Renouer avec la confiance, une tendance forte des entreprises

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Priorités 2022 des Directions Financières | Renouer avec la confiance, une tendance forte des entreprises

La 10ème édition de l’étude Priorités 2022 des Directions Financières réalisée en partenariat avec la DFCG, montre une tendance forte des entreprises à vouloir renouer avec la confiance et faire de la stratégie de croissance une priorité, notamment face au rebond rapide des activités.

Découvrez les enseignements de l’étude dans ce débat animé par Raphaëlle Duchemin aux côtés de Laurent Morel, associé PwC France et Maghreb.

Dans le monde des entreprises, ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse. Mais la crise COVID ne les a pas épargnés. Les directeurs financiers vont devoir, en 2022, trouver eux aussi un nouvel équilibre. Qu'ils soient dans de grands groupes, des PME ou des ETI, ils vont devoir travailler autrement, avec de nouveaux outils et aussi en intégrant de nouveaux paramètres. Outre les obligations légales qui se profilent, la profession a dû, pendant cette crise, apprendre à piloter autrement. Un mal pour un bien ? Peut-être. Je suis Raphaëlle Duchemin et nous allons plonger ensemble dans la 10ᵉ étude réalisée par PwC auprès des directeurs financiers du monde de l'aéronautique, en passant par celui de la banque de l'assurance en allant jusqu'à l'industrie, l'automobile, la santé, les médias. Dix secteurs ont été auscultés. Plus de 400 directeurs financiers ont joué le jeu pour dessiner ensemble le futur de leur profession. Et tous, le disent, ils sont à l'aube d'un monde nouveau. 

Raphaëlle Duchemin : Bonjour Laurent Morel.

Laurent Morel : Bonjour Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin : Associé chez PwC France. C'est vous qui avez justement piloté cette étude. Je suis un petit peu surprise, je dois vous le dire. Je m'attendais à lire une étude où les directeurs financiers auraient mis l'accent sur le retard à rattraper, les profits, les économies à faire pour rétablir les comptes après le COVID où on aurait parlé cash, monnaie, rentabilité. Pas du tout. Ils sont résolument tournés vers une nouvelle équation avec, au centre, et ça m'a frappé, le collaborateur.

Laurent Morel : Effectivement, on a eu la chance dans cette nouvelle étude de voir un peu ce qui se tramait dans la tête des directions financières. Le sous-titre de cette étude, c'est "renouer avec la confiance" qui est un très beau sous-titre et qui montre bien l'état d'esprit dans le cadre de cette étude et sur lequel, effectivement, on rentre dans un nouveau monde, dans un nouveau paradigme sur lequel les directions financières veulent travailler différemment, veulent travailler avec du collaboratif, veulent travailler avec du télétravail, veulent générer un engouement et des nouveaux modes de fonctionnement avec leurs équipes.

Raphaëlle Duchemin : Vous parlez de ces différents modes de travail. C'est vrai que tout le monde n'a pas choisi, aujourd'hui encore, de revenir dans l'entreprise comme avant. Certains ont plébiscité le télétravail à 100 %, ont revu totalement leur modèle, d'autres réorganisent l'entreprise du sol au plafond pour que le salarié, justement, s'y sente mieux. Enfin, d'autres sont davantage sur des modèles à la carte. C'est une nouvelle donne aussi à prendre en compte à chaque fois pour la direction financière ? Ces nouvelles organisations, elles ont aussi un coût ?

Laurent Morel : Elles ont un coût, mais elles ont aussi des opportunités. Je vais faire un flash-back et retourner sur l'étude de l'année passée. On avait vu qu'il y avait deux mondes dans les entreprises. Les entreprises digitales, les entreprises non digitales et donc les directions financières qui étaient digitales ont passé à peu près bon an, mal an, la crise, en tout cas dans leur mode de fonctionnement. Les entreprises non digitales, ça a juste été un enfer. Cette année, les entreprises ont beaucoup avancé là-dessus.

Parce qu'elles ont avancé sur ces sujets de digitalisation, elles ont du coup des modes de fonctionnement qui sont différents et donc c'est une opportunité pour leurs équipes aussi de travailler avec cette nouvelle équation en travaillant avec du télétravail, en travaillant dans des modes digitalisés et par rapport à une gestion des talents qui remonte en pointe, en perspective, qui est la troisième parmi nos priorités à terme, aussi bien pour les grands groupes que pour les que pour les ETI. On voit bien que ça représente aussi des attentes vis-à-vis des collaborateurs.

