Le M&A comme accélérateur de la transformation des entreprises | Hors-série Décryptages


Raphaëlle Duchemin : Bienvenue dans Décryptages. Cette série de podcast s'est donnée pour mission de vous aider, vous, dirigeants, à mieux appréhender les changements qui secouent la vie de l'entreprise, et qui vont aboutir, dans les années qui viennent, à repenser de A à Z les stratégies, les investissements et aussi les manières de faire. Une révolution, peut-être, une transformation, sûrement, et ce, à tous les étages. Certains sont aux avant-postes pour nous aider à lire ces signaux faibles, à mieux les intégrer dans ce qui sera demain la colonne vertébrale d'une société, d'un groupe, d'une PME ou d'une ETI. Je suis Raphaëlle Duchemin et je vous emmène à la rencontre de celles et ceux qui ont les clés pour déchiffrer les transformations.

Bonjour Stéphane Salustro.

Stéphane Salustro : Bonjour Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous êtes Responsable Deals PwC France et Maghreb. À chaque fois que l'on prend le pouls des dirigeants français, on s'aperçoit qu'ils ont conscience de devoir changer de modèle s'ils veulent que leur entreprise soit pérenne. C'est d'ailleurs un des enseignements de la CEO Survey. En quoi, justement, le M&A, qui est votre domaine de compétence, c'est-à-dire les fusions-acquisitions, sont utiles dans la boîte à outils des patrons ? Est-ce que c'est aujourd'hui, peut-être plus qu'hier encore, un levier stratégique fort de transformation ?

Stéphane Salustro : La CEO Survey indique que 60 % des chefs d'entreprise français pensent que leur entreprise ne sera pas viable si elle ne se transforme pas d'ici à une dizaine d'années. Ce qui est intéressant, c'est que c'est ce qu'on vit, nous, au jour le jour dans l'écosystème du M&A. Pourquoi ? Parce que beaucoup considèrent que le M&A est un accélérateur de la transformation. Beaucoup envisagent donc le M&A comme une solution, quand d'autres envisagent la Recherche et Développement ou d'autres solutions. Le M&A est de plus en plus considéré dans les stratégies de transformations, et donc, d'accélération de la transformation.

Raphaëlle Duchemin : Vous dites le M&A, il faut distinguer. Il y a la fusion et il y a l'acquisition. Même si le terme regroupe les deux, il recouvre deux réalités opérationnelles qui sont assez différentes, qui, en tout cas, n'engagent pas les parties de la même manière.

Stéphane Salustro : Quand on aborde le sujet à travers le prisme de la transformation, la finalité, c'est la transformation. Que ce soit à travers une acquisition, une fusion, une session, à la fin de la journée, la finalité est la même. On le vit au jour le jour. Mes associés et moi, sommes sollicités sur des transactions, la plupart du temps des acquisitions, pour des grands groupes français ou des ETI françaises, qui leur permettent d'accélérer cette transformation dont on parle. Souvent, cette transformation est issue à la fois d'une réflexion stratégique, mais aussi de contrainte. Ce que dit la CEO Survey, c'est que, pour 56 % des chefs d'entreprise, les aspects réglementaires sont une contrainte importante qui les engage vers une réflexion et une transformation. On voit souvent des chefs d'entreprise, des directeurs financiers ou des patrons du M&A qui nous appellent pour les aider à accélérer cette transformation.

Raphaëlle Duchemin : Ça signifie que, peut-être qu'avant, ils n'y auraient pas forcément pensé et que, poussé par le réglementaire ou par des avancées technologiques, ils se disent : finalement, la bonne solution, c'est la fusion-acquisition ?

Stéphane Salustro : Je ne prendrais pas les choses dans ce sens-là, mais regardez l'industrie automobile. Vous avez une directive européenne qui contraint les constructeurs à intégrer de plus en plus de matériaux recyclés dans les voitures neuves. En fait, on est sollicité par certains grands groupes pour aller faire des acquisitions de sociétés de petite taille, mais qui leur permettront d'internaliser la fourniture de ce genre de matériaux.

