Enquête sur l'audit interne à distance

De la crise à des nouveaux leviers de mise en œuvre des plans d’audit interne

Avril 2021

Au lancement des plans d’audit 2020, peu nombreuses étaient les fonctions ayant anticipé les bouleversements liés à la crise, à la fois dans les domaines à auditer mais aussi dans les modalités pratiques de mise en œuvre des travaux d’audit.

La distanciation sociale et les restrictions de déplacement ont eu de nombreux impacts sur les organisations et bien évidemment sur la profession d’auditeur. Certaines DAI ont ainsi mis en attente la réalisation de leur audit et conduit des réflexions de fond sur leur organisations et outils. D’autres ont adapté leurs plans d’audit ou ont participé directement à la gestion de la crise. Puis, prenant la mesure du caractère durable de la situation, les fonctions d’audit interne ont dû s'organiser et reprendre leurs activités, en auditant dans la plupart des cas et lorsque les processus le permettaient… à distance. 

Cela pour un métier de proximité et d’interactions avec une part importante de relations interpersonnelles. Or les travaux conjoints entre les auditeurs et les audités fondent la différence entre un reporting ou des informations demandées en central et des travaux d’audit. 

L’audit à distance s’est depuis peu à peu imposé dans la plupart des fonctions disposant du réseau, des moyens humains et opérationnels suffisants. Une situation qui reste toutefois très inégale selon les secteurs d’activités. Les secteurs de services ou encore les banques ou assurances avec des processus dématérialisés étaient plus adaptés à cette situation que l’industrie et la logistique par exemple.

Plus de 20 experts interrogés et un panel de plus de 150 missions réalisées à distance

4 dimensions

  • Limites
    Les limites de l’exercice dans un contexte de distanciation qui pourrait persister en 2021 
  • Enseignements
    Les enseignements que nous pouvons d’ores et déjà tirer de cette expérience quant au pilotage des fonctions d’audit interne et la mise en œuvre des futurs plans d’audit.
  • Critères
    Les critères de sélection entre audit à distance/audit sur place ainsi que les prérequis à la mise en œuvre 
  • Conclusions
    Les conclusions de la réalisation des missions à distance sur cette période 

Le département de services à l’audit interne de PwC France et Maghreb réalise plus de 200 missions par an, pour des sociétés de taille intermédiaire ou grande, dans les secteurs suivants :  banque, assurance, santé, énergie, distribution, secteur public...

Des missions à distance réussies, grâce à des modes innovants et agiles

La quasi-totalité des missions d’audit prévues depuis mars 2020 ont été adaptées et réalisées totalement ou en grande partie à distance malgré certains reports.

Malgré les bouleversements opérationnels et la situation complexe, voire préoccupante bien souvent pour les audités, la qualité et la valeur ajoutée était au rendez-vous dans la très grande majorité des expériences.

La qualité-perçue est souvent supérieure, grâce notamment à des travaux d’analyse plus fouillés en phase de préparation et une restitution plus concise.

Des gains significatifs ont été constatés dans la grande majorité des cas pour la fonction en termes d’efficience (déplacements essentiels uniquement, amélioration de la gestion des temps de travail, plus grande agilité dans la planification), de confort pour l’audité et l’auditeur et en efficacité générale dans la conduite des travaux.

En revanche, des efforts plus importants ont été faits aux  étapes de cadrage, de préparation des travaux, sélection/ communication des échantillons et sur le processus de restitution.

Des économies substantielles en matière de coût de déplacement quasiment ramenés à zéro. Pour rappel les coûts de déplacements représentent entre 10 et 25 % des charges de fonctionnement d’une direction de l’audit interne suivant l’organisation de l’organisme audité.

Malgré le bon déroulement des missions, les résultats de l’étude révèlent les limites de l’audit à distance...

Les limites de l’exercice

Difficulté dans la formalisation du rapport

Complique (dans de rares cas) le processus de formalisation du rapport, en restreignant drastiquement la capacité à échanger en continu (session de brainstorming). 

Impossibilité d’auditer des sujets spécifiques

Rend difficile voire impossible la réalisation de certains audits sur des sujets spécifiques (logistique, entrepôt, audit de fraude… Même si des solutions innovantes ont pu être mises en œuvre).

Perte d’impact dans certains cas

Lorsque les liens avec le groupe et l’entité auditée se sont distendus, la mission réalisée à distance a un impact moindre en termes de message véhiculé quant à l’importance de respecter les orientations centrales (et en cas d’écart, la nécessité de mettre en œuvre des actions correctives).

Impossibilité de visiter les sites

Ne permet pas la visite des sites pourtant souvent représentatifs de la qualité de la gestion et des difficultés rencontrées par les opérationnels.

Perte de la communication non verbale

Ne permet pas de déceler les apports de la communication non verbale lors des entretiens normalement identifiés en présentiel.

