Tendances sur les pratiques de rémunération et avantages sociaux

10 minutes sur l’inflation et la rémunération

Vue aérienne de bâtiments
  • Publication
  • 03 oct. 2023

La préoccupation principale des entreprises en 2023 est de gérer et repenser la politique de rémunération afin de promouvoir un climat social serein dans un contexte inflationniste où près de 20% des collaborateurs français n’arrivent pas à joindre les deux bouts. 

 

Plusieurs hypothèses existaient à fin 2022 dans les leviers à activer (replay webcast), notamment sur la balance court-terme vs long-terme avec l’arbitrage parmi plusieurs périphériques qui pouvaient être utilisés pour faire face à cette deuxième année de campagne salariale impactée par l’inflation. 

 

L’étude Hopes & Fears de PwC soulève plusieurs paradoxes et grands défis pour les collaborateurs et dirigeants : si le partage de la valeur, finalement le rôle premier de l’entreprise, apparaît comme de plus en plus urgent, l’urgence climatique et l’impact des nouvelles technologies auront un impact à mesurer

Quelles pratiques observées au premier semestre 2023 ?

En 2022, les directions C&B (Compensation & Benefits) devaient prendre en compte un paramètre exogène fort dans la manière de répartir et mesurer la distribution de la rémunération, il s'agissait du niveau de l'inflation.

Deux visions se sont confrontées, celle du court-terme grâce aux primes exceptionnelles, l’augmentation des budgets de bonus en introduisant plusieurs périodes de révision des salaires durant l'année et en décorrélant l'action de pallier l'inflation avec la politique C&B discutée et négociée avec les partenaires sociaux, et celle du long-terme avec les augmentations de salaires (distension de la masse salariale) notamment, sinon une combinaison des deux visions.

En 2023, en lien avec les indicateurs macroéconomiques, les employeurs pensent de plus en plus que le niveau de l’inflation peut être un phénomène durable et donc la politique de rémunération doit être repensée afin de retrouver une stabilité sur la gestion C&B, perdue depuis le début de la Covid en 2019. Contrairement aux prévisions 2023 publiées en 2022 où le budget d’augmentation des salaires était prévu à la hausse à hauteur de 5 % environ, le budget d’augmentation des salaires moyen en 2023 reste autour des 4,2 %, soit un niveau toujours inférieur à l’inflation à l’image des pratiques constatées en 2022.

Stabilité et prudence

Dans la recherche de stabilité par les employeurs sur le sujet, on note également une certaine prudence par rapport à une éventuelle baisse du niveau d’inflation plaidée par les banques centrales, et ce, afin d’éviter une distension de la masse salariale disproportionnée par rapport au niveau de l’inflation. Cette prudence peut se traduire par le report de certains recrutements et investissements.

Pour compléter, certaines entreprises octroient la prime de partage de la valeur (PPV), même si le recours à cette prime PPV a diminué entre 2022 et 2023 (environ 45% des entreprises en 2023 contre 60% en 2022). Les employeurs notent un risque de dépendance vis-à-vis de cette prime dans la gestion de la politique de rémunération. Pour éviter ce risque de dépendance et répondre aux attentes des salariés après une écoute active (sondage…), environ 20% des entreprises ont proposé en 2023 des nouveaux éléments de rémunération, dont 2/3 sous forme d’avantages sociaux.

L’impact de la RSE

Dans le même temps, les entreprises accélèrent le pas quant à l’indexation de la rémunération variable sur la progression de l’indice RSE, pour un certain nombre de salariés. Nombre d'entreprises revoient alors les conditions de rémunération, en la faisant dépendre de la réalisation des objectifs RSE. Une partie de la rémunération variable sera ainsi liée aux performances sociétales et environnementales, pour un certain nombre de salariés. 

