L’éclairage éco

La France face au risque de fuite de capitaux et de talents

le facteur confiance
  • 12 févr. 2025

L’éclairage éco de Stéphanie Villers, conseillère économique de PwC France et Maghreb
 

La France entame l'année 2025 dans un climat économique et politique tendu, marqué par la nomination d’un quatrième Premier ministre en un an. Pour la première fois sous la Ve République, le budget de l’année précédente a été reconduit jusqu'à l'approbation du budget 2025 début février. Cette situation inédite suscite des inquiétudes quant à la stabilité des finances publiques. Le projet de budget 2025, présenté par Éric Lombard, vise à ramener le déficit public à 5,4% du PIB. Cet objectif semble difficilement atteignable, d’autant que le déficit a atteint un niveau record de 6,1% en 2024.

La confiance des ménages se détériore

La Banque de France a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2025, les ramenant à 0,9%, contre 1,2% estimé précédemment. Cette révision reflète les turbulences politiques internes qui s’ajoutent à un contexte international volatil. Cette prévision reste malgré tout ambitieuse compte tenu de la dégradation des deux principales composantes du PIB : la consommation et l’investissement.

En effet, la confiance des ménages français s'est détériorée en décembre 2024, l'indicateur de l'INSEE perdant un point pour s'établir à 89, bien en dessous de sa moyenne de longue période fixée à 100. Les craintes concernant l'évolution du chômage ont fortement augmenté, atteignant leur plus haut niveau depuis mai 2021. Cette baisse de confiance incite les ménages à accroître leur épargne, au détriment de leur consommation.

Des investissements en berne

Par ailleurs, les dépenses et investissements publics avaient soutenu la croissance en 2024. Or, avec un budget 2025 retardé et des dérives budgétaires constatées, il sera difficile de compter sur le secteur public pour relancer l'économie cette année.

Du côté des entreprises, l'incertitude politique et économique freine leurs investissements hexagonaux. Selon la 28ᵉ CEO Survey de PwC, 65% des dirigeants d'entreprise en France se disent néanmoins confiants dans les performances de leur organisation pour les trois prochaines années. 

Confiance dans le potentiel de l’IA

La confiance des dirigeants français repose notamment sur l’intégration progressive de l’intelligence artificielle (IA) générative au sein de leur entreprise. Plus de la moitié d’entre eux (54%) estiment que la GenAI augmentera la rentabilité de leur organisation dans les 12 mois, contre seulement 35% en Allemagne, 44% en moyenne en Europe et 48% aux États-Unis.

Les entreprises françaises sont en avance dans la perception du potentiel de l’IA par rapport au reste du monde. L’absence de réglementations strictes dans ce secteur a favorisé le déploiement de cette technologie. Les dirigeants savent se montrer innovants lorsqu’ils ne font pas face à de nombreuses entraves réglementaires. Le poids de la réglementation en France demeure un handicap majeur pour ces derniers, et 45% d'entre eux estiment que la croissance du pays régressera en 2025. Dans ce contexte, nous tablons davantage sur une prévision de croissance à 0,5% – soit en dessous des prévisions de la Banque de France et du gouvernement.

L’attrait croissant des États-Unis

Face à un environnement local contraignant, 42% des dirigeants français envisagent d'investir aux États-Unis en 2025 (contre 30% en 2024), attirés par un cadre réglementaire plus souple et des coûts énergétiques compétitifs.

Si l’avance française en IA génère des perspectives prometteuses, elle pourrait rapidement bénéficier à d’autres territoires, notamment les États-Unis, en raison de leur environnement réglementaire plus souple et de leur attractivité économique. Les prix de l’énergie, depuis la guerre en Ukraine, y sont jusqu’à trois à cinq fois moins élevés qu’en Europe (contre deux à trois fois avant 2022). 

Fuite des capitaux... et des talents ?

Les subventions américaines, notamment dans l’innovation, renforcent encore cet attrait. En 2023, les États-Unis ont investi 67 milliards de dollars en recherche et développement dans l’IA (+22 % par rapport à 2022) selon l’AI Index Report de Stanford, tandis que l’Europe n’y a consacré que 11 milliards de dollars, en recul par rapport à l’année précédente.

Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, qui promet moins d’impôts, plus de déréglementation et davantage de droits de douane, un risque nouveau émerge pour la France : celui d’une fuite des capitaux et des talents vers les États-Unis.

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Marion de Lasteyrie

Marion de Lasteyrie

Directrice Relations Extérieures et Communication, PwC France et Maghreb

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