Raphaëlle Duchemin : Avec l'émergence de cette nouvelle donne, notamment pendant la crise, on a vu aussi apparaître ce qu'on appelle la mutualisation des moyens. C'est peut-être quelque chose qui va se développer parce que ça ouvre pour les directions financières de nouvelles perspectives. Elles vont pouvoir aller chercher comme ça, à droite, à gauche peut-être, des experts ?

Laurent Morel : La notion de mutualisation au niveau des directions financières est un concept qui existe depuis très longtemps puisque les CSP, centres de services partagés, existent. Il y a donc eu pendant très longtemps des mobilités de plus en plus à l'Est pour créer ces centres de services partagés. Aujourd'hui, on se rend compte que quelque part, ça permet une approche qui est un peu différente, qui n'est pas forcément d'aller faire de la mutualisation à droite, à gauche, mais justement avec une logique de télétravail, avec une logique de positionnement des entreprises à différents endroits. Finalement, on est en capacité de résoudre certaines équations qu'on n'arrivait pas à résoudre par le passé et donc à permettre à certains collaborateurs, dans une logique d'aménagement du territoire qui est complètement différente par rapport à leur situation.

Raphaëlle Duchemin : Vous avez un exemple en tête ?

Laurent Morel : Je pense à un grand groupe avec qui on travaille beaucoup, qui a plusieurs sites, notamment en France, et pour lequel il a toujours été assez compliqué par le passé de gérer ces logiques de télétravail ou de travail à distance. D'avoir vécu cette crise où le télétravail était devenu obligatoire pendant une période et où on s'était rendu compte que pour une grande partie des activités, on peut travailler, on peut faire des choses à distance, ça a complètement transformé cette réflexion de "où est-ce que mes équipes doivent être et à quel moment ils peuvent travailler ?" Par rapport à certaines personnes qui portent des expertises, il n'y a plus forcément ce besoin d'être au siège ou à tel endroit et donc une meilleure capacité à travailler ensemble.

Raphaëlle Duchemin : La personne vaut par son expertise, plus par le lieu où elle l'exerce.

Laurent Morel : Exactement.

Raphaëlle Duchemin : La mise en place de ces modèles est aussi, y compris dans les équipes financières, un plus pour recruter. L'étude parle assez ouvertement de guerre des talents. Aujourd'hui, l'élément qu'il faut soit attirer, soit retenir, il ne va pas seulement regarder la puissance du groupe pour lequel il va travailler, il va aussi s'intéresser à l'environnement dans lequel il travaille.

Laurent Morel : L'environnement de travail est devenu un sujet assez essentiel et de plus en plus dans le haut niveau du recrutement des collaborateurs des directions financières, parce que les choses sont de plus en plus digitalisées, il y a de plus en plus de la data. Les types de profils recrutés sont des gens un peu différents qui sont en capacité de tenir de la data, d'appréhender un certain nombre de choses, de travailler en distance, de travailler en collaboratif. De la même façon, on a un vrai sujet parce que la crise a été compliquée pour beaucoup, une vraie notion d'être en capacité de garder et de retenir les meilleurs talents. Les directions financières font bien face assez à ces deux enjeux de retenir leurs meilleurs talents pour arriver à leur proposer quelque chose de palpitant dans la direction financière, et d'attirer des nouveaux talents avec, à la fois des nouvelles compétences et des nouveaux sujets qui sont à acquérir, et aussi un environnement de travail qui soit en cohérence avec les attentes des collaborateurs.

Raphaëlle Duchemin : C'est quelque chose qui est évident pour les PME, pour les ETI ou moins que pour les grands groupes ?

Laurent Morel : Pour les grands groupes, il y a beaucoup de facilité à arriver à gérer cette équation. Pour les PME et les ETI, c'est beaucoup plus dur et c'est ça qui est intéressant quand on regarde le baromètre des priorités. Autant pour les grands groupes, la gestion des talents pour 2022 reste de mémoire en fin de position, alors que pour les ETI, elle passe en troisième ou quatrième position. On voit bien que le sujet des talents est majeur pour les ETI et les PME.

Raphaëlle Duchemin : Parier sur ce qu'on peut appeler finalement la croissance organique pour se développer économiquement, c'est aussi peut-être la leçon tirée de la crise. Je crois que 52 pour cent des personnes qui ont répondu à votre étude disent que c'est le levier numéro un.

