Optimiser la génération de trésorerie, tout particulièrement dans un contexte de tensions sur l’EBITDA et de renchérissement et resserrement de l’accès au crédit. Le Free Cash-Flow redevient le passage obligé de la relation avec les investisseurs, actionnaires et partenaires bancaires.
Disposer de capacités de projection précises et crédibles, un défi alors même que les flux deviennent plus difficiles à modéliser du fait de la volatilité de la demande, des risques de ruptures d’approvisionnement ou de dégradation des comportements payeurs, d’un environnement législatif et fiscal instable.
Fluidifier la circulation de la trésorerie : c’est un défi à l’heure de la fragmentation de l’économie mondiale, mais une nécessité pour limiter et/ou profiter des effets de la hausse des taux d’intérêts.
Les dernières avancées technologiques, avec l’intelligence artificielle (IA) comme moteur d’innovation majeur, offrent des leviers de transformation incontournables dans le cadre d’objectifs évoqué ci-dessus, notamment en matière d’automatisation des processus ou de traitement en masse des données. A ce titre, ils constituent un impératif stratégique pour une gestion performante des cash-flows.
Les indicateurs cash sont scrutés avec beaucoup d’attention - et d’exigence - en ce moment, que ce soit par les actionnaires, les analystes ou les banquiers, et sont redevenus l’un des déterminants clefs de l’appréciation de la valeur de l’entreprise.
Les bénéfices d’un plan d’amélioration des cash-flows sont donc clairs, d’autant qu’il contribue à la transformation technologique de l’entreprise et à la montée en qualité et productivité de nombreux processus – approvisionnement, démarche commerciale, recouvrement, etc.
Pourtant, les dirigeants ne savent pas toujours précisément comment appréhender ce type de projets : ci-dessous quelques réflexions issues de notre expérience sur les facteurs clefs de succès.
En matière d’optimisation des cash-flows, les leviers sont nombreux, et il est important d’en faire l’inventaire sans a priori.
Leviers opérationnels tout d’abord : amélioration du recouvrement, accélération de la facturation, réduction des stocks, rationalisation des investissements, pilotage fin des conditions et règlements fournisseurs.
Leviers d’ingénierie financière ensuite : financement de créances ou de stocks, reverse-factoring, sell & lease back offrent des solutions diversifiées tant en termes de coût que de facilité d’accès, avec des contraintes opérationnelles qui s’allègent.
Au-delà de l’enjeu d’exhaustivité dans l’identification des leviers d’optimisation, la difficulté que nous croisons souvent lors de ce temps de diagnostic est celle du consensus autour des chiffres. Là où une culture du compte de résultat s’est peu à peu installée en France, les composants du besoin en fonds de roulement et de la performance cash restent assez mal définis et suivis dans les reportings et insuffisamment maîtrisés par le management. Le calage de la grille de lecture “cash” est donc une étape de clarification importante. Elle impose souvent de descendre à la donnée transactionnelle afin de disposer d’une base indiscutable qui viendra à l’appui d’une séquence d’alignement managériale sur la réalité de la performance et de ses drivers.
Une fois le diagnostic posé, la mise en œuvre des chantiers s’engage trop souvent autour d’un malentendu : l’amélioration de la trésorerie ne serait le sujet que de la fonction financière. Or, c’est tout le contraire : l’amélioration des cash-flows implique une large variété de populations, des commerciaux aux acheteurs en passant par les responsables de production. C’est pour cela qu’il est fondamental que les projets et actions d'optimisation des cash-flows bénéficient à la fois du sponsorship de la direction générale, et d’une gouvernance claire.
Les projets d’optimisation des cash-flows nécessitent donc une préparation soignée, mais leur retour sur investissement est excellent, que ce soit du point de vue des économies de frais financiers, de leur impact sur la valeur de marché de l’entreprise, ou des capacités dégagées pour investir dans de nouveaux marchés, produits, services. Ils ne sont pas qu’un impératif, mais aussi une chance pour l’entreprise.
Toutefois, augmenter la génération de cash-flows n’a de sens que si l’entreprise dispose d’un outil de prévision stable et crédible offrant des objectifs mobilisateurs aux équipes et permettant de valoriser au mieux les gains cash dans la communication financière. Or, cet exercice de prévision est devenu particulièrement complexe dans un contexte hautement volatil : conflits et problèmes d’approvisionnement, inflation, volatilité des cours de matières premières, contexte fiscal instable etc.