En effet, l’un des principaux enseignements à retenir de l’étude PwC “The economic realities” est que les investisseurs accordent davantage d’attention aux risques et opportunités RSE auxquels sont confrontées les entreprises et dans lesquels ils investissent et sont prêts à agir. Près de 80 % ont déclaré que la RSE était un facteur important dans leur prise de décision d’investissement ; près de 70 % pensent que les facteurs RSE devraient figurer dans les objectifs de rémunération des dirigeants ; et environ 50 % ont exprimé leur volonté de se désinvestir des entreprises qui n’ont pas pris suffisamment de mesures sur les questions RSE.

Le responsable RSE d’une société d’investissement a déclaré : « Nous sommes à un point critique où la RSE est devenu courant. On ne peut plus entrer dans une institution financière aujourd’hui pour parler de thèmes à long-terme sans évoquer la RSE ». Pour appuyer cette citation, d’après la 26e Global CEO Survey de PwC, 45 % des CEO français estiment que leur modèle économique actuel ne sera plus viable d'ici 10 ans s’ils continuent sur leur lancée actuelle.

Équité, efficacité et un meilleur climat social : comment redistribuer le budget d’augmentation des salaires à cet effet ?

La différenciation des salaires était au cœur de la stratégie C&B durant cette dernière décennie avec la pratique courante des augmentations individuelles pour motiver et retenir les salariés. Aujourd’hui, comme dit précédemment, les entreprises sont à la recherche d’une certaine stabilité longtemps remise en cause par l’actualité et la tension sur le marché qui poussent les entreprises à faire beaucoup d’exceptions pour attirer et retenir les salariés. De ce fait, on s’aperçoit que depuis 2 ans le recours aux augmentations générales s’est accru. Une stratégie différente demande a fortiori un investissement d’adaptation de la part des professionnels RH ou C&B, afin de cibler et déterminer une enveloppe qui permettra de disposer d’une politique C&B efficace propice à inciter la performance et atteindre les enjeux de l’entreprise.

La stratégie la plus observée est l’attribution d’une augmentation générale aux plus bas salaires les plus impactés par l’inflation, et aux départements/métiers identifiés comme stratégiques à moyen/long-terme pour l’entreprise. En effet, compte tenu des pressions croissantes sur les coûts, on observe un retour à une approche plus ciblée des augmentations, avec des budgets salariaux axés sur la main d'œuvre confrontée à l’augmentation du coût de la vie. Néanmoins, le recours aux augmentations individuelles reste une réalité, notamment afin de retenir les talents clés. 

Sur ce dernier point, il s’agit également de mesurer et d’améliorer l’articulation du lien entre la rémunération et la performance. Ce, en développant une logique et un discours fort pour l’alignement des résultats salariaux et de la performance, en particulier avec un examen approfondi des pressions sur les coûts, l’accent mis sur la distribution des STI (Short-Term Incentives) et l’utilisation du pouvoir discrétionnaire. Il s’agit à présent et plus que jamais d’examiner si les augmentations de salaire s’inscrivent dans le contexte général de l’entreprise et s’il existe d’autres approches possibles, en envisageant et rationalisant la combinaison entre rémunérations fixe et variable et donc en étudiant les possibilités d’augmentation de la rémunération variable comme substitut partiel à l’augmentation de la rémunération fixe.

Les facteurs clés de la rémunération

A présent, qui dit augmentations générales dit cibler un groupe de salariés qui disposera des mêmes pourcentages d’augmentations de salaires. De ce fait, les entreprises doivent effectuer un travail d’arbitrage sur la détermination des enveloppes pour les départements/métiers en fonction des priorités stratégiques et de la criticité des populations. 

  •  Dans tous les cas, avoir mis à jour sa méthode de pesée des postes et de classification des emplois aidera certainement les entreprises à avoir une vision plus claire et à arbitrer sujet par sujet. En effet, il s’agit là de s’assurer des bons rationnels dans la distribution des salaires en marche normale et à l’appui de la pyramide des profils et des responsabilités.

Les augmentations individuelles étaient la pratique la plus observée durant cette dernière décennie marquée par la différenciation de la rémunération pour attirer et retenir les salariés. Même si cette pratique est de moins en moins observée dans ce contexte, elle reste une réalité en 2023 pour les talents clés.

