Vue par Alison Alonso, Responsable Conformité et contrôle interne de Lydia

La fintech française spécialisée dans le paiement mobile

  • Mars 17, 2022

Comprendre les enjeux de Lydia face aux sujets de conformité

Le point de vue d'Alison Alonso, Responsable Conformité et contrôle interne de Lydia.

Que représente Lydia pour toi ?

Je me plais à imaginer Lydia comme une embarcation. A mon arrivée il y a 4 ans, je suis montée dans une barque en pleine tempête. Mais cette barque avait à son bord des gens qui tenaient sacrément bien la barre. Quatre ans plus tard, Lydia est un beau voilier, en pleine course transatlantique. C’est parfois la tempête mais, on en redemande. On est prêt à tout pour parvenir à la ligne d’arrivée, qui est de devenir le compte courant de dix millions d’européens.

Peux-tu nous présenter ton métier au sein de Lydia en quelques mots ?

Je suis responsable de la conformité et du contrôle interne. Mon rôle de responsable de la Conformité consiste à la fois à m’assurer que Lydia est en conformité avec la réglementation, mais également à travailler main dans la main avec le régulateur pour adapter la réglementation aux évolutions qui s’opèrent dans les services financiers. Mon rôle de responsable du contrôle interne m’amène, quant à lui, à identifier les éventuelles zones de risque liées aux offres proposées par Lydia et à son fonctionnement, afin de les réduire le plus possible. 

On constate aujourd’hui que les sujets de conformité sont un vrai enjeu pour les Fintech. Selon toi, quels bénéfices la conformité a eu dans le monde de la Fintech ?

Dans les Fintech, la conformité est nécessairement un juste milieu entre maîtrise et prise de risques. Sans prise de risques, l’innovation ne serait pas possible. Sans maîtrise des risques, nous n’aurions pas la confiance de nos clients et de nos investisseurs. La conformité permet de forcer l’anticipation des zones de risque, afin de protéger le client. Elle peut offrir plus de flexibilité qu’il n’y paraît : il faut pour cela la pousser dans ses retranchements, sortir de sa zone de confiance, chercher la réponse toujours plus loin. 

Selon toi, quelles sont les raisons pour lesquelles autant de Fintech passent au statut de Licorne depuis fin 2021 en France ? 

A mon sens, la recrudescence des Fintech parmi les Licornes tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les Fintechs ont su convaincre un très grand nombre de clients en proposant des services financiers disruptifs et sécurisés. Elles ont su promouvoir auprès du grand public une image dynamique, source de création de valeurs et d’emplois, qui s’est naturellement inscrite en opposition au modèle rigide et cloisonné des groupes bancaires, « too big to fail ». Par ailleurs, elles ont incontestablement bénéficié d’un effet d'entraînement des levées de fonds depuis cinq ans, propulsé par l’accompagnement de la French Tech par l’État français. 

Penses-tu que cet engouement et ces nombreuses levées de fonds puissent générer un risque sur le marché ?

La course aux levées de fonds ces dernières années peut donner l’impression d’une frénésie, mais elles ne sont jamais précipitées. Les investisseurs effectuent des due diligences approfondies par l’intermédiaire de cabinets spécialisés, sur plusieurs mois.

Au-delà de leur valorisation, les licornes françaises ont un autre point commun : elles jouissent d’un nombre considérable de clients qui leur font confiance. Et la confiance des utilisateurs ne se gagne qu’en proposant des services matures et sécurisés, surtout quand il s’agit d’argent.

Enfin, en tant que Fintech, nous avons la chance d’évoluer dans un contexte très régulé, ce qui limite le risque, puisque nous sommes également sous la supervision du régulateur français, parmi les plus exigeants d’Europe. 

Prévoyez-vous de passer établissement de crédit ? Si oui, quelle stratégie de conformité comptez-vous mettre en place pour encadrer ce nouveau business ?

C’est l’objectif que nous avons à moyen terme, après l’obtention d’un agrément d’Établissement de monnaie électronique à plus court terme. La réglementation financière proposait historiquement plus de flexibilité pour la monnaie électronique. Le futur règlement européen sur la LCB-FT devrait aligner les règles entre la monnaie scripturale et la monnaie électronique, rendant de ce fait plus attractif le statut d’établissement de crédit.

Depuis ses débuts, Lydia s’est construite grâce à ses multiples partenariats : depuis 2013, Lydia n’a pas d’agrément en propre, ce qui ne nous a pas empêché de proposer la quasi-totalité des services financiers du quotidien à nos utilisateurs. Tout naturellement, l’évolution de notre statut légal nous permettra de développer certains services en propre, tout en continuant de développer nos partenariats. 

L’IA est au cœur des discussions réglementaires, prévoyez-vous d’intégrer ce type de technologie dans vos processus de conformité ?

Nous le faisons déjà depuis plusieurs années. Notre outil de détection de la fraude repose sur du Machine Learning. Il a été développé en interne par notre équipe de Data Scientists.

Sans l’intelligence artificielle, Lydia n’en serait pas là aujourd’hui. Notre outil nous a permis de gagner en rapidité pour détecter les tentatives de fraude et surtout pouvoir limiter le nombre de faux positifs à investiguer par nos analystes. Avec 5,7 millions d’utilisateurs et seulement 150 collaborateurs, le recours au Machine Learning s’est présenté comme une nécessité. De plus, la fraude évolue constamment et nous sommes convaincus qu’elle est très spécifique à chaque établissement financier.  

Dans votre modèle de conformité actuel, utilisez-vous des solutions externes ? Si oui, quels avantages/inconvénients constatez-vous ? 

Nous privilégions le développement de solutions internes. Notre agilité nous permet de développer en quelques mois les outils dont nous avons besoin pour faire face à nos propres enjeux. L’innovation étant au cœur de notre business model, il est difficile de trouver les outils qui répondent précisément à nos besoins sur le marché. L'inconvénient, c’est que nous cherchons parfois une solution tellement sur mesure que nous pouvons prendre le risque de vouloir réinventer des choses qui fonctionnent peut-être très bien ailleurs, ce qui peut être une perte de temps. 

Enfin pour finir, comment vois-tu Lydia dans 5 ans ?

Quand je suis arrivée chez Lydia en avril 2018, l’entreprise comptait trente collaborateurs, 900 000 utilisateurs, venait de lever treize millions d’euros et ne proposait que des services de paiement en tant qu’intermédiaire.

Quatre ans plus tard, Lydia compte 150 collaborateurs, 5,7 millions de clients (essentiellement en France), vient de lever 100 millions de dollars et s’apprête à obtenir son propre agrément.

A ce rythme, dans cinq ans, nous pourrions bien compter 500 à 800 collaborateurs, utilisée par dix à quinze millions d’européens et peut-être même être une banque cotée en bourse.

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Charles de Maleville

Charles de Maleville

Associé Consulting, PwC France et Maghreb

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