IA : quelle force de travail pour demain ?

Un développeur qui travail
  • Publication
  • 22 mai 2024

Depuis son émergence, l’intelligence artificielle générative (ou Gen AI) suscite des discussions passionnées et des débats intenses sur son influence actuelle et future sur le monde du travail. Lors d’une récente conférence au salon VivaTech, Corine de Bilbao (Présidente de Microsoft France), Gabriel Hubert (Cofondateur de Dust), Jérôme Nanty (Directeur exécutif des ressources humaines du groupe Carrefour), ont débattu de la nature même de l’IA au sein de leurs équipes, tout en regardant plus loin sur les futures applications de cette technologie de rupture.

La Gen AI : un changement rapide et inéluctable

C’est aujourd’hui une certitude : la montée en puissance de l’Intelligence artificielle générative rappelle les grandes révolutions technologiques du passé, de l’invention de la presse à imprimer à l’électricité, jusqu’à l’avènement d’Internet. Mais ce qui rend l’IA unique, c’est la rapidité de son adoption et sa capacité à transformer les tâches, qu’elles soient techniques, administratives ou répétitives, en automatisant à la fois celles qui apportent peu de valeur ajoutée, tout comme celles qui en apportent. Elle impacte aussi les compétences, qu’elles soient relationnelles ou techniques. Et, dans leur sillage, elle modifie profondément le modèle managérial car elle introduit, par essence, de nouvelles façons de travailler.

L’IA promet dans tous les cas de réorganiser le travail de fond en comble. « Selon l’index annuel de Microsoft sur le travail, les employés souhaitent ardemment l’IA. Cette demande pressante montre qu'elle n’est pas une simple mode, mais une nécessité pour toute entreprise cherchant à rester compétitive sur le marché » explique Corinne de Bilbao, présidente de Microsoft France. « La Gen AI est en train d’agir à une vitesse que nous n’avions jamais vue auparavant », affirme-t-elle. 

« 75 % des salariés français utilisent déjà l'IA dans leurs tâches quotidiennes. » Nous sommes d’ores et déjà entrés dans « l'âge de raison » de la Gen AI, où l'expérimentation laisse place à des déploiements à grande échelle.

Corinne de Bilbao,Présidente de Microsoft France.

Avec l’Intelligence Artificielle, des gains de productivité

Et pour cause : l’IA apporte des gains de productivité significatifs, notamment en automatisant les tâches administratives et répétitives. Jérôme Nanty, Directeur exécutif des ressources humaines du groupe Carrefour, affirme que « 90 % des collaborateurs ayant accès à des assistants virtuels affirment gagner du temps et pouvoir se concentrer sur des tâches plus créatives et à plus forte valeur ajoutée. »  Carrefour utilise ainsi la Gen AI pour optimiser ses prix, construire les assortiments de produits et choisir les promotions les plus adaptées en fonction des périodes, des magasins, etc. Et cette grande enseigne ne s’arrête pas là. Jérôme Nanty mentionne aussi que l'IA aide à analyser les appels d'offres pour les achats, améliorant ainsi l'efficacité du processus de procurement : « la Gen AI nous aide à analyser les informations pour les demandes de propositions, ce qui est une question très importante de productivité », explique-t-il.

En outre, l'IA permet de structurer et d'analyser des quantités massives de données. Gabriel Hubert, Cofondateur de Dust (solution IA de production automatisée à partir des données internes en entreprise) décrit ainsi l'IA comme un « couvercle universel » capable de structurer des données non structurées, facilitant ainsi la traduction entre les silos d'information : « Cela ouvre la voie à une collaboration plus efficace entre les équipes qui, bien qu’elles parlent la même langue, utilisent souvent des jargons spécifiques à leurs domaines respectifs ».

Selon lui, au lieu de s’adapter à des logiciels rigides, les salariés peuvent désormais interagir avec des outils plus flexibles et personnalisés. Car si la Gen AI permet d’améliorer la productivité des équipes, elle ouvre aussi le champ des possibles à l’innovation, notamment pour les jeunes entreprises agiles qui cherchent à se différencier. Autrement dit, ce n’est plus seulement une question de technologie, mais de véritable transformation culturelle.   

