Comment le secteur se mobilise pour limiter ses impacts négatifs sur la nature

Immobilier et biodiversité

Façade d'immeuble arboré
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Les acteurs du secteur immobilier ont un rôle à jouer dans l’atteinte des objectifs structurants définis dans le cadre de la dernière COP de la Convention sur la diversité biologique.

En effet, parmi les 23 cibles que la COP15 a fixées à horizon 2030, certaines d’entre elles sont étroitement liées au secteur de l’immobilier : 

  • Zéro perte de zone de grande importance d’ici 2030

  • Restauration - conservation et protection d’au moins 30% des zones terrestres, eaux intérieures, côtières et marines dégradées et réduction de l’impact du changement climatique

  • Réduction des risques de pollution de toutes sources 

Le secteur immobilier contribue de manière significative aux différents facteurs directs de déclin de la biodiversité tels que le changement d’usage des terres, le changement climatique et la pollution. À ce titre, il est de plus en plus attendu des acteurs positionnés tout au long de la chaîne de valeur du secteur immobilier qu’ils identifient, réduisent, compensent leurs impacts négatifs et proposent des solutions de protection et restauration de la biodiversité. 

Le positionnement de la biodiversité au cœur de nouvelles réglementations structurantes (Taxonomie verte européenne, Loi climat et résilience1, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages) illustre bien l’importance que ce sujet prend pour le  secteur de l’immobilier, qui commence à se mobiliser pour limiter ses impacts négatifs. La biodiversité ne représente pas uniquement un risque à maîtriser par le secteur, mais également de nouvelles opportunités de marché à saisir.

Le secteur immobilier est responsable d’impacts multiples sur la biodiversité, et cela tout au long de sa chaîne de valeur

Sur toute sa chaîne de valeur2, l’activité du secteur de l’immobilier représente un risque pour la biodiversité. Depuis l’extraction des matières premières et la fabrication des matériaux de construction (amont), la conception d’un projet, sa construction et son suivi (opérations), jusqu’à l’utilisation et la gestion de la fin de vie des infrastructures (aval) : chaque étape peut occasionner des impacts négatifs sur la biodiversité.

Amont

Le changement climatique a été identifié par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) comme l’un des cinq facteurs directs de déclin de la biodiversité. Cela en raison des pressions exercées sur le monde du vivant par l’augmentation des températures, la modification des cycles de précipitation ou l’acidification des océans, par exemple2

Certains matériaux de construction sont pointés du doigt à l’instar du ciment, qui est responsable à lui seul de près de 2,5% des émissions de gaz à effet de serre (GES) territoriales françaises. D’autre part, l’extraction de matériaux de construction nécessite une grande quantité d’eau.

Opérations

L’IPBES a identifié le changement d’utilisation des terres comme un important facteur direct de déclin de la biodiversité² et le secteur de l’immobilier est un des secteurs d’activités responsables de ces pressions. En effet, les constructions sont sources d’artificialisation des sols et contribuent à l’érosion de la biodiversité. 

Plus largement, l'artificialisation des sols entrave leur capacité à rendre des services écosystémiques d’approvisionnement (par exemple, en tant que socle fondamental pour l’agriculture) ou de régulation (stockage et purification de l’eau, séquestration du carbone, prévention de l’érosion des sols, etc.) pourtant essentiels au bon fonctionnement de notre société. 

D’autre part, les constructions dispersées dans un paysage naturel contribuent à la fragmentation d'habitats naturels et mettent en péril certaines espèces. En effet, pour des espèces évoluant entre plusieurs habitats au cours de leurs différentes phases de développement, toute barrière physique séparant un de ces milieux des autres peut nuire à leur survie.

Aval

L'IPBES a identifié le changement climatique, ainsi que la pollution des sols, de l’eau et de l’air comme facteurs directs de déclin de la biodiversité2. En France, l’utilisation des bâtiments est responsable d’environ un quart des émissions de GES françaises, à cause notamment de l’importante consommation d’énergie fossile nécessaire pour leur chauffage. 

