00:00:01
Raphaëlle Duchemin : On a tous déjà utilisé une intelligence artificielle pour voir ce qu'elle était capable de faire. Mais, entre jouer avec elle sur un smartphone pour tester et l'utiliser au quotidien pour des tâches professionnelles, il y a un monde. Or, certaines entreprises ont compris que ce pas de géant, il fallait le franchir pour ne pas prendre de retard. Je suis Raphaëlle Duchemin, et dans le podcast Histoires d'IA, je vous emmène à la rencontre de celles et ceux qui ont accepté de se lancer dans l'aventure chez PwC France et Maghreb. Comment s'en servent-ils et pourquoi faire ? Quelles sont les questions que l'utilisation de l'IA réveille chez eux ? Vous saurez tout en les écoutant.
00:00:42
Raphaëlle Duchemin : Bonjour Patrick Monteiro !
00:00:44
Patrick Monteiro : Bonjour Raphaëlle !
00:00:45
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous, vous êtes directeur des systèmes d'information chez PwC France et Maghreb. C'est vrai que l'IA, pour le grand public, c'est assez nouveau, mais pour vous qui avez la charge de ces sujets, j'imagine que vous regardez d'un peu plus près depuis déjà un certain temps. À quel moment au sein de PwC vous vous dites : « Allez ! Ça y est, c'est le bon moment. On se lance » ?
00:01:10
Patrick Monteiro : Nous avons démarré notre aventure autour de la technologie de l'IA il y a un peu plus de deux ans et demi maintenant, pour tester, pour essayer d'explorer cette technologie, pour voir dans quelle mesure elle pouvait nous apporter de la valeur dans certains contextes, ou de la transformation. Nous avons investi un peu d'argent, du temps, de l'énergie, nous sommes allés chercher des expertises pour pouvoir mieux appréhender cette technologie. Au bout de quelques mois, et notamment avec l'émergence d'un ChatGPT, nous nous sommes dit qu'il fallait continuer, voire progresser de manière beaucoup plus significative dans cette voie.
00:01:49
Raphaëlle Duchemin : Donc, vous décidez de lancer un programme pour ne pas prendre de retard. Vous m'avez dit : « Ça m'a bien plu parce que c'est comme en alpinisme. On s'est dit, allez ! On ouvre une voie. »
00:02:00
Patrick Monteiro : C'est exactement cela, c'est-à-dire que cette technologie avance très, très vite, elle amène énormément de changements presque semaine après semaine. Il est extrêmement important de toujours être tenu informé de ces différentes évolutions, de voir ce qu'elles peuvent entraîner et quels impacts elles peuvent avoir pour une entreprise comme la nôtre.
00:02:21
Raphaëlle Duchemin : Ça veut dire qu'on y va sans savoir ce qu'il va y avoir en retour et que, finalement, on mise sans savoir ce qui va se passer ?
00:02:33
Patrick Monteiro : C'est le prix à payer pour découvrir un environnement, une technologie. Lorsque nous ouvrons une voie, comme vous l'avez dit, il faut accepter le fait qu'une partie de l'investissement, en tout cas financier, n'apportera pas une valeur sonnante et trébuchante en retour de manière immédiate. Il y a effectivement ce temps d'investissement, mais cette étape est absolument nécessaire parce qu'elle permet d'affirmer des convictions, de mieux déterminer la manière dont cette technologie va pouvoir être appliquée dans un environnement comme le nôtre.
00:03:10
Raphaëlle Duchemin : D'où le terme de client zéro chez PwC ?
00:03:13
Patrick Monteiro : C'est l'idée effectivement, il faut se demander comment cette technologie va toucher l'ensemble de la société au sens large et forcément pour nous, si elle va également toucher nos clients. À partir du moment où nous sommes dans une entreprise de services, nous sommes là pour délivrer un certain nombre de produits, de services auprès de nos clients, nous devons avoir ce rôle d'ouvrir ces voies technologiques pour pouvoir mieux les apporter à nos clients, en termes de service.
00:03:42
Raphaëlle Duchemin : Comment on fait pour arriver à convaincre que c'est la bonne voie à suivre ?
