Les technologies de GenAI évoluent à un rythme sans précédent. Pourtant, ce n’est pas la puissance des modèles qui freine les entreprises, mais leur intégration. Aujourd’hui encore, il arrive que l’ambition initiale se heurte aux contraintes d’architecture, de gouvernance, jusqu’aux enjeux de culture métier. Or le passage à l’échelle, lui, exige des réponses simples à des problèmes complexes. Les startups l’ont bien compris et proposent aux entreprises des solutions qui contournent ces problématiques.
À l’image de Genow.ai, qui développe des agents cognitifs capables d’extraire, structurer et exploiter la connaissance interne d’une organisation, quel que soit l’outil source. « Il s’agit de créer des pipelines normalisés, capables d’absorber la diversité des formats, des taxonomies et des logiques métier. Et de transformer ce chaos silencieux en contexte exploitable pour des agents IA » explique Sara Jourdan, CEO et Co-founder de Genow.ai.
Côté grands groupes, cette agilité est précieuse. Béatrice Dautzenberg, directrice des services Beauty Tech de L’Oréal, résume bien le besoin : « Ce que l’on attend des startups, ce sont des solutions concrètes à des problématiques précises. Pas de la technologie pour la technologie. » Autrement dit, les solutions doivent être pragmatiques, mais sans concession sur la performance, la sécurité, la sobriété technologique et la qualité de l’expérience. Ce sont même des prérequis.
L’expérience de L’Oréal montre très bien comment la GenAI peut devenir un fil rouge stratégique entre les fonctions. Dans la recherche par exemple, elle accompagne les chercheurs dans l’identification de molécules éco-responsables. Dans le marketing et l’expérience client hyper-personnalisée, elle s’incarne à travers Beauty Genius de L’Oréal Paris, assistant conversationnel grand public capable de guider le choix d’un soin ou d’un rituel beauté. Et à plus grand échelle, l’ensemble des collaborateurs du Groupe y ont accès via un LLM propriétaire sécurisé (L’Oréal GPT).
Mais au-delà des cas d’usage, c’est la méthode qui retient l’attention. Chaque projet IA est évalué selon trois axes :
Pertinence métier
Valeur utilisateur
Capacité de mise à l’échelle
Cela implique des arbitrages technologiques constants, avec un recours raisonné à différents modèles selon les tâches et une exigence forte en matière de performance énergétique, de latence et de respect des données.
Chez Google Cloud, cette logique d’orchestration s’impose comme une norme. Frédéric Decaudin, Head of Data, Solutions et AI Presales, le confirme : « Nous plaçons le curseur vers des architectures modulaires, au sein de plateformes composables et surtout avec la capacité à connecter intelligemment les agents entre eux. » Auparavant l’enjeu pouvait être d’aligner un modèle sur un besoin, en toute logique. Désormais, cela se rapproche plus d’un alignement vis-à-vis des usages dans l’entreprise.
La collaboration entre startups GenAI et grands groupes suppose un travail de long cours et un alignement culturel autour de quelques principes : transparence des algorithmes, explicabilité des résultats, maîtrise de l’identité de marque et, surtout, capacité à co-construire rapidement.
Sara Jourdan, cofondatrice de Genow.ai, insiste sur la dimension humaine du déploiement : « Pour que la GenAI soit utile, il faut qu’elle s’appuie sur l’intelligence des métiers. Et cela suppose que les collaborateurs aient été formés, impliqués, responsabilisés. » C’est aussi la conviction de L’Oréal, qui a formé plus de 50 000 salariés aux fondamentaux de la GenAI, comme une compétence stratégique, beaucoup plus que simplement technique.
Ce positionnement se traduit d’abord par une refonte en profondeur des fonctions cœur de métier. Côté marketing, la GenAI permet ainsi d’aller bien au-delà de la segmentation classique. Elle ouvre la voie à des logiques de personnalisation dynamique, basées sur le comportement des clients, le contexte et l’intention en temps réel. Pour les équipes, cela change la nature même du travail : outre la construction des campagnes, il faut désormais savoir piloter des moteurs conversationnels, affiner des règles d’orchestration, ou encore optimiser des interactions. Ce qui entraîne un autre mode de déploiement des compétences métiers.
Chez L’Oréal, chaque assistant IA est traité comme un produit à part entière, avec ses propres objectifs, ses arbitrages de budget et une lecture continue de sa performance. « Pour Beauty Genius, nous suivons le Net Promoter Score au quotidien, comme un indicateur de business à part entière », explique Béatrice Dautzenberg. Ce suivi structure aujourd’hui la manière dont l’entreprise évalue la valeur de ses services.
Un tel pilotage s’appuie aussi sur une plateforme technique qui absorbe la complexité : supervision multi-LLMs, mécanismes d’observabilité, benchmarks automatisés, processus de test & learn. « L’enjeu pour nous n’est pas de posséder le modèle le plus puissant, mais celui qui répond le mieux dans un contexte donné, avec le bon équilibre entre coût et pertinence », souligne Frédéric Decaudin chez Google Cloud. L’architecture doit permettre d’adapter en continu les choix technologiques aux objectifs métiers.
Ce niveau d’industrialisation redéfinit aussi les exigences adressées aux startups. Un agent IA doit aujourd’hui s’intégrer dans un système d’information existant, respecter des règles de gouvernance de la donnée, exposer ses logs, être auditable. Si bien que « l’évaluation d’une solution ne repose plus sur sa démonstration initiale, mais sur sa capacité à vivre dans un environnement complexe et contraint », rappelle Sara Jourdan, de Genow.ai.
Au fil des déploiements, une conviction se renforce : la GenAI permet de transformer les fonctions à travers une évolution globale. Autrement dit, ce n’est pas seulement l’outillage qui change, mais toute la chaîne de valeur humaine : la façon de vendre, de recruter, d’informer, de dialoguer avec ses clients ou ses collaborateurs.
« On voit les frontières traditionnelles entre fonctions s’estomper. L’agent IA se définit dans l’usage comme une interface transverse, qui décloisonne et fluidifie les processus », analyse Frédéric Decaudin. Ce qui touche directement les opérations puisque cela génère moins d’intermédiation, une meilleure accessibilité à la connaissance et enfin, une accélération des réponses.
Au sein de cette dynamique, les startups occupent une place importante par leur capacité à intervenir là où les structures établies n’osent pas encore aller, soit dans l’interstice entre le besoin métier et la solution technique. C’est par conséquent un moyen indispensable pour tester avant d’industrialiser.
Le rythme imposé par la GenAI oblige les entreprises à repenser leur modèle d’innovation. Ainsi, les projets réussis partagent un ADN commun : avec une montée en compétences rapide, des plateformes adaptables au sein d’écosystèmes ouverts et une priorisation des cas d’usage.
« Ce que l’on attend aujourd’hui de nos partenaires technologiques, c’est leur capacité à construire avec nous, dans la durée et à l’échelle » .
En filigrane, cela signifie que la réussite repose moins sur l’intensité d’un proof of concept que sur la solidité d’une collaboration outillée et pilotée.
Associée responsable de l'innovation et de l'impact, PwC France et Maghreb