La gestion du cash est ainsi citée comme étant d’importance capitale dans les priorités des DAF et trésoriers, et la prévision de liquidités et de trésorerie à plus long terme l’est a fortiori tout autant. Pour autant, une grande majorité des entreprises (e.g. 80% des ETI) a toujours recours à des processus manuels dans la production de prévisions de trésorerie. Ceci peut engendrer des conséquences financières matérielles, en termes de manque à gagner par manque d’optimisation des placements, ou encore en coûts de financements non anticipés. A titre d’exemple, on considère que la moyenne annuelle des pertes liées à des coûts de découvert est d’environ 450k€ pour les ETI (Source : survey Agicap 2024).
L’importance de produire des prévisions de qualité de manière automatisée est donc claire.
Pour rappel, en termes de prévision de trésorerie, on distingue deux méthodes (même s’il arrive dans certains cas de produire une méthode “hybride”) :
La méthode directe, (dont les objectifs sont d’anticiper et de fluidifier la circulation du cash et les besoins de financement et placements court terme dans les différentes entités du groupe et d’accompagner la gestion d’un cash pool gestion des placements / dettes), est en général sous la responsabilité de la fonction trésorerie et fonctionne plutôt en « bottom-up » (les entités locales produisent en local et remontent leur forecast au groupe qui se charge de centraliser)
La méthode indirecte, (dont les objectifs sont plutôt l’anticipation des covenants et des besoins de refinancement long terme et l’aide à la gestion du BFR,), est le plus souvent sous la responsabilité du FP&A, et fonctionne plutôt en « top-down » (le central produit pour la totalité du groupe puis entame le dialogue de gestion avec les entités)
Le besoin d’automatisation des prévisions fait partie d’un enjeu plus large de digitalisation du processus de gestion du cash, qui comprend plusieurs volets :
L’automatisation de certains processus (facilitation de la modélisation via des interfaces avec les ERP / EPM, production du réel, des analyses d’écarts, de reportings, etc.) est essentielle pour supprimer des tâches chronophages à faible valeur ajoutée et ainsi libérer du temps aux équipes pour se concentrer sur la compréhension des écarts au réel, l’ajustement des hypothèses et in fine l’amélioration de la qualité et précision des prévisions.
La puissance de calcul des outils est devenue un enjeu majeur, pour traiter une quantité grandissante de données afin de satisfaire un besoin de compréhension analytique des variations de cash de plus en plus fort (notamment dans l’analyse des variations de BFR, pour éviter l’effet « boîte noire » et disposer de leviers de décision actionnables auprès des équipes opérationnelles)
La visualisation est clé pour rapidement identifier les points critiques, faciliter la communication entre les équipes et dynamiser le dialogue de gestion, tout en le rendant plus ludique et interactif.
Les conditions pour arriver à un processus efficient, robuste et précis sont donc multiples : cela passe par un outil efficient et visuel, des processus robustes (réel produit automatiquement, méthodologie de prévision standardisée dans le groupe et documentée, suivi systématique du workflow et surtout des écarts) et des équipes engagées, parlant un langage commun et disposant de suffisamment de temps pour de la prise de hauteur et des tâches à haute valeur ajoutée (analyser les écarts au réel et affiner les hypothèses de forecast).
Mais enfin et surtout, le processus mis en place doit réellement correspondre aux enjeux de l’organisation (quel processus pour quel objectif ?). C’est pourquoi il est très souvent recommandé de procéder à une phase amont de cadrage des objectifs, et des processus à mettre en œuvre pour y répondre. Dans un deuxième temps, de nombreux groupes passent par une phase pilote et backtesting avant de déployer le processus à l’ensemble de l’organisation. Ce découpage en phases permet non seulement un alignement de toutes les parties prenantes vers l’objectif fixé, mais également une montée en compétence de l’ensemble de l’organisation sur le processus itératif que sont les prévisions de trésorerie.
Nous l'avons évoqué, la mise en place d’un processus de prévision de trésorerie fiable et robuste est nécessaire pour maîtriser et piloter opérationnellement les cash-flows, et vient avec efficacité à l'appui de la communication financière. Néanmoins, optimisation et prévision des cash-flows ne suffisent pas à sécuriser la trésorerie : assurer une circulation fluide de la liquidité est tout aussi nécessaire.
Quel que soit son secteur d’activité ou sa taille, la mission première de sa Direction et de son département Finance est de dégager et assurer les ressources indispensables au développement de ses activités. Parmi ces ressources, le cash figure en haut de l’affiche.