00:03:47
Patrick Monteiro : Nous devons faire participer l'ensemble des collaborateurs, l'ensemble des personnes qui seront touchées par cette technologie, le plus en amont possible.
00:03:56
Raphaëlle Duchemin : Adopter, c'est aussi faire en sorte que ceux qui décident choisissent d'adopter. Là, on est aussi dans un investissement. On sort des sentiers battus, on n'est pas certain d'avoir un retour sur investissement tout de suite. Par contre, on paye, et parfois, on paye beaucoup. Ça, c'est aussi assez nouveau.
00:04:17
Patrick Monteiro : Absolument. C'est une sorte de jeu de poker, il faut mettre de l'argent sur la table pour pouvoir jouer. Je pense que nous avons beaucoup investi, puisque c'est un enjeu extrêmement important pour nous, à la fois pour notre transformation, pour la valeur et pour tout ce que nous allons pouvoir apporter au client derrière.
00:04:36
Raphaëlle Duchemin : Sans avoir cette notion de ROI ?
00:04:40
Patrick Monteiro : Parfois, ce ne sera pas un ROI en tant que tel, ce sera une création de valeur qui sera plus large que du ROI, de la valeur qui donne du sens au travail. Ça va donner du sens dans la manière dont nous allons pouvoir délivrer en termes de qualité, nous apporterons cette qualité supérieure. Tout cela crée de la valeur. Nous avons fait quelques enquêtes auprès de différents utilisateurs de ces technologies chez nous, que ce soit autour des sujets Copilot et/ou du produit ChatPwC, nous voyons bien qu'ils sont convaincus, pour la grande majorité.
00:05:09
Raphaëlle Duchemin : Il y a Copilot et il y a ChatPwC. Qu'est-ce que c'est ?
00:05:14
Patrick Monteiro : C'est l'aboutissement d'une des problématiques que nous avons eu au début, au lancement de ChatGPT. ChatGPT est tout simplement un moteur qui est ouvert au public, où chacun, dans sa vie personnelle, peut interagir et donc alimenter avec de la donnée. Il se trouve que nous manipulons de la donnée de clients qui n'ont pas forcément envie que cette donnée circule dans la nature. Nous trouvions quand même extrêmement dommage de ne pas pouvoir profiter de ces moteurs LLM qui sont particulièrement performants. L'idée de ChatPwC, c'est de créer un environnement sécurisé qui permet l'usage de ces moteurs puisque nous avons fait en sorte dans cette nouvelle version, de pouvoir sélectionner les différents moteurs, que ce soit chez OpenAI, chez Anthropic ou d'autres, pour pouvoir utiliser le plus performant dans son usage de prompt ou de création d'agents, mais le tout dans un environnement sécurisé compatible avec nos contraintes réglementaires et de sécurité de données.
00:06:21
Raphaëlle Duchemin : Patrick, pour l'instant, on a beaucoup parlé des autres, mais j'imagine que ça vous a aussi obligé à vous poser pas mal de questions et à changer pas mal de choses en interne. Ça vous oblige à vous questionner sur la manière de faire votre métier ?
00:06:35
Patrick Monteiro : La meilleure manière de pouvoir engager les gens dans cette voie, c'est évidemment de l'ouvrir. Donc oui, forcément, ne serait-ce que vis-à-vis de mes équipes ou de l'ensemble du programme que nous essayons d'adresser dans cette transformation.
00:06:48
Raphaëlle Duchemin : Qu'est-ce que vous avez changé ?
00:06:49
Patrick Monteiro : Ces outils me permettent de mieux planifier et d'avoir une vue d'ensemble. Par exemple, je peux rapidement organiser ma semaine et identifier les éléments importants. Je peux également réfléchir aux actions à prendre en fonction de la semaine passée, préparer mes prochains rendez-vous en identifiant les points clés à ne pas oublier. Tout cela devient plus simple et accessible, ce qui améliore ma productivité. Dans mon rôle, ces outils me permettent d'avoir une vision globale et lointaine.