Perte de temps d’échanges informels

Prive l’auditeur d’une partie des temps d’échanges qui permettent de nourrir son intuition (contacts informels, cafés, pause déjeuner…) ou de créer du lien, de la confiance, entre les deux parties.

Passé la crise, quels sont les critères à prendre en considération pour choisir entre audit à distance/audit sur place ?

Pour le bon déroulement des missions d’audit à distance, quatre critères principaux sont à prendre en compte :

  • La thématique de la mission (logistique, trésorerie, achats…)
  • L’ancienneté de l’organisation et le turnover du management
  • Le degré de confiance accordé à l’entité auditée
  • Le type de la mission et ses enjeux (audit de routine, audit d’intégration d’une nouvelle activité…)

Les prérequis à la mise en œuvre de l’audit à distance

Parmi les conditions de mise en œuvre indispensables à l’audit à distance, plusieurs composantes communes ont été identifiés comme essentielles pour sécuriser les travaux à distance :

  1. Le sponsorship fort de l’Audit interne et l’adhésion de longue date de l’audité – un climat général de confiance préalable indispensable pour sécuriser cette démarche nouvelle dont la valeur apportée a dû être présentée et démontrée.
  2. La refonte du calendrier classique pour sécuriser le déroulement d’une mission – « l’hypertrophiation » de la phase de préparation dans une optique de sécurisation et de réduction de la phase terrain a été constaté sur la majorité des missions. Cela a permis de gagner en flexibilité sur la fin de la phase terrain et au moment de la rédaction du rapport pour demander des précisions ou reboucler si nécessaire avec les audités.
  3. Une supervision de la mission renforcée, plus fréquente, agile, adossée à un suivi formalisé des travaux.
  4. L’usage de meilleurs outils de communication, de travail collaboratif et la préparation des modes opératoires ad-hoc pour rassurer l’ensemble des parties prenantes.

Futurs plans d’audit : que retenir de cette période troublée ?

Cette période de changement à marche forcée a permis d’imaginer de nouvelles façons de travailler et de réaliser les plans d’audit, y compris passé la crise.

Un modèle hybride entre audit à distance et audit présentiel semble une piste à explorer afin d’offrir à l’audit interne des nouveaux modes de fonctionnement – parfois plus performants et attrayants : par exemple pour attirer de nouveaux profils peu enclins à vivre avec des taux de déplacement élevés. Mais également réaliser de substantielles économies de déplacement et améliorer le bilan écologique de l’activité.

Cependant le sujet de la mission, le type d’entité auditée et son ancienneté dans l’organisation, la confiance management/ entité restent des critères de décision importants avant de faire le choix entre un audit à distance ou en présentiel. 

Un deuxième modèle semble également naître avec une phase terrain plus courte qui consisterait à se déplacer pour auditer seulement les éléments difficilement vérifiables à distance (tests dans les usines, entrepôt…). A l’inverse, la phase de préparation serait allongée pour faire des analyses data plus pointues ce qui permettrait de mieux cibler les questions et de limiter le temps en entretiens. 

Si la tendance générale constatée alors, était à la volonté plus ou moins forte de se positionner sur la data (audit en continu, data analytics) ou encore sur de nouvelles façons de mener les missions (audit agile), la crise traversée en 2020 a poussé les fonctions d’audit interne à revoir en profondeur leurs pratiques et leurs champs d’intervention.

« Crise ou pas crise, ces nouveaux modes de fonctionnement se sont imposés et ont démontré certains bénéfices. Un nouveau cadre doit être imaginé, en se reposant sur le meilleur des deux mondes, tout en s’adaptant à l’organisation et aux domaines audités. »

Paul Le Nail, Associé audit, Responsable de l’activité Audit interne, PwC France et Maghreb

Savoir se rendre utile doit rester la préoccupation centrale de l’audit interne, qui doit renforcer sa présence en première ligne. Au-delà du débat entre audit à distance ou en présentiel, la profession doit reconnaître que l’univers des risques change à un rythme très élevé, que les organisations s’adaptent (et souffrent), que les pratiques et les outils évoluent et que de nouveaux modes de travail, au côté du management, se sont imposés. 

Le modèle d’un audit interne qui parcourt le monde a surement vécu. Les pratiques et modèles vont vraisemblablement s’orienter vers des organisations nationales, régionales de l’audit interne… Mais aussi sur un appui plus fort sur les équipes de contrôle interne, souvent permanentes et à proximité des opérationnels.

Les fonctionnements reposant encore aujourd’hui sur des relations interpersonnelles préétablies – au sein de l’équipe d’audit – entre les équipes d’audit et les audités devront évoluer. Avec les réorganisations et le turnover inhérent à toute organisation, ces relations vont peu à peu s’estomper et ainsi demander de trouver des nouvelles solutions pour recréer des relations personnelles.

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Paul Le Nail

Paul Le Nail

Associé audit - Responsable de l'activité Audit interne, PwC France et Maghreb

Jean-Pierre Hottin

Jean-Pierre Hottin

Associé Gestion des risques, PwC France et Maghreb

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