Le paiement fractionné vu par le DG adjoint de Floa Bank

Dans le cadre de notre étude sur le paiement fractionné, nous avons eu l’opportunité d’échanger avec Marc Lanvin, Directeur Général adjoint de Floa Bank.

Pourriez-vous présenter Floa Bank en quelques mots ?

Floa Bank, le nouveau nom de Banque Casino, est un acteur majeur du paiement fractionné en Europe et le leader en France. Créée en 2001, c’est une banque digitale qui compte aujourd’hui plus de 300 collaborateurs.

Notre activité s’articule autour de deux principales offres : le crédit à la consommation et le paiement fractionné, également appelé paiement différé ou Buy Now Pay Later (BNPL). Pour ces deux activités, nous détenons environ trois milliards d’euros d’encours, dont deux tiers alloués au BNPL et un tiers consacré au crédit à la consommation. Notre croissance annuelle moyenne dépasse 20% et nous prévoyons une croissance de 25% pour l’année 2021. 

Basés à Bordeaux, nous sommes pour l’instant essentiellement présents en France. Nous sommes partenaires de nombreux acteurs de l’e-commerce, comme Cdiscount et SFR, mais aussi des acteurs majeurs du voyage et de l’économie circulaire, dont Center parcs et Pierre et vacances. Nous travaillons également avec les enseignes Cash Converter et Easy Cash. 

Notre expansion internationale a débuté avec le récent déploiement de nos activités de BNPL en Espagne et en Belgique. Nous prévoyons de nous positionner ensuite sur les marchés italien et portugais.

Comment Floa Bank est-elle devenue leader du paiement fractionné en France ?

Aujourd’hui, un paiement de BNPL sur trois en France est opéré par Floa Bank. Pour vous donner un ordre de grandeur, cela peut représenter plus de 60 000 paiements fractionnés réalisés en une seule heure à l’occasion du Black Friday.

Nous sommes devenus un acteur de référence du paiement fractionné en France dès 2005, grâce à la mise en place d’une solution de BNPL sur mesure chez Cdiscount. La solution permettait de prendre en compte le financement à l’expédition, à la commande et à la livraison, ainsi que les remboursements anticipés, les marketplaces ... 

Cette mission pour un acteur exigeant de l’e-commerce a accru notre visibilité auprès des autres acteurs. Par exemple, le site de vente de pièces automobiles Oscaro nous a ensuite sollicités afin de mettre à leur disposition une solution similaire.

Dans votre activité de crédit à la consommation, comment procédez-vous à l’octroi de crédits ?

Nous n’utilisons pas de fichiers positifs, c’est-à-dire que nous n’avons pas recours au registre national des crédits à la consommation pour connaître la situation d’un candidat à l’emprunt. Nos analyses reposent sur des scorings robustes à base d’algorithmes intelligents que nous faisons tourner sur un volume important de données non financières. La typologie de données, très variée, peut aller de l’adresse du client à son âge, en passant par l’heure à laquelle il réalise son achat.

En quoi votre solution se distingue-t-elle de celles des autres fintechs spécialistes du paiement fractionné, comme le suédois Klarna ou le français Alma ?

Klarna propose une solution technique qui ne repose pas prioritairement sur des scorings. Elle se base davantage sur des fichiers positifs, ce qui est autorisé en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette solution est d’ailleurs très présente sur le marché américain.

Dans la solution technologique d’Alma, la partie scoring de crédit n’est toujours pas déployée faute de modèle statistique. À l’instar de Pledg, une autre fintech française, Alma s’est associée avec Algoan pour proposer une analyse de solvabilité automatique, mais depuis septembre 2021 seulement.

Les récentes levées de fonds traduisent l’engouement mondial des investisseurs pour le paiement fractionné. Selon vous, quels facteurs expliquent l’essor du BNPL et la multiplication des acteurs qui le proposent ?