00:07:36
Raphaëlle Duchemin : Et dans votre équipe ?
00:07:37
Patrick Monteiro : Encore une fois, c'est un outil qui s'adapte à ce sur quoi vous voulez vous focaliser. Dans les différents rôles, chacun a pu l'adapter en fonction de son contexte. Dans nos équipes de développement, l'intelligence artificielle a été extrêmement utile pour coder plus vite, pour commenter tout ce code, pour tester un certain nombre de choses. Tout cela permet d'accélérer, de gagner en qualité et en rapidité.
00:08:04
Raphaëlle Duchemin : Dans cette révolution qui a impacté l'entreprise, il y a eu les convaincus d'emblée, ceux qui ont été moteur du changement et qui ont su fédérer leurs équipes autour de cette transformation. C'est le cas de Souha Becheikh, elle est Head of Delivery et elle a pour mission de superviser les standards, les processus et les outils de travail des consultants au sein du TAC (Technology Acceleration Center) de PwC Tunisie. Bonjour Souha Becheikh.
00:08:20
Souha Becheikh : Bonjour Raphaëlle !
00:08:21
Raphaëlle Duchemin : Vous êtes à Tunis, je suis à Neuilly, ici dans les locaux de PwC, et nous nous parlons en distanciel au travers d'un système qui s'appelle La Vitre, et qui nous permet de communiquer en direct. C'est ça aussi la technologie. Juste avant qu'on se retrouve, je parlais des convaincus, je crois que vous faites partie de ces convaincus de la GenAI parce que vous avez embarqué toute votre équipe avec vous dans cette aventure. Pourquoi est-ce que vous avez eu cette intuition que l'intelligence artificielle allait être une révolution dans votre quotidien et qu'il fallait justement s'en emparer ?
00:09:09
Souha Becheikh : Avant de parler d'intelligence artificielle, il faut prendre en compte que je suis ingénieure de formation. J'entends parler de l'IA depuis mes années universitaires, donc ce n'est pas nouveau, mais avec l'émergence de l'IA au sein de notre quotidien, ça devient une nécessité. Nous avons commencé à explorer les applications et les outils très tôt, et nous avons continué dans cette aventure.
00:09:37
Raphaëlle Duchemin : Ça veut dire que, quand vous intégrez PwC, vous avez cet outil à votre disposition et que vous commencez à mener des investigations pour voir comment vous pouvez développer au mieux. Qu'est-ce que vous avez fait par exemple ?
00:09:52
Souha Becheikh : Nous avons déjà une sélection des outils proposés par le groupe ou par le cabinet pour l'exploration et pour l'adoption. Ce que nous avons commencé à faire, c'est de construire une communauté de relais, de proximité au sein de différents métiers. Nous avons commencé à explorer ces outils et à faire des cas d'usage, des démonstrateurs, des formations de proximité, des ateliers d'échanges pour voir jusqu'où nous pouvions aller avec ces outils. Ça a créé un environnement à la fois stratégique pour apprendre de l'IA, et inclusif parce que ça a invité tout le monde à contribuer d'une manière positive dans ce programme et dans la montée en compétences.
00:10:44
Raphaëlle Duchemin : Ça veut dire Souha que, si je vous entends bien, aujourd'hui, toute votre équipe travaille avec ? Quoi que vous fassiez, vous passez par l'usage de l'intelligence artificielle générative ?
00:10:57
Souha Becheikh : Oui. Pour information, on est à 99 % de nos effectifs totaux qui ont adopté l'IA dans leur quotidien, avec des pourcentages, qui diffèrent notamment dans les taux d'utilisation d'un métier à un autre.
00:11:19
Raphaëlle Duchemin : Comment vous l'expliquez ça ? Qu'est-ce qui a fait que tout le monde a suivi ? Parce que vous êtes justement dans un Tech Lab et que c'est l'ADN de ce que vous faites au quotidien ?