Laurent Morel : Exactement, ça a été un sujet d'étonnement de notre côté parce qu'on passe à 85 pour cent de confiance dans la croissance pour 2022, qui est vraiment quelque chose de très haut par rapport à l'année passée. On voit bien que les entreprises ont confiance dans les perspectives de croissance et donc on se serait attendu à ce qu'on recommence le mercato et que les entreprises aillent acheter, chercher des nouvelles acquisitions. Finalement, non. Ce qui ressort, c'est une volonté de faire de la croissance organique. C'est peut-être à mettre en lien avec une vision quand même prudente de la croissance, même si on voit bien que les choses évoluent. C'est peut-être à mettre en relation aussi avec une notion de résilience parce que les entreprises ayant été quand même très chahutées durant cette période de crise qu'on a connues, elles ont peut-être une volonté de croître d'abord par elles-mêmes avant d'aller acheter à droite et à gauche.

Raphaëlle Duchemin : C'est donc une redistribution des cartes en interne qui est en train de se dessiner et donc de nouveaux modèles business qui vont probablement émerger. Près de sept directeurs financiers sur dix le disent et pour eux, vous allez voir que c'est une chance.

Laurent Morel, à l'intérieur de ces nouveaux modèles, on voit apparaître de nouvelles synergies aussi. Entre finance et data, la gestion de la donnée, sa maîtrise, sa protection, c'est d'autant plus central aujourd'hui dans le dispositif que les défis fiscaux qui attendent les entreprises seront forcément numériques.

Laurent Morel : Effectivement, je pense que ce qui ressort de cette période, c'est que la data est plus que jamais au centre de tout. C'est grâce à la digitalisation que les entreprises ont pu faire face. La data a une vraie valeur, que ces données soient financières, opérationnelles, ESG ou externes. Comme tous ces éléments sont très importants, la direction financière a un rôle à jouer dans la compréhension de ces données, l'utilisation de ces données et la valorisation de ces données.

Raphaëlle Duchemin : Quand vous dites un rôle à jouer, quel rôle exactement ? Est-ce qu'on peut le définir, le décrire ?

Laurent Morel : Ces données sont utiles au business et sont utiles pour la compréhension de la performance et des aspects financiers et donc du coût. À ce titre-là, la direction financière doit être en capacité de pouvoir se les approprier. Deuxième sujet, c'est que cette donnée a une valeur, donc la direction financière doit avoir la capacité à pouvoir les valoriser et à les faire se parler pour des sujets financiers, mais aussi pour des sujets de stratégie de l'entreprise.

Raphaëlle Duchemin : Les directions financières en ont conscience parce que si on regarde les chiffres, 53 pour cent des personnes qui ont répondu à l'enquête disent qu'ils ont déjà intégrer dans leurs équipes une dimension data, moins chez les PME, parce que les échéances sont un petit peu plus lointain ?

Laurent Morel : Dans les grands groupes, on a la capacité, à l'intérieur d'une direction financière, d'avoir des profils qui sont plus spécifiques à la data et d'autre part, qui ont la capacité d'avoir des systèmes d'information plus larges qui vont récupérer de la data. Pour les ETI, on est sur des équipes plus petites, donc plus compliqué et puis les systèmes d'information sont moins développés que ce qui peut exister sur la partie des grands groupes. Néanmoins, on voit que c'est quand même une tendance de fond. On fait une séparation aux grands groupes et ETI. Il ne faut pas non plus oublier toutes les licornes dans lesquelles elles se sont souvent constituées par la data. On peut donc avoir quelques contre exemples sur des petites structures.

Raphaëlle Duchemin : Néanmoins, quand j'évoquais les échéances, il y a pour les multinationales, des échéances assez proches sur tout ce qui est taux d'imposition minimum mondial de 15 pour cent. Ça aussi, ça oblige forcément à être davantage digitalisé, davantage numérisé et donc avoir en interne des gens qui maîtrisent cette data.

Laurent Morel : Ce dont vous parlez sur la partie réglementation fiscale, effectivement, ça touche les très grands groupes qui, à partir de 2023, devront pouvoir présenter justement leur niveau de taux effectif d'impôts au niveau mondial. Pour se préparer, elles vont devoir être en capacité de regarder à l'intérieur de leurs systèmes et voir comment les choses existent. C'est un premier élément où les directions financières, pour les très grands groupes, vont devoir--.

