à-vis de leur employeur que les américains. On a une différence de chiffres qui est presque du simple au double et on a seulement 29 % des français qui déclarent que leur entreprise favorise leur montée en compétences. C'est faible, comme chiffre, et vous voyez tout de suite l'impact. Il y a 5 ans, quand on faisait des enquêtes mondiales, chez PwC, la question de la montée en compétences était au niveau 5, au niveau 6, bien après d'autres sujets comme la cybersécurité. Maintenant, monter en compétences, fidélisation, sont à un très haut niveau pour les patrons. Et malgré ça, ils ne sont pas encore parvenus à le traduire suffisamment dans les faits ou dans la perception de leurs collaborateurs.

Raphaëlle Duchemin : Donc il y a un besoin encore d'aller sur ce terrain là, pour que les salariés finalement se sentent entendus et que leur leur desiderata soit pris en considération sur cet aspect-là de monter en compétences.

Frédéric Petitbon : Mais cette montée en compétences est intéressante. parce qu'il s'agit pas seulement de la formation. Il y a bien sûr le classique de mon budget de formation, est-ce que je peux me former, que ce soit en ligne là-dessus ? Mais la montée en compétences, c'est aussi beaucoup sur comment votre entreprise vous permet, via les contacts, via les échanges avec vos collègues et via le fait qu'en réunion d'équipe on va être en prise de recul sur des éléments et voir comment fonctionne de manière différente, voir comment je vais apprendre au quotidien de manière différente. Et de ce côté-là effectivement, les modes de management des entreprises ne sont pas identiques. C'est un vrai enjeu pour les entreprises françaises de montrer à leurs équipiers que la montée en compétences est possible chez elle et vite.

Raphaëlle Duchemin : Alors on parlait d'argent Frédéric Petitbon, on s'aperçoit que le salarié attend aussi que l'entreprise ne soit pas que sur la performance financière. Ça n'est plus le seul objectif. En revanche, ce que le salarié veut de l'entreprise, c'est qu'elle soit totalement transparente sur ces questions financières et ça, c'est important.

Frédéric Petitbon : C'est essentiel, ça ne va pas de soi dans un monde où on ne fait pas confiance. Où les salariés ont une confiance moyenne vis-à-vis de leur entreprise, sur sa transparence, sur des sujets sensibles, dans une culture où effectivement on ne dit pas toujours les choses de ce point de vue là. Il y a des progrès mais effectivement notre enquête montre que ça ne suffit pas, qu'il y a une vraie nécessité pour les entreprises, d'aller plus vite dans cette transparence.

Raphaëlle Duchemin : Pour rester dans son entreprise, le salarié a des attentes. On l'a compris, sociales mais aussi sociétales. Elles ont pris le pas sur d'autres marqueurs forts et obligent en quelque sorte à repenser le modèle de la valeur travail. Les collaborateurs demandent du sens aujourd'hui pour eux, pour leur entreprise, pas de bla-bla. Attention, c'est du concret qu’il réclame.

Est-ce qu'on peut dire Frédéric Petitbon, qu'il y a vraiment en la matière un avant et un après COVID ? Est-ce que vous le voyez dans les études que vous avez menées ?

Frédéric Petitbon : Ce qu'on voit, c'est une immense accélération des attentes de toutes les générations sur le sujet. Accélération, avec en plus l'été qu'on a vécu, qui rendrait les chiffres de notre étude encore plus marquants si on le refaisait maintenant, oui donc, et là ce que demandent les collaborateurs, ça n'est pas seulement un engagement global de l'entreprise porteuse de sens, porteuse de marque employeur, porteuse d'une vision de la mission, mais aussi très concrètement, comment mon travail contribue. Et là, les Français que nous avons interviewés sont particulièrement critiques puisqu'ils sont seulement 22 % à considérer que leur entreprise les aide à minimiser l'impact environnemental de leur travail.

Raphaëlle Duchemin Donc ils ont l'impression qu'on est uniquement dans les bonnes intentions ?