00:11:31
Souha Becheikh : En partie, c'est ça parce qu'il ne faut pas oublier que notre population est à 100% tech. Donc, ce sont des gens qui ont déjà de l'appétence à apprendre des nouvelles technologies, et à innover. Ça, c'est le premier point. De deux, le programme que nous avons mis en place au sein du TAC, c'était un programme inclusif, comme je viens d'expliquer. C'est-à-dire que nous avons mis en place une communication régulière par rapport à ce que l'IA peut nous offrir, et nous avons travaillé sur une transformation de nos activités avec l'IA. Par exemple, un agent qui est mis en place pour faire le brainstorming, pour être le modérateur dans des réunions. Nous avons travaillé sur un cas d'usage pour interroger directement des tableaux de bord avec la reconnaissance vocale qui s'appelle Dataspeak. Nous avons travaillé sur des cas d'usage pour tout ce qui est Signspeak, pour transformer tout ce qui est langue de signes en langue orale. Il y a des cas d'usage qui sont à la fois innovants et qui nous aident, à la fois, dans notre travail au quotidien.
00:12:36
Raphaëlle Duchemin : Vous m'avez parlé du ROI, c'est vrai que c'est un terme qu'on entend beaucoup. On investit sur l'IA générative, mais c'est quoi le gain ? Comment est-ce que vous avez fait pour le mesurer ? Est-ce qu'il existe réellement ce ROI aujourd'hui ?
00:12:51
Souha Becheikh : Bien sûr. Nous, quand nous parlons de l'IA, nous parlons de gain en performance et en qualité, mais surtout en performance. Parce que l'IA permet de d'éviter toutes les tâches chronophages et répétitives et de les remplacer par des cas d'usage qu'on développe, ou des outils existants pour avoir un meilleur résultat avec une performance plus optimisée. Ce que nous avons mesuré pour les mêmes hypothèses, c’est le travail que nous avons l'habitude de faire d'une manière classique, et ce même travail avec l'injection de l'IA, et les résultats étaient magnifiques. On était sur des ratios de 70 % à 80 % de gain. C'est du concret.
00:13:36
Raphaëlle Duchemin : Cette transformation, cette mutation, le potentiel de l'IA générative, ils sont plusieurs, forcément, à l'avoir senti, notamment dans l'équipe Tech et innovation. Ensuite, il fallait démocratiser les usages. Pour ça, il fallait des outils qui puissent parler à tout le monde. Bonjour Charafeddine Mouzouni !
00:13:58
Charafeddine Mouzouni : Bonjour !
00:13:58
Raphaëlle Duchemin : La question précisément chez PwC France et Maghreb, c'était quoi ? C'était utiliser ? Oui, mais comment ? Avec quel retour sur investissement ? Finalement, ne pas utiliser comme monsieur et madame tout le monde.
00:14:12
Charafeddine Mouzouni : Exactement. Il y avait plusieurs questions. Comment est-ce qu'on se positionne dans cette grande mutation et d'accompagner cette réflexion-là ? Comment pouvons-nous nous transformer en interne ? Comment faire des consultants augmentés, des auditeurs augmentés ? Et pour les fonctions internes, qu'est-ce que ça veut dire pour nous ? Comment pouvons-nous utiliser cette technologie pour être aussi plus performant ? Ça a posé plusieurs questions que nous avons essayé d'adresser ensemble. Nous avons mis en place un programme IA avec plusieurs dimensions, plusieurs streams. Nous avons aussi passé beaucoup de temps avec les métiers en interne pour voir comment les transformer : comment mettre au service de ces métiers, cette nouvelle technologie et comment pouvons-nous le faire de manière spécialisée pour tous les métiers de PwC ?
00:15:03
Raphaëlle Duchemin : C'est ça, vous avez un éventail de métiers chez PwC qui est énorme. Ça signifie qu'il va falloir aller voir chaque métier pour faire une sorte de cousu main, une sorte de sur-mesure ?
00:15:15
Charafeddine Mouzouni : Exactement. C'était la stratégie dès le départ, Nous ne voulions pas nous positionner comme des concurrents des solutions généralistes. Nous n'allons pas entrer en concurrence avec OpenAI ou autres, mais comment faire du sur-mesure pour des métiers de PwC ? Par exemple pour le marketing, pour les équipes finances, ou pour des auditeurs qui ont des challenges, par exemple de staffer des gens ou de répondre à certaines exigences dans certaines missions. Comment pouvons-nous faire du spécifique pour ces équipes ?