Raphaëlle Duchemin : Plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Laurent Morel : Exactement. C'est le premier élément. Il y a d'autres éléments de réglementation, notamment la taxonomie européenne qui va obliger à présenter pour une certaine catégorie de grands groupes, un chiffre d'affaires durable versus un chiffre d'affaires global, des OPEX durables versus des OPEX globaux et des CAPEX durables versus des CAPEX globaux. Ce sont des éléments qui parlent aux directions financières. Pour être en capacité de faire ça, il va falloir aller travailler de la data et être en capacité de l'attraper, de la travailler, de la remonter et de la valoriser.

Raphaëlle Duchemin : De nouveaux outils avec des équipes staffées autrement, voilà comment les choses se dessinent. Car si les directions financières savent qu'elles vont devoir appréhender de nouveaux défis, seulement quatre pour cent d'entre elles se sentent armées aujourd'hui pour le faire. Il va donc probablement falloir les y aider. Manifestement, Laurent Morel, nous n'avons plus le choix aujourd'hui. Pour faire de la finance, le papier, le crayon, la calculette peuvent être rangés au musée. On va vers la finance digitale et plus de huit directeurs financiers sur dix pensent d'ailleurs investir. C'est un signal très fort.

Laurent Morel : Oui, c'est un signal très fort. Je pense que tout le monde a vu l'année passée quand on n'était pas digitalisé, ce que ça voulait dire. Il y a donc à la fois une obligation d'investir dans des éléments de digitalisation parce que ce sont des sujets de performance, mais ce sont aussi des sujets de résilience, d'être en capacité de gérer les choses. Il va falloir investir aussi parce qu'il y a des obligations légales sur un certain nombre de sujets. Je pense à la dématérialisation fiscale qui sont des éléments qui poussent à investir. Le quatrième point, oui, les directions financières investissent parce que c'est une opportunité et ça leur permet aussi de réfléchir certains modèles organisationnels parce que les choses sont digitalisées.

Raphaëlle Duchemin : Vous parliez de ces projets de dématérialisation. 65 pour cent d'entre eux ont déjà lancé des projets ou prévoient de le faire. Ça signifie que le message est passé.

Laurent Morel : Oui, le message est passé. Il faut dire qu'il y a quand même une échéance-.

Raphaëlle Duchemin : 2024, 2026 pour certaines ?

Laurent Morel : Exactement. La base était un peu avancée, mais ça a été reculé d'un an. Le fait d'avoir une échéance légale pousse forcément les entreprises à avancer et à aller dans cette direction-là.

Raphaëlle Duchemin : Ces nouveaux process visent à mieux contrôler quoi ? Les fraudes, mais aussi de rendre plus fiable tout ce qui est déclaration fiscale, déclaration de TVA, par exemple ?

Laurent Morel : C'est un moyen et pour les services fiscaux de vérifier que tout se passe bien, mais c'est aussi pour l'entreprise un moyen de s'assurer que ça se passe bien également, notamment vis-à-vis de ses fournisseurs ou ses clients, selon de quel côté elle se trouve.

Raphaëlle Duchemin : C'est aussi l'occasion de freiner les coûts.

Laurent Morel : C'est un moyen de diminuer des coûts. C'est un moyen aussi de repenser certains processus liés à la chaîne de facturation. C'est surtout un sujet de transformation et d'amélioration qui est recherché.

Raphaëlle Duchemin : Oui, et manifestement, ceux qui ont déjà investi dans ces logiciels, quels qu'ils soient, disent que ça transforme la façon de travailler, mais aussi que la productivité a augmenté.

Laurent Morel : Oui, on ne se rend pas compte quand on voit un document papier, la lenteur ou la lourdeur de beaucoup de micro-tâches. Quand on passe dans des sujets de dématérialisation, on a des gains de temps par rapport à toutes ces micro-tâches qui peuvent être automatisées. Ça oblige aussi à standardiser, ça oblige à se poser des questions et ça oblige à structurer parfois des choses. Ça amène donc de la productivité.

Raphaëlle Duchemin : Nouveaux outils, plus connectés, mais aussi nouvelles approches. Les directeurs financiers n'ont pas de boule de cristal, mais ils sont quasiment six sur dix à avoir dû modifier leur approche budgétaire sans connaître le scénario qui se profilait. Laurent Morel, pour qu'ils n'aient plus à jouer les madame Irma, il y a un élément évident sur lequel les directions financières, les directeurs financiers peuvent agir, c'est la durée. Tous le disent, il faut réduire demain, après-demain les cycles budgétaires. C'est un élément qui est assez parlant, dans cette étude aussi.