Par ailleurs, les outils IA sont en train de se déployer au sein des entreprises à une vitesse que même les comités exécutifs n’avaient pas prévue. Selon Gabriel Hubert, « chacun de nos clients a surfé des cas d'utilisation qui n'étaient pas prévus, mais qui ont été imaginés grâce à l'itération rapide et à la manière dont les équipes sont capables d'expérimenter. » 

Nous entrons dans une époque où c’est le software qui va s’adapter à nous.

Gabriel Hubert,Cofondateur de Dust

L’évolution des compétences à l’ère de l’Intelligence Artificielle

L’intégration de la Gen AI dans les entreprises exige une adaptation continue des compétences. Plus qu’une simple mise à jour technologique, cette transformation requiert un changement de mentalité et une capacité plus importante à explorer, tester et innover. Selon Gabriel Hubert, « les personnes capables de gérer cette transformation, d’itérer et de s’adapter aux changements constants, réussiront à long terme. »

Corine de Bilbao souligne que, pour s’assurer de la valeur ajoutée de l’IA, il est essentiel de maintenir un « human-in-the-loop », où l’humain conserve un rôle d’examinateur et de validateur des données produites. Les compétences comme la capacité de jugement, la créativité et la réflexion critique deviendront ainsi indispensables dans le monde du travail de demain.

Les enjeux de la transformation culturelle et de l’adaptation au changement

À l’heure actuelle, le principal enjeu réside par conséquent dans la transformation culturelle nécessaire pour intégrer pleinement l’Intelligence artificielle dans le quotidien des collaborateurs. Il s’agit de surmonter les peurs et les anxiétés liées à l’automatisation et de leur prouver que l’IA est une opportunité plutôt qu’une menace.  

Cependant, au-delà des gains de productivité, la mise en place de la Gen AI dans les grandes entreprises pose des questions organisationnelles et culturelles majeures, notamment chez les DRH. Selon Jérôme Nanty : « Le nœud du problème n’est pas l’Intelligence artificielle, mais le fait que les entreprises ont une organisation, une culture, et des processus hérités de nos pairs qui rendent cette transition difficile ». L’enjeu n’est donc pas seulement technique, mais également humain. 

Carrefour a déjà mené une transformation numérique de grande ampleur il y a deux ans, formant 300 000 employés au digital. Cette fois-ci, avec la Gen AI, la marche est encore plus grande, nécessitant une adaptation profonde et un changement des pratiques professionnelles.

Jérôme Nanty,Directeur exécutif des ressources humaines du groupe Carrefour

De son côté Microsoft s’engage dans un projet qui vise à former 1 million de personnes en France, en collaboration avec des partenaires, à commencer par France Travail. Ce programme rassemble autant les personnes en recherche d’emploi que les professionnels en poste et les petites entreprises qui n’ont pas toujours les ressources en interne pour mettre en place de telles technologies.

Avec l’IA, un avenir du travail incertain mais prometteur

Une question subsiste : à quoi ressemblera le travail dans un an, ou même dans dix ans, avec la Gen AI ? Gabriel Hubert rappelle un adage célèbre : « Nous avons tendance à surestimer les changements à court terme et à les sous-estimer à long terme ». Car certes, les modèles de Gen AI deviendront plus puissants dans les mois à venir, mais l’impact réel sur la transformation du travail pourrait être encore plus significatif à long terme. Pour le moment, l’Intelligence artificielle s’est invitée au travail comme un gain de productivité sur les tâches chronophages, à faible valeur ajoutée. Mais, en tout état de cause, cela évoluera vers toujours plus de possibilités et de valeur augmentée.

Corine de Bilbao envisage d’ailleurs des avancées majeures dans des secteurs comme la santé ou l'environnement grâce à la synergie entre la Gen AI et des technologies émergentes comme l’informatique quantique. « Je pense que nous n’avons pas encore vu ce que la technologie peut faire, et cela donne de l’espoir pour l’humanité ».

Ainsi, pourrait-on imaginer un avenir où chaque collaborateur travaillerait aux côtés d’un assistant virtuel ou d’un agent autonome ? Cette idée est en tout cas de moins en moins utopique. Gabriel Hubert souligne d’ailleurs que les outils d’Intelligence artificielle permettront bientôt à tous les collaborateurs de créer des cas d’utilisation innovants, renforçant ainsi leur autonomie et leur empowerment. Mais cette transformation nécessite un engagement fort des entreprises pour former et accompagner leurs salariés dans cette transition.

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Anaïs Pierre

Anaïs Pierre

Directrice, Business & People Transformation, PwC France et Maghreb

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