Selon l’INSEE, le taux d'activité en France a atteint 73,6% de la population en âge de travailler en 2022.
Depuis la crise Covid, le taux de participation a enregistré des progrès notables en grande partie grâce à l'essor de l'alternance, qui facilite l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Cependant, malgré cette amélioration, la France reste en deçà de ses partenaires européens.
La comparaison des taux d’activité des pays enregistrant un même niveau de développement en termes d’avancées technologiques ou de niveau d’éducation permet de dresser une cartographie de la capacité productive de chacun d’entre eux. Il en ressort que la France reste pénalisée depuis des décennies par un taux de participation des 15-64 ans plus faible que celui de ses partenaires européens. En Allemagne, le taux de participation total culmine à près de 80% de la population en âge de travailler, tandis qu’il dépasse 78% au Royaume-Uni.
Définition - Le taux de participation au marché du travail, ou taux d'activité, exprime la proportion de personnes actives (personnes actives occupées et chômeurs au sens du Bureau international du travail) dans la population de référence.
Pourtant, la nécessité de rendre le marché du travail plus flexible et attractif pour permettre de mobiliser davantage de main-d’œuvre fait débat en France. Certains évoquent des modèles économiques distincts, questionnant la pertinence des comparaisons internationales. Il demeure en effet compliqué d’harmoniser les données sur l’activité de chaque pays. Chaque membre de l’Union européenne détermine librement son système de protection sociale et les règles qu’il se fixe en matière d’emplois. Néanmoins, si en amont tout modèle économique repose sur des choix politiques, reste qu’un écart de taux d’activité de 5 à 6 points entre la France et ses partenaires requiert un ajustement progressif.
C’est pourquoi la France tente de se réformer pour se rapprocher des normes européennes. En 2023, elle a décalé l’âge réglementaire de départ en retraite, qui est passé de 62 à 64 ans. Rappelons que les autres pays européens ont fixé cet âge entre 65 et 67 ans. La France reste à la traîne. Néanmoins, cette mesure aura pour effet d’accroître mécaniquement le taux de participation des seniors au marché du travail, de même que le développement des contrats d’apprentissage a permis de mettre en emploi les plus jeunes.
Par ailleurs, pour une vision exhaustive de l'activité économique, il convient d’analyser le taux de participation des femmes sur le marché du travail. Sans surprise, comme dans de nombreux pays développés, ce taux reste en France inférieur à celui des hommes. Cependant, la situation globale des femmes sur le marché de l'emploi en France est particulièrement préoccupante. Selon le dernier Women in work index, l’indice annuel élaboré par PwC UK pour mesurer les écarts entre l'emploi féminin et l’emploi masculin sur différents critères (taux de participation, chômage, salaire), la France se classait en 2022 au 24e rang sur 33 pays de l'OCDE, juste derrière l'Allemagne. Le Luxembourg, l’Islande et la Slovénie occupent les premières places. Au Luxembourg, l’écart de salaire (-0.2%) entre les hommes et les femmes est même favorable à ces dernières.
Les piètres résultats français interrogent. Car, s’il faut s’accorder à augmenter le taux de participation féminin, il faut en amont comprendre les frictions qui ont jusqu’à présent empêché les Français d’accéder à la parité en emploi, qui demeure le facteur d’attractivité à explorer.
Selon le Women in work index de PwC, sur 33 pays de l'OCDE, la France se classe au 24e rang en matière d’écarts entre l'emploi féminin et l’emploi masculin (taux de participation, chômage, salaire, etc.).
La participation des femmes sur le marché du travail a progressivement augmenté depuis 40 ans pour se rapprocher peu à peu de celle des hommes.
On constate sur cette période un effet de rattrapage de l’activité des femmes par rapport à leurs homologues masculins. En parallèle, l’allongement de la durée des études a débouché, tous genres confondus, sur un accès plus tardif à l’emploi.