  • Une réflexion et un processus d’identification, une grille de rémunération, un parcours de carrière spécifique… devront être mis en place par les professionnels RH, afin de mettre un cadre et éviter les attributions discrétionnaires. Cette réflexion devra intégrer des principes directeurs comme les orientations stratégiques de l’entreprise et du département à moyen et long-terme.

Autre point, comme la majorité des entreprises octroient une augmentation de salaire en dessous du niveau de l’inflation, nous constatons une prise de conscience et une écoute plus active des salariés sur leurs attentes en matière d’avantages sociaux.

  • De plus en plus d’entreprises se questionnent sur leurs politiques d’avantages sociaux avec les différentes possibilités pour améliorer la situation du salarié comme la complémentaire santé, sensible aux pressions inflationnistes, et dont le sujet fait partie des vulnérabilités sociales les plus prégnantes. En effet, les frais de santé / mutuelle sont un levier à ne pas négliger pour faire valoir autrement les actions contre la perte de pouvoir d’achat. Cela passe aussi par la démarche de revue des prestataires existants: en effet, les coûts et prestations de santé sont à la hausse, les prestataires réagissent assez vite à la révision tarifaire de ces contrats courts. D’autant plus que le gouvernement indique qu’à partir d’octobre, les prestations de santé seront davantage prises en charge par la complémentaire santé, au détriment de la sécurité sociale (Les Echos). 

  • D’après notre étude Hopes and Fears 2023, 22 % des salariés français se disent prêt à démissionner dans les 12 prochains mois, les employeurs ont donc plutôt intérêt à porter une attention particulière sur ces sujets

Prévisions et risques

Quelles prévisions pour 2024 et après ? 

Comme dit précédemment, les entreprises sont en phase d’observation et sont prudentes quant à l’idée d’une éventuelle baisse du niveau de l’inflation. En effet, le niveau de l’inflation commence à montrer des signes d’essoufflement propices à une stabilisation vers un niveau moins élevé que pendant ces deux dernières années, laissant les prix s’ajuster à une demande en baisse. Mais on note ici que les prix resteront à des niveaux plus élevés que ces dernières années avant inflation (retrouvez sur #LetsgoFrance le décryptage de Stéphanie Villers, la Conseillère économique de PwC France et Maghreb). 

En résumé, les prix à la consommation ont bien suivi la hausse de l’inflation mais ne suivront pas à la même vitesse la baisse de celle-ci, ce qui conforte les entreprises à chercher une certaine stabilité sur la stratégie des politiques C&B déployées (voir ci-dessus).

Quel risque si les politiques C&B sont ajustées au niveau de l’inflation ? 

Dans un contexte où les politiques salariales sont alignées par rapport à l’inflation, les pouvoirs d’achat ne sont pas forcément stabilisés. En effet, la courbe du pouvoir d’achat n’est pas symétrique avec celle de l’inflation car les prix à la consommation diminueront moins rapidement que l’inflation. Il existe un niveau en dessous duquel les producteurs ou les distributeurs n’iront pas afin de couvrir la partie investissement.

Sachant que nous sommes dans un contexte où les économistes prévoient une baisse du niveau de l’inflation mais pas du niveau des prix à la consommation à la même vitesse, les politiques C&B alignées au niveau de l’inflation ne pallieront donc pas la perte de pouvoir d’achat, au contraire, la détérioration et la perception seront accentuées et l’écart sera encore plus visible. 

Les prévisions d’augmentation des salaires pour 2024 restent autour des 4% pour une baisse de 0,2 à 0,4 point par rapport à 2023, soit un niveau comparable. Les entreprises continuent donc à garder un niveau moyen d’augmentation des salaires plus élevés que ce octroyé durant cette dernière décennie.

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Hélène Farouz

Hélène Farouz

Associée, Rémunération et Avantages Sociaux, PwC France et Maghreb

Navaz Djadaoudjee

Navaz Djadaoudjee

Directeur, Rémunération et Avantages Sociaux, PwC France et Maghreb

Apdil  Yucel

Apdil Yucel

Senior associate, Rémunération et Avantages Sociaux, PwC France et Maghreb

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