Selon nous, la première tendance qui explique l’essor du paiement fractionné côté consommateurs est la digitalisation. Le confinement a aussi servi d’accélérateur en augmentant le volume d’achats en ligne et le nombre d’e-commerçants. 

Autre avantage, le BNPL permet aux consommateurs de réduire les encours sur leur carte bancaire. En étalant les paiements sur plusieurs mois, ils peuvent éviter d’atteindre des plafonds de paiement et les blocages qui en découlent. Nous permettons à nos clients, notamment aux plus jeunes, de reprendre le contrôle sur leurs dépenses. Ils ont le choix entre régler un montant immédiatement dans son intégralité ou en fractionné. 

Côté offre, l’essor de nouvelles technologies a servi de catalyseur. En effet, pour répondre à ces problématiques de flexibilité des paiements, les acteurs peuvent désormais se baser sur des solutions très techniques. Ils disposent de puissances de calcul importantes pour bien gérer les modèles d’analyse et de systèmes distribués sur le cloud.

Les inquiétudes des pouvoirs publics et des associations de consommateurs concernant les risques d’impayés et de surendettement des ménages vous semblent-elles fondées ? Comment percevez-vous les futures contraintes réglementaires européennes ?

En ce moment, le paiement fractionné suscite beaucoup de fantasmes, notamment autour du surendettement. Or, ce sujet reste pour moi très relatif : il s’agit de montants n’excédant pas 175 euros en moyenne, lissés sur deux à trois mois et contrôlés ou visibles par le banquier du consommateur. 

En France, le BNPL représente une production annuelle de 6 milliards d'euros, soit l'équivalent des seuls frais de rejets sur découverts. Par ailleurs, comme cette solution de paiement correspond à un crédit de 90 jours au maximum, l'encours moyen est de 1,5 milliard d'euros. C'est une goutte d'eau comparée au crédit consommation, qui est d'environ 200 milliards d'euros, et du crédit immobilier, qui dépasse 1 000 milliards d'euros. Même s'il venait à doubler ou tripler, le paiement fractionné resterait marginal pour le surendettement.

Le facteur à la source du surendettement serait plutôt la surconsommation. Les dernières analyses indiquent que le paiement fractionné y est très peu contributif.

Avez-vous identifié d’autres risques liés de près ou de loin au paiement fractionné ?

Le vrai risque ne se situe pas au niveau des clients, mais plutôt à celui des acteurs du commerce et de l’e-commerce. Il existe sur le marché du paiement fractionné une multitude d’acteurs, dont certains ne peuvent créditer les e-commerçants qu’à partir de J+7. La dépendance des entreprises commerciales à ce type de financement génère un risque systémique en raison de l’effet boule de neige sur leur trésorerie. Les accumulations d’impayés pourraient avoir des conséquences dévastatrices pour la survie de certains commerces. 

Par ailleurs, le BNPL est une activité exposée au risque de fraude. En effet, le paiement fractionné est intéressant pour un fraudeur : le panier étant plus élevé, l’espérance de gain est plus forte. Aussi, la fraude à la carte bancaire est de plus en plus sophistiquée : il existe des techniques de capture de la puce téléphonique pour valider les achats capables de contourner le système 3D Secure et l’authentification forte.  

Nous sommes conscients de ces nouveaux risques et avons mis en place une multitude de contrôles basés sur des analyses statistiques et solutions techniques qui permettent de se prémunir contre ce type de fraude.

Que signifie votre récent rapprochement avec BNP Paribas ?

Nous ne sommes pas encore associés avec BNP Paribas en raison de procédures anti-trust toujours en cours. Nous pensons que notre rachat par une grande banque est validant. Il nous permet d’envisager des perspectives d’accélération à l’international plus grandes et plus rapides, tout en construisant un modèle robuste. Le paiement fractionné a encore de beaux jours devant lui !

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Charles de Maleville

Charles de Maleville

Associé Consulting, PwC France et Maghreb

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