Par ailleurs, certains déchets générés par la démolition ou la réhabilitation de bâtiments, s’ils ne sont pas pris en charge par des filières de valorisation et de recyclage, peuvent présenter un risque de pollution des sols (par exemple, la contamination des sols par des métaux lourds), de l’eau (infiltration dans les nappes phréatiques) ou de l’air (dégagement de produits toxiques).

Certains services écosystémiques rendus par la biodiversité sont essentiels au bon fonctionnement du secteur immobilier

Différentes matières premières telles que le bois ou le sable proviennent directement du monde du vivant. D’autres matériaux de construction comme le ciment dépendent, eux, indirectement de la biodiversité. En effet, l’extraction et la transformation de nombreux matériaux de construction nécessitent d’importants volumes d’eau et la biodiversité joue un rôle clé dans le cycle naturel de l’eau.

La biodiversité permet également de protéger le bâti face à certains phénomènes climatiques extrêmes en limitant les dégâts que ces derniers peuvent engendrer3. En cas de fortes intempéries, un sol naturel est en mesure d’absorber une part importante de l’eau de pluie, limitant les risques de ruissellement et d’inondation et protégeant ainsi les constructions. La prévention de l’érosion des sols rendue possible par le couvert végétal permet également de protéger le bâti.

Ces différents services écosystémiques rendus par la biodiversité sont essentiels au développement et à la pérennité du secteur immobilier.

De multiples solutions existent pour permettre au secteur immobilier de réduire ses impacts sur la biodiversité

Les acteurs du secteur immobilier ont à leur disposition un panel de solutions potentielles pour réduire leurs impacts sur la biodiversité, voire contribuer à sa restauration :

  • Privilégier des parcelles à faible valeur écologique (foncier déjà artificialisé, friches) lors du choix du site, par exemple, permet de ralentir le rythme d’artificialisation des sols et de préserver les réservoirs de biodiversité. L’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, établi dans le cadre de la Loi climat et résilience, s’inscrit dans cette logique et marque un changement profond de paradigme pour le secteur immobilier. En lien avec cet objectif, des outils4 sont développés pour recenser les friches permettant d’identifier les opportunités de développement sur tout le territoire.

  • Réaliser un diagnostic écologique en amont permet d’adapter le projet immobilier à l’écosystème dans lequel il s’inscrit et de limiter, autant que possible, les impacts potentiels sur la biodiversité locale. Les plans d’un projet, par exemple, peuvent être adaptés pour préserver l’intégrité des corridors écologiques - appelés trame verte et bleue (TVB) - qui permettent aux espèces de circuler entre les différents réservoirs de biodiversité. De plus, l'intégration de lieux d’accueil pour la faune et la flore locale pourra être favorisée dans les espaces verts mais également dans la conception du bâti.

  • Adopter une démarche d’éco-conception permet de réduire les impacts directs et indirects sur la biodiversité, tout au long du cycle de vie du projet immobilier. Privilégier la construction en hauteur et réduire, autant que possible, l’emprise au sol permet de limiter l’artificialisation, par exemple. Le choix des matériaux utilisés représente une autre opportunité pour les acteurs du secteur immobilier de réduire leurs impacts indirects sur la biodiversité. Le bois issu de forêts gérées durablement peut apparaître comme une alternative intéressante pour réduire les émissions de GES significatives associées à l’approvisionnement de matériaux comme le ciment ou le béton.

  • Végétaliser les aménagements extérieurs, façades et toitures permet de créer des espaces pour accueillir la biodiversité locale tout en facilitant la gestion des eaux pluviales sur la parcelle. Pour que ce type d’initiative porte ses fruits, un certain nombre de conditions doivent cependant être respectées en lien avec la sélection d’espèces végétales (indigènes, adaptées au climat local et non-envahissantes), ainsi que la qualité de l’aménagement (épaisseur des sols suffisante), son organisation (connexion avec la trame verte et bleue) et son exploitation (éviter l’usage de pesticides, adapter les rythmes de coupe et d’entretien).

Les acteurs du secteur immobilier qui mettent en place ces solutions et les articulent avec une stratégie biodiversité globale efficace peuvent non seulement répondre aux nouvelles attentes des investisseurs attentifs aux risques et opportunités liés à la biodiversité mais aussi attirer de nouveaux clients et talents pour lesquels la biodiversité devient un enjeu clé au même titre que le climat.