Laurent Morel : Les processus budgétaires sont toujours des processus qui sont très lents, très lourds parce qu'on souhaite que l'ensemble des entités de l'organisation remontent leur budget, qu'ils soient analysés, qu'ils soient challenger, qu'il y ait une espèce d'engagement managérial. Il y a des sujets d'arbitrage et donc tout ça fait qu'on accumule des temps de processus qui sont toujours de plus en plus longs en tant que tel. Ça fait plusieurs années que les directions financières ont envie de concentrer cette partie-là. Pourquoi ? Parce que quand vous avez des processus qui sont trop longs, c'est tellement long qu'à la fin, l'info est peut-être même plus vraie ou en tout cas plus fraîche, c'est une certitude. Il y a donc une volonté d'être plus rapide dans cet élément-là, quitte à faire certaines concessions.

Raphaëlle Duchemin : Ça a été accéléré par la crise ?

Laurent Morel : Ça a été accéléré par la crise. Je pense que surtout ce qui a été accéléré par la crise, ce sont deux aspects qui ressortent aussi dans l'étude qui est ce qu'on appelle la vision un peu Rolling forecast, c'est-à-dire en permanence d'avoir une vision du futur. Les entreprises n'attendent plus le 15 septembre pour faire un budget qui sera terminé le 15 novembre. Ils ont plutôt envie d'être dans des dimensions où en permanence, on se demande ce qu'est notre futur sur des patents qui sont plus réguliers et donc qui leur permettent d'être beaucoup plus agiles dans l'environnement complexe et incertain dans lequel nous sommes.

L'autre sujet qui est ressorti cette année et qui est un enseignement de la crise par lequel nos directions financières sont passées, c'est un peu cette vision multi-scénarios. Il y a un an, je pense que toutes les entreprises ont fait des tonnes de budgets dans tous les sens en utilisant plein de concepts différents. Je pense qu'on s'est tous trompés sur la vision de quelle serait l'année 2021.

Raphaëlle Duchemin : On les a tous rangés dans la poubelle aujourd'hui. Peut-être pas ?

Laurent Morel : Non, je pense qu'on les a mis au musée parce que c'était une année tellement atypique que ça méritait d'être mis en valeur. Les entreprises ont vraiment senti le besoin d'être en multi-scénarios, de voir quels étaient les éléments qui allaient influencer telle ou telle chose et donc de ne plus forcément construire un budget fixe, mais de se dire que s'il se passe ça, il y a plutôt ce scénario, s'il y a ça, je suis plutôt dans cet autre scénario.

Raphaëlle Duchemin : Même chose pour la gestion du cash. C'est un élément majeur et pour ça, il réclame une meilleure visibilité. Là encore, comment est-ce qu'on peut mieux connaître les projections de trésorerie ?

Laurent Morel : Dans l'étude, on voit qu'il y a une volonté d'avoir des pas de temps plus réguliers, de remonter du cash pour être en permanence en vue de ce qui va se passer. Ça veut dire beaucoup de sujets, ça veut dire déjà un sujet d'outils, d'être en capacité de par les systèmes d'information, de remonter des positions de cash et des positions de projection en tant que telle. C'est le premier sujet. Il y a des sujets de processus qui sont aussi à prendre en compte parce que la vision future du cash est quand même liée aussi et beaucoup en fonction des processus clients, fournisseurs, stocks que vous pouvez avoir et puis des décisions de financement en tant que tel. Il y a une troisième dimension qui est la data, parce que là aussi, la data peut aider dans cette réflexion des projections de cash.

Raphaëlle Duchemin : Quand on parle du futur, on pense aussi à l’intégration de cette fameuse notion dont on parle depuis des années maintenant, mais qui s'impose à nous, c'est la RSE. Ces enjeux aujourd'hui doivent être intégrés davantage dans la performance de l'entreprise ?