Raphaëlle Duchemin : Stéphane, ça porte un nom, vous avez conceptualisé les choses, c'est le transact to transform. D'ailleurs, je crois que ça peut se mettre dans l'autre sens.

Stéphane Salustro : Oui, c'est exactement ça, Raphaëlle. Transact to transform , transform to transact, c'est ce cercle vertueux entre la transformation, la transaction, la transaction qui nourrit la transformation ou la transformation qui nourrit la transaction. Ce qu'on vit au jour le jour avec nos clients, et qu'on a conceptualisé et opérationnalisé avec nos équipes. Ce qui nous permet d'accompagner nos clients du début à la fin, à savoir l'objectif de transformation à la transaction, et ensuite à la transformation issue de cette transaction. Transformation, que ce soit acquisition de nouvelles compétences, acquisition de nouveaux marchés, acquisition de nouvelles technologies, accélération de cette transformation à travers cette transaction.

Raphaëlle Duchemin : C'est un marché qui avait pas mal ralenti depuis le covid. Manifestement, il reprend. En tout cas, il y a des signaux qui nous laissent penser que le nombre de fusions-acquisitions va remonter les envies et les engagements des patrons dans les années qui viennent. C'est quoi ? C'est ce pouvoir transformateur, la prise en compte de ce pouvoir ? En quoi cela peut agir sur la mutation d'une entreprise ? Comment est-ce que ça l'aide à pivoter ?

Stéphane Salustro : Il y a un ralentissement important dans le monde et en France. Les volumes de transactions en France ont diminué d'à-peu-près 50 % entre 2022 et 2023, et avait déjà diminué entre 2021 et 2022. C'est un ralentissement très important dans le monde et en Europe, on est à-peu-près sur des tendances similaires, mais il y a quand même eu des transactions. Ça, c'est le premier point, c'est le constat. Le deuxième, c'est qu'il ne faut pas oublier que le M&A n'est pas qu'un outil de transformation. C'est aussi un marché de financiers, un marché sur lequel on trouve des fonds d'investissement. Les principales causes du ralentissement de ce marché, et on l'a constaté dès le début 2022, a été l'inflation qui a entraîné une hausse des taux d'intérêt, une raréfaction du financement ou un financement plus cher. Une grande partie des transactions à M&A sont financées par effet de levier, notamment chez les fonds d'investissement. Là, on a vu un fort ralentissement. Deuxièmement, beaucoup d'incertitudes géopolitiques, comme on en connaît encore maintenant, mais l'incertitude géopolitique est intégrée dans les raisonnements des uns et des autres, mais ça a eu aussi un effet.Troisièmement, des sujets de supply chain, etc. Il y a eu plein de causes qui ont convergé vers un ralentissement de ce marché. 

Les conditions sont en train de changer, notamment de financement, premièrement avec l'inflation qui a atteint un plateau et a réamorcé une tendance à la baisse. Deuxièmement, toute la partie du marché du M&A qui est animé par les fonds d'investissement. Sur cette partie-là, il y a aussi un phénomène de rattrapage. Ce qu'on envisage, c'est une reprise du marché. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu beaucoup moins de transaction, que ce soit à l'achat, à la vente, par cette partie du marché qui a un horizon de temps. Il y a un moment où le temps avance. Si on ne fait pas de transaction, il y a un phénomène de rattrapage qui fait que, mécaniquement, ces acteurs-là du marché vont reprendre les transactions. À côté de ça, le M&A comme accélérateur de la transformation, a été justement ce socle, c'est-à-dire que les entreprises ont besoin de se transformer, on l'a dit. C'est ce que montre la CEO Survey, et nous, c'est ce qu'on a vu de façon concrète. Ce qu'on a vu, c'est que l'activité qu'on a continué d'avoir quand même, a été beaucoup avec des grandes entreprises qui nous sollicitaient dans le cadre de leur transformation, pour faire des acquisitions, ou alors des sessions qui visent à se concentrer sur leurs activités.