Les acteurs du secteur de l’immobilier commencent à structurer leur démarche biodiversité

Afin de répondre aux attentes croissantes de leurs différentes parties prenantes (pouvoirs publics, investisseurs, clients, collaborateurs, candidats…) en matière de biodiversité, les acteurs du secteur immobilier intègrent le sujet à plusieurs niveaux.

Dans leurs objectifs

Plusieurs acteurs du secteur immobilier se sont engagés à réduire leurs impacts sur la biodiversité au travers d’objectifs de moyens (par exemple, un pourcentage de nouveaux projets dotés d’un plan d’action biodiversité) et d’objectifs de résultats (zéro artificialisation nette ou pourcentage de nouveaux projets atteignant un gain net de biodiversité5). 

Pour définir des objectifs respectueux des frontières planétaires, les entreprises du secteur peuvent s’appuyer sur des standards internationaux tels que l’initiative Science-Based Target for Nature (SBTN).

Au sein de leur gouvernance

Certaines structures se dotent d’instances de gouvernance dédiées à la biodiversité. Composées d’experts biodiversité (tels que des écologues ou des biologistes), ces instances ont pour objectif d’analyser la stratégie de l’entreprise à l’aune de ce prisme et d’identifier les risques et opportunités associés.

En s’appuyant sur des labels et certifications

De nombreux acteurs utilisent les labels et certifications comme outil d’intégration de la biodiversité et afin de valoriser les efforts déployés pour réduire l’impact des projets immobiliers sur la biodiversité. Ces labels et certifications permettent également de répondre aux attentes d’un nombre croissant d’investisseurs. Certains labels ou certifications sont exclusivement dédiés à la biodiversité, à l’instar de BiodiverCity, tandis que d’autres intègrent la biodiversité au sein d’une évaluation de la performance environnementale plus large : c’est le cas de la certification Building Research Establishment Environmental Assessment Method (BREEAM) et du label Haute qualité environnementale (HQE). 

Par la collaboration sectorielle et l’utilisation d’outils de mesure

La création, en 2021, du groupe de travail Biodiversity Impulsion Group (BIG) marque un tournant important et devrait permettre aux acteurs du secteur de l’immobilier de créer le cadre commun nécessaire pour accélérer l’intégration de la biodiversité à leur activité. BIG travaille actuellement à l’élaboration d’un outil adapté aux spécificités du secteur qui permettrait de comparer l’impact sur la biodiversité de différents projets immobiliers sur l’artificialisation des sols, par exemple. 

En parallèle, les entreprises et investisseurs du secteur immobilier commencent à s’appuyer sur des outils de mesure des impacts sur la biodiversité tels que le Global Biodiversity Score (GBS) de CDC Biodiversité, qui permet aux acteurs de tous secteurs de mesurer leur contribution aux pressions sur la biodiversité et d’analyser l’impact de celles-ci sur la biodiversité.  

Ces différentes initiatives représentent, pour les acteurs du secteur immobilier qui s’en saisissent, des outils pour maîtriser les différents risques associés à la biodiversité. Elles représentent également une opportunité de différenciation sur le marché pour les acteurs du secteur immobilier qui réussiront à les déployer de manière convaincante et à les articuler avec leur stratégie plus globale. 

Sources

1 La Loi climat et résilience fixe, entre autres, un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050

2 Liste non exhaustive

3 La Loi Climat-Résilience fixe, entre autres, un objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2050.

Cartofriche, outil développé par le Cerema, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

5 L’acteur en question prévoit d’utiliser l’outil Biodiversity Metric 2.0 développé par le Département de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires Rurales (DEFRA) au Royaume-Uni pour mesurer le nombre d’unités de biodiversité avant et après intervention. En cas de perte de biodiversité, l’entreprise prévoit de financer des projets de compensation hors-site.

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Sylvain Lambert

Sylvain Lambert

Associé Développement durable, PwC France et Maghreb

Emilie Bobin

Emilie Bobin

Associée Développement durable, PwC France et Maghreb

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