En 2018, le taux d’activité des femmes de 15 à 64 ans atteignait 68,5%, enregistrant un écart de moins de 7,6 points face aux hommes. Rappelons que cet écart était de 31 points en 1975. Par ailleurs, cette différence se creuse légèrement sur la tranche des 25-64 ans, où la participation masculine atteint 84,3% contre 76,1% pour les femmes.
Cet écart peut paraître contre-intuitif. L’accès à la formation a facilité l’entrée sur le marché du travail. Mais, si le diplôme reste un atout pour décrocher son premier emploi, la présence d’enfants à charge réduit par la suite le niveau d’activité des femmes.
Au fil des décennies, le taux de chômage des femmes a rejoint celui des hommes.
Des années 1970 jusqu'au milieu des années 2000, les femmes étaient plus touchées par le chômage que les hommes. En 1994, le taux de chômage atteignait près de 12% pour les femmes, moins de 9% pour les hommes. Puis, en 2009, le taux de chômage masculin a rejoint celui des femmes. Cette convergence s'explique en partie par les répercussions de la crise économique de 2008, qui a particulièrement affecté les secteurs industriels, où les emplois sont traditionnellement occupés par les hommes.
Lors de leur entrée sur le marché du travail, les femmes sont moins touchées par le chômage que les hommes. En partie parce qu’elles sont plus diplômées que les hommes depuis les années 2000, ce qui facilite leur accès à un premier emploi.
Plus globalement, en tenant compte du taux d’activité, on observe que ce dernier est quasiment le même entre femmes et hommes au moment de l’entrée sur le marché du travail. En 2018, un à quatre ans après leur sortie de formation initiale, 83% des femmes étaient actives, soit 3 points de moins que les hommes. Puis l’écart se creuse au fil de la carrière. Selon l’INSEE, au-delà de 11 ans après la sortie de formation initiale, une différence de 9 points s’observe entre hommes et femmes. Ainsi, avec l’ancienneté, l’inactivité chez les femmes progresse.
L’arrêt de l’activité est en majorité concomitante avec l’arrivée d’un enfant. La pause ou le retrait de la vie professionnelle chez les hommes existe, même si elle reste peu usitée. Elle s’explique cependant en général par la reprise d’études. On comprend, à ce stade, que la présence d’enfants à charge constitue l’une des premières raisons d’inégalité entre les femmes et les hommes en activité.
L’arrêt d’activité des femmes est en majorité concomitante avec l’arrivée d’un enfant. Cet événement constitue l’une des premières raisons d’inégalité entre les femmes et les hommes en activité.
Le taux d'activité des femmes diplômées de l'enseignement supérieur, quel que soit leur âge, est de 87%, soit 18 points de plus que les femmes sans diplôme.
L'augmentation du niveau d'éducation est devenue perceptible à partir des générations nées pendant les Trente Glorieuses. Cette période, s’étendant du lendemain de la Seconde Guerre mondiale au choc pétrolier de 1973, a été marquée par plusieurs réformes visant à élargir l'accès à l'éducation. Pourtant, même si les jeunes filles empruntent désormais des parcours éducatifs similaires à ceux de leurs homologues masculins, les filières scientifiques, réputées pour offrir les meilleures perspectives de rémunération, attirent encore davantage les garçons que les filles.
On parle alors du paradoxe de l'égalité des sexes. En effet, des chercheurs ont observé qu'à mesure qu'un pays devient plus égalitaire et développé, moins de femmes choisissent des carrières dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). La Chaire Femmes et Science de Paris Dauphine-PSL dirigée par Thomas Breda, Elyès Jouini, Clotilde Napp et Georgia Thebault, souligne que, dans les pays développés, le stéréotype associant les mathématiques aux hommes est plus prégnant. Ainsi, en France, selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, seules 27,1% des étudiants en ingénierie sont des femmes, alors qu'elles représentent 69,6% des inscriptions dans les filières universitaires de lettres et sciences humaines, et 85% dans les formations paramédicales et sociales. Il semble également que les stéréotypes de genre (tels que "les filles sont plus douées en lettres" ou "les garçons sont meilleurs en sciences") soient plus marqués dans les milieux aisés que dans les milieux modestes.