00:15:44
Raphaëlle Duchemin : Je viens vous voir avec mon métier, avec ses spécificités. Je vous adresse mes problématiques, et vous voyez comment l'intelligence artificielle, la GenAI peut y répondre ?
00:15:56
Charafeddine Mouzouni : Exactement. Nous allons passer du temps ensemble pour comprendre le process métier. On va se dire : « Sur cette partie-là, il y a clairement moyen d'aller plus vite, de le faire plus efficacement. » Nous faisons aussi des sessions où les collaborateurs nous montrent ce qu'ils font. Par exemple, nous avons fait ça avec les équipes finances pour rapprocher des factures de transactions ou autres. Nous passons du temps avec eux et nous essayons de voir comment l'IA peut s'intégrer pour ajouter un peu de magie. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus se passer de ces systèmes que nous avons mis en place pour eux.
00:16:31
Raphaëlle Duchemin : Un peu de magie, vous dites.
00:16:32
Charafeddine Mouzouni : Un peu de magie, oui, dans le process.
00:16:33
Raphaëlle Duchemin : C'est magique, l'IA.
00:16:34
Charafeddine Mouzouni : Ça ajoute une touche de : « Waouh ! » Parfois, c'est un peu déceptif aussi, il faut le dire. Nous avons eu aussi des cas où très rapidement, nous nous sommes rendu compte que l'IA n'avait pas l'apport de valeur souhaitée, des projets que nous avons arrêtés ou ajournés, pour lesquels nous avons préféré attendre que la technologie soit plus mûre. Mais quand ça marche, effectivement ça donne un effet un peu magique.
00:16:58
Raphaëlle Duchemin : Ça aussi, je crois, a changé vos métiers. Quand je dis « vos métiers », c'est-à-dire peut-être les compétences utilisées dans votre équipe hier ne vont plus être les mêmes aujourd'hui et encore moins demain. Ça veut dire qu'il faut aussi s'adapter à ce que l'IA va générer comme nouveautés.
00:17:20
Charafeddine Mouzouni : Nous sommes très touchés parce que notre métier a complètement changé, sur plusieurs volets. Le premier volet, c'est notre façon de faire. Les data scientists sont habituellement des gens qui prennent de la donnée, ils vont la tourner dans tous les sens et vont essayer de construire des modèles autour de la donnée. Aujourd'hui, en matière de développement, par exemple, nous n’avons pas du tout la même manière de travailler. Les choses qui, typiquement, nous prenaient une semaine ou plus, dans certains cas, nous prennent aujourd’hui une journée ou deux parce qu'on utilise de l'IA dans nos métiers. C'est quelque chose que nous avons intégré aussi dans notre façon de travailler.
Ce n'est pas facile car ce n'est pas parce que des gens font de l'IA, qu'ils l’adoptent automatiquement. Même les développeurs qui sont un peu geeks ont dû faire un effort d'adoption, changer les process, montrer une nouvelle manière de travailler. Ça a complètement changé notre méthode de travail. Le temps s'est considérablement compressé sur la partie de développement. Le deuxième volet, c'est qu'avant, pour faire de l'IA, il fallait des développeurs, des data scientists pour passer un peu de temps, créer les systèmes.
00:18:29
Raphaëlle Duchemin : Des spécialistes.
00:18:30
Charafeddine Mouzouni : Des spécialistes. Aujourd'hui, ce n'est plus forcément le cas. Donc, n'importe qui peut créer un agent, un assistant ou créer un petit système d'IA avec juste une collection de prompts, avec une routine finalement, et ça permet déjà de faire beaucoup de choses. Notre métier aussi bascule, nous passons dans une dimension de coaching, nous allons accompagner les gens plutôt que de développer pour eux. Nous commençons avec une phase où nous coachons les gens : « Regarde ! Tu peux faire ça, nous pouvons construire avec toi le prompt. Si tu le fais comme ça, on peut faire un système plus simple avec du low-code/no-code. » Cela étant, il y a des phases un peu plus avancées où nous n’y arrivons pas, il va falloir aller plus loin pour développer.