Frédéric Petitbon : Ils ont l'impression, soit qu'on est très haut dans les intentions, soit qu'on n'est pas encore arrivé dans le concret, soit qu'on ne va pas assez vite. Et là-dedans, on est sur des sujets qui, dans quelle mesure, bien sûr l'impact de mon travail est fort ou non d'un point de vue carbone, est-ce que mon entreprise me permet d'être écoresponsable ? Ce n'est pas que les gobelets, c'est de manière plus globale, les politiques de transport, c'est comment est-ce que mon entreprise est ouverte sur son écosystème pour être en contribution. Et là, effectivement, le l'impression qui sort clairement de notre étude, c'est que l'entreprise n'est pas encore suffisamment au rendez-vous. Et ce qui est frappant, c'est que les patrons sont convaincus. Il ne s'agit pas uniquement de greenwashing. Il y a une vraie volonté des chefs d'entreprise d' aller plus vite. Si on regarde notre étude, franchement, on n'y est pas et il y a un besoin de concrétisation, de déclinaison, de mettre ça à niveau de pratique pour chaque collaborateur dans son équipe.

Raphaëlle Duchemin : Pourquoi la mayonnaise ne prend pas ou pas encore ?

Frédéric Petitbon : Elle pose plein de questions très concrètes, des questions d'abord, pour chaque entreprise sur ces produits. Comment est-ce que moi, collaborateur, je peux contribuer à ce que mes produits aient un impact carbone plus faible ? Elle pose des questions sur le modèle. Comment est-ce que je peux changer de modèle tout en parvenant à gagner de l'argent parce qu'on sait que ça reste important. Et pose des questions sur comment ça se décline de manière concrète à mon niveau. Moi, moi, moi, moi, comment je peux contribuer, comment mon équipe peut contribuer et comment je peux avoir un impact.

Raphaëlle Duchemin : Vous parlez d'impact, c'est aussi dans ce moi, moi, moi la question de l'épanouissement professionnel du “moi”, c'est très présent aussi dans dans votre enquête. C'est plus important, là encore, dans les pays anglo-saxons que chez nous en tout cas, c'est le sentiment que j'ai eu.

Frédéric Petitbon : les américains, voire les allemands sont clairs, c'est l'argent d'abord. L'argent d'abord dans une vision contractuelle du travail. Je donne quelque chose, j'ai de l'argent en contrepartie. En France, effectivement, on est plus équilibré ou plus multiple dans ses attentes vis-à-vis du travail et c'est effectivement ça qui ressort de manière très claire à toutes les générations.

Raphaëlle Duchemin : Ouais, c'est ce qui est complexe aussi, peut-être dans les entreprises parce que finalement l'argent n'est pas le premier moteur ou n'est pas le seul moteur.

Frédéric Petitbon : Ça demande effectivement une capacité de management multiple parce que cela demande à ce que je parvienne à hyper individualiser mon management. Que je sois à l'aise pour comprendre les attentes de Frédéric, les attentes de Raphaëlle Duchemin pour avoir le temps de l'écouter, pour avoir les marges de manœuvre, me permettant de spécifier ce qu'il a à faire là-dessus pour créer un collectif qui convienne à Raphaëlle Duchemin et à Frédéric, ça demande effectivement un management qui est tellement loin d'une approche industrialisée des entreprises que ça rend les choses très difficiles. C’est passionnant pour les managers. Mais mon Dieu, ce que ça leur demande de temps, d'énergie, pour parvenir à répondre à la fois à ces attentes de justice, d'individualisation, de salaire, d'épanouissement, de conduite de travail, que je sois jeune, que je sois plus ancien et chaque fois de manière hyper individualisée.

Raphaëlle Duchemin : Du sur mesure dans du collectif, c'est vrai que c'est assez complexe. On s'aperçoit aussi Frédéric Petitbon, qu'il y a une une donnée essentielle qui apparaît. Et elle n'est pas négligeable c’est celle de la santé mentale des salariés. Les entreprises ont sont pointées du doigt, elles pourraient aujourd'hui faire davantage. C'est aussi, on en parlait à un vrai facteur d'épanouissement et de recrutement.

Frédéric Petitbon : Quand vous êtes dans une entreprise classique, du modèle usine, vous avez vos repères physiques, vos repères visuels, vous savez où vous travaillez. Quand vous êtes dans une entreprise avec un mode hybride, c'est infiniment plus difficile de s'y retrouver. On a un fort besoin de repères. Les repères sont à créer d'un point de vue collectif d'un point de vue de soutien individuel, d'un point de vue de règle du jeu, d'un point de vue d'occupation de l'espace. Et quand on ne crée pas ces repères : fatigue, risque de décrochage, risque de dépression. Et ça, c'est un enjeu majeur pour les entreprises aujourd'hui et demain.