En effet, à chacune des étapes de son fonctionnement, l’entreprise doit pouvoir être en mesure de disposer de liquidités nécessaires et suffisantes pour notamment acheter des matières premières, stocker ses produits, équiper et entretenir ses sites de production et locaux administratifs, payer ses charges et les salaires de ses employés. Ainsi, tout au long de ses cycles business, l’entreprise a besoin d’un volume de liquidités minimal pour opérer. C'est ce que l’on définit généralement par la notion de besoin en fonds de roulement (BFR). Or, comme le cash est une ressource qui n’est pas gratuite, l’enjeu est de réduire au maximum le montant de BFR. L'un des leviers évident est d’organiser les flux de l’entreprise de façon à accélérer le rythme de circulation du Cash – cf leviers d’optimisation du BFR présenté dans la section 1 de cet article.
Cependant, agir uniquement sur ces leviers n’est pas suffisant pour être performant sur la gestion de sa liquidité : il faut également prendre en compte la géographie et la devise des flux de liquidité de l’entreprise. C’est ici que les dispositifs de Cash Pooling sont particulièrement importants car ils permettent, en centralisant le cash disponible, généralement éparpillé dans les différentes entités et localisation du groupe, d’en réaliser une allocation pertinente au niveau du groupe, soit en le dirigeant vers un process de paiement, soit en réduisant l’endettement, soit en le plaçant.
En complément, la gestion centralisée des différentes devises du groupe permet de répliquer cette mécanique de circulation fluide du cash par devise, avec par exemple la mise en place de cash poolings par devise ainsi qu’une gestion centralisée des expositions de change induites.
Enfin, cette gestion optimisée de la liquidité du groupe est d’autant plus efficiente qu’elle est monitorée en central afin de mobiliser les sources de financement les moins coûteuses, et de réaliser des placements qui tirent parti des meilleurs rendements grâce à la visibilité que l’on peut avoir sur ses échéances.
Toutes ces actions pour jouer sur les processus d’optimisation de la gestion de la liquidité s’appuient sur les dernières évolutions réglementaires et techniques (uniformisation des protocoles de traitement des flux financiers, offre bancaires ou outils ad-hoc de cash pooling et de payment factory,..) afin de faciliter l’accélération de la circulation du Cash.
Par exemple, pour les grandes entreprises, la mise en place d’un dispositif de type “banque interne” (“In House Bank”) permet de centraliser plusieurs leviers technologiques au service de différents processus de gestion de sa liquidité, depuis les encaissements, l’optimisation de son financement jusqu’au monitoring de ses paiements, tout en minimisant les coûts de traitement des flux financiers.
Dans tous les cas de figure, la difficulté est aujourd’hui d’arriver à distinguer parmi tous les processus, schémas organisationnels et solutions techniques, le mix qui va correspondre au plus juste aux enjeux de chaque groupe.
C'est pour résoudre cette équation et apporter une réponse pragmatique à ces enjeux clients, que nous disposons dorénavant de plusieurs accélérateurs de delivery dans nos missions d’accompagnement. Ainsi, ces accélérateurs peuvent se matérialiser sous différentes formes, par exemple un outil de réalisation de benchmark, de collecte et traitement de la donnée nécessaire au cadrage des besoins, de raccourci dans le processus de sélection d’un partenaire bancaire, pour choisir sa solution technique, pour accélérer les phases contractuelles ou pour déployer la solution retenue.
En conclusion, quelques constats pratiques tirés de notre expérience aux côtés de groupes de toutes tailles et de secteurs d’activités très variés :
Remettre le cash au centre de l’équation de l’entreprise est un chantier nécessaire mais complexe, et qui de ce fait nécessite 12 à 18 mois pour donner ses pleins résultats. Il est donc critique de ne pas attendre d’être dans l’urgence pour s’y attaquer, et de le faire avec méthode
Optimisation, prévision et circulation de la liquidité, en incluant le volet tax : ces trois dimensions sont indispensables et complémentaires. Aucune ne doit être méconnue sauf à prendre le risque d’une génération de cash insuffisante, instable ou ne répondant pas aux besoins de liquidité de l’entreprise
L’apport de la technologie y compris dans sa composante IA- aux enjeux “cash” des entreprises est indéniable, notamment en matière de Dashboarding, de prévision de trésorerie, d’automatisation des processus Order-to-Cash ou de prévision des ventes. La prise en compte du paramètre technologique est devenue à nos yeux un impératif stratégique dans la transformation financière autour du cash