00:19:16
Raphaëlle Duchemin : Les histoires d'IA c'est un peu comme la GenAI, il y a une base commune et puis des évolutions. Une évolution qui a suivi justement notre prochain invité. L'IA, figurez-vous qu'il l'observe depuis les années 90. Bonjour Grégory Baum !
00:19:34
Grégory Baum : Bonjour !
00:19:35
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous êtes manager de l’AI Factory, l'équipe chargée de réaliser les programmes qui intègrent l'IA et qui l'apportent jusqu'aux utilisateurs de PwC France et Maghreb, et également chargée de faire en sorte que ce soit ce qui se fait de mieux en interne. Vous m'avez dit : « L'IA avant, ça n'était pas très puissant et surtout, il y en avait déjà sans qu'on y fasse vraiment attention. »
00:20:06
Grégory Baum : Exactement. Nous avons pu utiliser de l'intelligence artificielle dans des niches à différents endroits. Au tout début de ma carrière, nous mettions en place des processus qui s’appelaient déjà des composants d'intelligence artificielle, entre autres pour lire l'échec. Pour ça, nous utilisions des réseaux de neurones, exactement les mêmes technologies. Évidemment, en beaucoup plus petit et moins puissant que ce qui existe en ce moment, mais il y avait déjà des réseaux de neurones qui étaient capables de traiter l'image et de rendre ce type de services.
00:20:40
Raphaëlle Duchemin : Qu'est-ce qui se passe à partir du moment où vous créez les produits et que vous les mettez dans les mains des utilisateurs ? Est-ce que c'est la technologie qui vous a ralenti ou est-ce que c'est l'humain ?
00:20:52
Grégory Baum : Je ne visualise pas la technologie ou l'humain, c'est une combinaison des deux. Il arrive qu'aujourd'hui, lorsque des collaborateurs nous pose des questions, nous évaluons ce qui est faisable techniquement, et nous nous rendons compte que ce n'est pas prêt. Il va falloir réessayer dans six mois. Parfois, ce sont les algorithmes qui ne sont pas prêts. Parfois, c'est la donnée qui n'est pas prête, elle n'est pas encore suffisamment présente ni de qualité pour réussir à faire le traitement qu'on imaginait.
00:21:18
Raphaëlle Duchemin : C'est ça. Parce que pour aider les autres à se transformer, ça vous oblige aussi à connaître un sujet qui bouge sans cesse. Ça veut dire que les premiers impactés sont vos collaborateurs qui doivent se transformer pour pouvoir aider les autres.
00:21:33
Grégory Baum : En plus de ça, il y a eu quelques malentendus avec l'arrivée de l'IA générative, nous y avions pensé. Hier, il n'y avait pas ChatGPT et tous ses semblables. Aujourd'hui, il est là. Très bien, il est là, la position est statique. On ne se rend pas compte que toutes les semaines, il y a une nouveauté. Dans l'équipe, nous disons “le mois dernier, c'était il y a un siècle”. Chaque semaine apporte son lot de nouveautés. Il est impératif de se poser certaines questions, notamment parce que de nombreuses startups investissent massivement et communiquent intensément. Ces nouveautés sont-elles réellement efficaces ? Fonctionnent-elles correctement ? Ne sont-elles pas simplement des prompts déguisés ? Peut-on leur faire confiance et les utiliser ? Il s'agit d'un écosystème en perpétuelle évolution.
00:22:17
Raphaëlle Duchemin : Vous m'avez dit : « Dans 90 % des cas, il ne se trompe pas. » Il reste les 10 pour cent. C'est là que votre expertise aussi va être importante.