Raphaëlle Duchemin : Une personne sur 2 qui a répondu, je crois à l'enquête, dit, je veux pouvoir être moi-même au travail et juste après dire je veux aussi avoir le sentiment de liberté dans mon travail. Là aussi, c'est très cocorico, hein disons le, le sentiment de liberté, c'est quelque chose qui n'apparaît pas forcément dans les autres pays.

Frédéric Petitbon : Ils n'utiliseront pas le même terme, on parlera d'autonomie, on parlera de qualité du collectif, de travail. En France, on porte une vision de liberté de ce que je peux faire qui est absolument essentiel, mais la vision globale de l'autonomie qu'on recherche, celle-là est très transversale et ressort vraiment de notre étude pour tous les pays.

Raphaëlle Duchemin : Mais ça veut dire que les salariés ne sont pas encore assez pris en compte comme ils sont quand on, quand on leur demande d'être finalement, peut-être quelqu'un d'autre dans l'entreprise de se conformer au moule ?

Frédéric Petitbon : Non, ils ne sont pas encore assez et avec malheureusement des poncifs qui restent très très présents, en particulier bien sûr, sur la place des femmes. C'est très profondément lié à la manière dont mes collègues se comportent. Qui sont les rôles modèles pour utiliser ce terme. Donc être soit par exemple, comme femme manager en entreprise, demande un vrai travail pour éviter de singer un management de mecs avec tout ce que j'ai pas avoir comme comme limite. Donc non être soi c'est quelque chose qui progresse de manière considérable et beaucoup d'entreprises comme PwC qui ont des politiques d'inclusion permettant vraiment de à tous les collaborateurs de grandir et d'afficher les choses avec des dispositifs permettant le speak up. C’est remarquable bien sûr on est sur des temps longs parce que derrière ça on est sur de l'implicite. Est-ce qu'il faut que je regarde ces politiques où est-ce qu'il faut que je regarde aussi les comportements de mes, de mes pairs qui sont effectivement du temps long ?

Raphaëlle Duchemin : Ça renvoie à la prise en compte des fameuses questions et vous en parliez de diversité et d'inclusion et là-dessus aussi hein les français disent on ne veut plus de mots, on veut des actes.

Frédéric Petitbon : On veut de l'acte, d'abord, qui on voit comme chef. Qui est écouté dans l'entreprise, est-ce que les comités de direction montrent la diversité qu'on demande en bas et ce que l'entreprise est dure dans l'application des règles du jeu, quitte à être dans une logique de , proche d'une logique de quota ? Et c'est effectivement l'acte qu'on veut voir. Il y a moins de besoins de sur la convergence des idées, ça on y est, on aura bien moins d'opposition, de principes à une entreprise inclusive. En revanche, dans les exemples, montrer à chacun l'a encore vraiment du travail.

Raphaëlle Duchemin : Ça s'appelle Hopes & Fears. Les espoirs et les peurs, les espoirs, les espoirs, ils sont, où Frédéric Petitbon ?

Frédéric Petitbon : Les espoirs sont dans cette autonomie des individus dans l'organisation, ils sont dans cette place essentielle du collectif. Ils sont dans la possibilité de créer une entreprise plus transparente, plus ouverte, plus engagée d'un point de vue durable. Et ils sont dans ce management qui n’est plus un management de “chefaillon” mais dans un management, très ouvert sur l'inclusion et sur l'extérieur. Et ils sont dans le, c’est une entreprise qui est partie prenante de l'intérêt général, qui n'est plus centré sur son seul profit, mais qui est vraiment un acteur du monde, un acteur des collectifs, un acteur de l'intérêt général.

Raphaëlle Duchemin : Merci Frédéric Petitbon.

Frédéric Petitbon : Merci Raphaëlle Duchemin .

Raphaëlle Duchemin : La révolution de la valeur travail est donc en marche. On vient de le voir avec vous, peut-être pour s'approcher, qui sait davantage de ce que disait Confucius : choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie.

Pour tout savoir sur le changement qui est en cours, ce fameux pivot dont on vient de parler, retrouver la totalité de l'enquête et le podcast sur pwc.fr. Et pour entrer davantage encore dans le dossier, vous pouvez vous référer au tout dernier livre de Frédéric Petitbon : “Upskilling, les règles d'or des entreprises qui apprennent vite”.

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Workforce, PwC France et Maghreb

Pierre-Antoine Balu

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Associé People and Organisation, PwC France et Maghreb

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