Laurent Morel : On en est convaincu et je pense que cette étude le montre. Avant, la performance était très orientée sur une vision PNL. Quel est le résultat à la fin ? Parfois avec une vision cash aussi. Quel est le cash que je remonte à la fin ? On voit bien que cette crise nous a fait passer dans quelque chose d'assez différent. D'une part, oui, il y a toujours cette dimension économique. Les entreprises ne sont pas des fondations à but non lucratif, donc il y a bien cette dimension économique. En revanche, cette dimension économique ne peut pas se suffire à elle-même. Elle doit être regardée avec des logiques de résilience et donc de compréhension des risques qui entourent l'entreprise parce qu'on peut être très bien être très performant une année, mais comment on tient en matière de résilience ? La crise a montré cette notion de résilience. Il y a aussi une dimension d'environnement et RSE majeur au niveau des entreprises. D'une part, parce qu'il y a une notion de stratégie "où est-ce que les entreprises ont envie d'investir ou peuvent investir ?" Pour certaines entreprises, il y a une question de capacité à opérer dans le futur. On voit que Total, par exemple, court très vite pour aller sur le secteur du renouvelable et-.

Raphaëlle Duchemin : C'est devenu TotalEnergies.

Laurent Morel : C'est devenu TotalEnergies et donc on voit bien qu'on est dans cette transformation majeure où les entreprises doivent aller dans cette direction-là. Les directions financières sont donc évidemment à la manœuvre là-dedans. Il y a un sujet majeur de financement parce que le financement va être de plus en plus fléché par rapport à cette notion durable ou non durable, et donc qui s'occupe de financement, sinon une direction financière ? Elle est obligée d'intégrer ces éléments-là. Il y a la communication externe, qui est le troisième point et le quatrième point, qui est le pilotage, la performance, parce qu'on ne peut pas regarder que l'externe, il faut aussi regarder l'interne.

Raphaëlle Duchemin : Vous parliez tout à l'heure de la taxonomie verte, qui est très présente. Je crois que 60 pour cent des directeurs financiers y travaillent. C'est important de savoir, le seuil d'émissions de CO2 qui permettra de dire si telle ou telle entreprise peut être considérée comme verte et même comme vertueuse ?

Laurent Morel : Dans votre question, il y a plusieurs sujets. Le premier sujet, c'est la taxonomie européenne. La taxinomie européenne est une réglementation européenne qui s'impose aux entreprises au-delà d'un certain seuil et qui doivent présenter leur chiffre d'affaires durable versus le reste, les OPEX durable versus le reste, les CAPEX durables versus le reste. Cette taxonomie rentre en vigueur à partir de début 2022 pour essentiellement les grands groupes et cette taxonomie va s'élargir. C'est un premier élément qui est majeur, qui va contraindre toutes les entreprises. Il y a toute cette notion des standards RSE qui se mettent au niveau de la direction financière. Il y a ensuite le sujet CO2 à proprement parler. Les entreprises et donc les directions financières vont devoir s'approprier ce sujet pour savoir comment on prend en compte ces sujets de CO2.

Raphaëlle Duchemin : Renouer avec la confiance, c'est le sous-titre de cette étude. On a renoué avec la confiance pour vous aujourd'hui ?

Laurent Morel : C'est une bonne question. Je n'ai pas voulu mettre un point d'interrogation à la fin du sous-titre parce je pense qu'il faut être optimiste en tant que telle et je pense que justement ce sous-titre se lit de deux manières. Il se lit d'une part avec une vision positive parce que les entreprises montrent qu'elles ont confiance en termes de perspectives de croissance. Elles ont montré dans l'étude qu'elles se sentaient prêtes à affronter le futur. Elles ont montré qu'elles ont intégré les enjeux à RSE. Elles ont bien la confiance du futur. Il y a un bout quand même du sous-titre qui est de dire que pour refaire ce nœud, il va falloir travailler et donc travailler sur la digitalisation, travailler sur l'humain, travailler sur la performance.

Raphaëlle Duchemin : Merci, Laurent Morel.

Laurent Morel : Merci Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin : Trop souvent, et je terminerai avec cette citation, le secteur financier s'est écarté de son noble objectif initial. Voilà ce que disait en 2019 la patronne du FMI. Et trop souvent, il a travaillé dur pour d'abord se servir, ensuite servir les gens et l'économie en général, ajoutait Christine Lagarde. Manifestement, depuis, le message est passé. Retrouvez l'intégralité de cette étude PwC en partenariat avec la DFCG sur pwc.fr.

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Philippe Trouchaud

Philippe Trouchaud

Chief Technology & Products officer, PwC France et Maghreb

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