00:22:28
Grégory Baum : On distingue plusieurs cas dans l'utilisation de l'IA générative. Il y a le cas simple qui correspond à : est-ce que je peux l'utiliser ? Bêtement, ça ressemble à votre usage de Copilot ou à votre usage de ChatGPT. Vous lui posez une question, il vous apporte une réponse. Vous utilisez votre esprit critique, s'il s'est trompé, ce n'est pas grave. Cependant, quand il devient intégré dans un processus ou dans un outil, il gagne une forme d'autonomie. À ce moment-là, la question n'est plus, est-ce que je peux l'utiliser ? C'est, est-ce que je peux lui faire confiance ? Lui faire confiance, ça veut dire, savoir dans quelle proportion il va avoir bon, dans quelle proportion il va se tromper. Quel est ce pourcentage de performance à partir duquel on estime qu'on est content de sa qualité ? Puis dans les 10 % qui restent, qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'il se trompe ? Est-ce qu'il ne répond pas ? C'est là que se trouve le travail de l'équipe aujourd'hui. Évaluer si nous pouvons lui faire confiance, faire en sorte que nous puissions le faire et que, dans les pourcentages d'erreur, il sache rendre la main et qu'il ne se trompe pas gravement.
00:23:38
Raphaëlle Duchemin : Je vous propose qu'on regarde ce qu'elle en pense justement l'intelligence artificielle, puisque depuis le début de cet entretien, elle nous écoute. Elle a probablement une question à vous poser.
00:23:49
Grégory Baum : Avec plaisir !
00:23:50
Raphaëlle Duchemin : Grégory, vous avez dit tout à l'heure que chaque semaine, il y avait des nouveautés en matière d'intelligence artificielle. L'IA voudrait savoir, comment est-ce que vous gérez cette évolution et comment cela impacte-t-il vos projets ?
00:24:05
Grégory Baum : Il y a différents axes. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans un monde certain. Nous avons premièrement une incertitude qui va venir sur les choix techniques, c'est-à-dire est-ce que nous prenons le meilleur modèle ? Est-ce que ce sera toujours le meilleur modèle dans trois mois ? Le choix de telle ou telle IA, de tel ou tel outil est-il le bon ? Évidemment, dans les équipes techniques qui ont l'habitude de faire ça, il faut être capable de changer et d'accepter de changer, d’accepter que notre choix était peut-être le bon au moment où on a commencé, mais qu'il est remplacé par un autre aujourd'hui. Changer a un coût et un bénéfice. Quelque part, ça devient assez simple.
Quand nous abordons la chose sous l'angle coût/bénéfice, nous n'avons sûrement pas le dernier outil qui marche le mieux, mais nous en avons un qui fonctionne. Changer représente un coût. Le changement n'apportera probablement pas le supplément de valeur qui justifie ce coût. Ça, c'est le premier volet. Le deuxième volet est assez difficile à gérer. Est-ce que ce que nous sommes en train de faire va être fait par un autre ? Est-ce que d'ici trois mois, ce que nous sommes en train de développer va être disponible dans Copilot, ChatGPT, Google, et va rendre le travail que nous faisons totalement inutile ? C'est une très bonne question qu'il faut se poser dans le cadre de ces chantiers.
00:25:28
Raphaëlle Duchemin : Mais à laquelle vous n'avez pas de réponse.
00:25:30
Grégory Baum : Si, il y a des réponses parce qu'il y a des catégories de sujets. Il y a des rouleaux compresseurs qui sont lancés sur le marché, il y a celui de Microsoft, et on connaît leur direction. Il y a des directions dans lesquels aller, qui sont synonymes de s'exposer à finir écrasé ou remplacé. En bref, c'est juste du gâchis. Il y a des directions où il y a un besoin de développer quelque chose de spécifique et ciblé pour une entreprise et un métier. Il se trouve que les grosses machines Microsoft, entre autres, gèrent un marché mondial et une performance moyenne sur un marché mondial. La plupart du temps, si nous avons besoin de faire quelque chose de précis qui a un sens pour une entreprise donnée, à ce moment-là, aujourd'hui, nous pouvons y aller sans problème.
00:26:27
Raphaëlle Duchemin : C'était Histoires d'IA, la série de ceux qui font et qui se transforment grâce à l'intelligence artificielle. Retrouvez tous les épisodes sur pwc.fr.