Raphaëlle Duchemin : Quand on décide de faire une fusion, une acquisition, une session, ça veut dire aussi, quand je suis patron ou quand je suis dirigeant d'entreprise, que j'accepte de laisser un pan de mon activité au passé et de regarder vers le futur en misant sur de nouvelles opportunités pour aller acquérir, par exemple, de nouvelles technologies ?

Stéphane Salustro : Si la création de valeur passe par de la transformation, et donc, passe par une acquisition, effectivement, il envisage une transaction. Ce n'est pas pour autant qu'il va rayer un pan de son histoire. Ce qu'on voit beaucoup, ce sont des grands groupes qui opèrent des revues de portefeuille et qui décident de procéder à des cessions d'activités, considérées comme étant non essentielles. Ça leur permet de se concentrer sur les activités cœur et de dégager des moyens pour investir et procéder à des acquisitions sur ces activités cœur, et pour aller dans cette transformation dont on parlait.

Raphaëlle Duchemin : On va chercher de nouvelles compétences, on vient additionner des compétences à celles qu'on a déjà.

Stéphane Salustro : On va, soit chercher de nouvelles compétences, soit chercher de nouveaux marchés géographiques, de nouvelles technologies, tout ce qui va transformer et créer de la valeur.

Raphaëlle Duchemin : Quand on pense M&A, on pense d'abord financier. Or, aujourd'hui, c'est peut-être un peu moins vrai qu'hier, mais vous m'arrêterez si je me trompe. Parce que pour ajouter de nouvelles cordes à son arc, quand on est une entreprise, il va falloir discuter avec toutes les parties prenantes, c'est-à-dire les ressources humaines, la direction juridique. Ce sont finalement tous ces aspects qui vont permettre d'aller chercher comme ça les bonnes propositions.

Stéphane Salustro : Vous avez entièrement raison. C'est ce qui fait l'intérêt de mon métier, ce qui permet d'appréhender l'entreprise de façon holistique. Quand on va conseiller un de nos clients qui s'apprête à investir dans une entreprise, il va nous demander de regarder tous les pans de l'entreprise. Pas uniquement les états financiers, mais également le juridique, le fiscal, l'opérationnel, l'humain, le réglementaire, la technologie. J'allais dire, et j'aurais dû commencer par ça, la stratégie en fait. Ouvrir le capot d'une cible, c'est décomposer son business model, et c'est ce qui rend passionnant notre métier, parce qu'on est amené à découvrir beaucoup de business models différents. On vit l'évolution, la transformation des sociétés à travers ce métier.

Raphaëlle Duchemin : Fusion-acquisition, ça peut être perçu aujourd'hui comme une étape qu'on franchit plus tôt quand le climat extérieur est solide et est un climat de confiance. Or, avec les crises qui se sont enchaînées, ça n'est pas forcément le cas. On ne sait pas quand est-ce qu'elles s'arrêteront, d'ailleurs. Est-ce que vous diriez que c'est une occasion supplémentaire de prendre un tournant ?

Stéphane Salustro : Tout dépend à la fois du contexte de l'industrie dans laquelle vous évoluez, de votre situation, etc. Dans les cycles comme ceux qu'on a vécus récemment, ces cycles rengorgent d'opportunités, notamment pour des grands groupes qui cherchent à se transformer et qui vont avaler des entreprises de petite taille ou de taille intermédiaire. Ce qu'on a remarqué, c'est que les groupes qu'on a accompagnés ces dernières années, ont tendance à faire beaucoup d'acquisitions de petite taille, justement dans cette logique de transformation qui leur permet à la fois d'acquérir des nouvelles technologies, mais aussi de limiter le risque sur chacune des acquisitions prises indépendamment les unes des autres. C'est aussi une façon de monitorer son risque.

Raphaëlle Duchemin : On a commencé avec la boite à outils. J'aimerais bien qu'on boucle avec cette boîte à outils. Si vous deviez convaincre les dirigeants d'utiliser le M&A, en quoi ce M&A est aujourd'hui un outil essentiel de transformation ? Est-ce qu'il y a comme ça des étapes indispensables à ne pas négliger pour aller vers ces opérations-là ?

Stéphane Salustro : C'est intéressant, la transition avec ce que je disais juste avant, parce que vous allez identifier des cibles de petite taille, avec beaucoup d'agilité, et donc, des cibles et des sociétés qui vont beaucoup plus vite que vous sur des nouvelles technologies, et dont le point de focus, de concentration de l'énergie sur des nouvelles technologies, des nouveaux marchés, etc. C'est en ça qu'on parle d'une boîte à outils quand on parle du M&A.

Raphaëlle Duchemin : L'humain, c'est important. La synchronisation des systèmes, l'alignement des process, est-ce qu'il y a des cases à cocher quand on veut aller vers cette boîte à outils et l'utiliser le plus efficacement possible ?

Stéphane Salustro : Je pense que la première, c'est d'être clair sur l'objectif de l'opération et sur les leviers de création de valeur que doit générer cette opération. Sans ça, on est face à un échec. Ensuite, effectivement, une fois qu'on est clair sur les leviers de création de valeur, l'idée est d'appréhender de façon holistique tous les pans de l'opération, financier, bien évidemment, c'est au cœur de l'opération, mais pas que. Appréhender de façon holistique pour limiter les risques et anticiper une intégration, parce qu'une opération de M&A, c'est la capacité à intégrer et à créer de la valeur une fois qu'on a procédé à la question.

Raphaëlle Duchemin : Merci, Stéphane Salustro.

Stéphane Salustro : Merci à vous.

Raphaëlle Duchemin : On se retrouve le mois prochain pour un nouveau numéro de Décryptage. D'ici là, vous retrouvez l'intégralité des podcasts sur PwC.fr.

Dans un monde en perpétuelle mutation, où les entreprises doivent réinventer leurs stratégies pour assurer leur pérennité, "Décryptages" vous offre les clés pour comprendre ces bouleversements.

Ce hors-série s'est donné pour mission de vous aider, vous, dirigeants, à mieux appréhender les changements qui secouent la vie de l'entreprise, et qui vont aboutir, dans les années qui viennent, à repenser de A à Z les stratégies, les investissements et aussi les manières de faire. Partez à la rencontre de celles et ceux qui ont les clés pour déchiffrer les transformations.

Ce premier épisode, animé par Raphaëlle Duchemin, accueille Stéphane Salustro, Associé responsable des activités Deals de PwC France et Maghreb.

Le saviez-vous ? 60% des dirigeants français estiment que leur modèle économique actuel ne sera plus viable d’ici 10 ans. La transformation des entreprises est vitale, le M&A doit être au cœur de celle-ci, et les dirigeants français l’ont bien compris.

Plus de 50% d'entre eux envisagent une opération M&A dans les 3 prochaines années, selon la 27e édition de la CEO Survey menée par PwC.

Dans cet épisode, partez à la découverte du M&A comme accélérateur de la transformation des business models. Explorez les tendances et les défis du marché actuel, et plongez dans la boîte à outils indispensable des dirigeants pour créer et préserver la valeur.

Video

Découvrez l'épisode en vidéo

0:16:33
More tools
  • Closed captions
  • Transcript
  • Plein Ecran
  • Partager
  • Closed captions

Playback of this video is not currently available

Transcript

Abonnez-vous

Suivez-nous !

Contactez-nous

Stéphane Salustro

Stéphane Salustro

Associé responsable des activités Deals, PwC France et Maghreb

Masquer