L'explication de ce paradoxe demeure exclusivement culturelle. De plus, il semble que les opportunités professionnelles liées aux différentes matières étudiées ne soient pas encore bien comprises par les jeunes. Des enquêtes ont montré que la perspective de salaires plus élevés dans les secteurs scientifiques, y compris la finance, est un argument convaincant pour encourager les filles à choisir ces filières. Les recherches menées par l’université Paris Dauphine-PSL montrent que, comme les garçons, les filles aspirent à une carrière bien rémunérée après leurs études. Il faudrait, par ailleurs, faire preuve de pédagogie dès l'entrée au lycée pour permettre aux élèves de mieux comprendre en amont le potentiel offert par les filières scientifiques. Cependant, la réforme du baccalauréat de 2017 a eu pour effet contre-productif d'entraîner une baisse du nombre de jeunes filles s'engageant dans des filières scientifiques. Dans un pays qui vise à se réindustrialiser, cette mesure risque d'accentuer les déséquilibres entre hommes et femmes, en particulier dans les métiers en ingénierie.
Dans un pays qui vise à se réindustrialiser, la baisse du nombre de jeunes filles s'engageant dans des filières scientifiques risque d'accentuer les déséquilibres entre hommes et femmes, en particulier dans les métiers en ingénierie.
Quel que soit le niveau de diplôme, le taux d'activité des femmes diminue globalement avec le nombre d'enfants. Il demeure néanmoins que les femmes les moins diplômées sont davantage confrontées à la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée et demeurent plus nombreuses à arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Ces dernières optent aussi plus facilement pour le travail à temps partiel. En France, 34% des femmes sans diplôme travaillent à temps réduit, contre 22% des diplômées du supérieur.
En revanche, l’écart entre le taux d’activité des femmes selon le niveau de diplômes se contracte nettement - il se divise par deux - sur la deuxième partie de carrière. Cela s’observe entre 50 et 54 ans, âge qui correspond en général au départ des enfants du foyer.
Selon les données de l’INSEE pour 2021, les femmes perçoivent en moyenne un salaire net mensuel de 1 553 euros, contre 2 053 euros pour les hommes.
Ainsi, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes est de 24%, tous types d’emplois confondus.
Afin de neutraliser l'impact des contrats à temps partiel et des heures supplémentaires, il convient de comparer les salaires sur une base d'équivalent temps plein (ETP). En 2021, pour un ETP, le salaire mensuel net moyen des hommes s'élevait à 2 689 euros, contre 2 292 euros pour les femmes, ce qui représente un écart de 15%.
Cette disparité salariale entre hommes et femmes est encore plus prononcée parmi les parents, où les mères affichent des salaires en ETP nettement inférieurs à ceux des pères. Ces écarts s'accroissent en fonction du nombre d'enfants.
0n observe que les hommes, devenus pères, s’investissent davantage dans leur carrière professionnelle, tandis que les femmes, devenues mères, se voient accorder une plus grande part des responsabilités domestiques qu'elles refusaient auparavant, en exigeant une répartition équitable. Ainsi, le sociologue spécialiste de la famille François de Singly note que les femmes, globalement, une fois mères, estiment pouvoir prendre en charge non seulement les contraintes liées à l'enfant, mais également des tâches domestiques du quotidien qui pourraient incomber à leur partenaire. On observe néanmoins une transformation progressive dans la jeune génération, où les pères s’investissent davantage dans la sphère privée, grâce notamment à l'allongement du congé paternité.
Cette répartition avantage les hommes. À mesure que l'on progresse dans l'échelle des salaires, les écarts entre hommes et femmes se creusent. Selon les données les plus récentes de l’INSEE, pour un ETP en 2021, les 10% des femmes les moins rémunérées gagnaient au maximum 5% de moins que leurs homologues masculins (1 336 euros contre 1 400 euros). Pour les 10% des femmes les mieux rémunérées, cet écart atteint 17% (3 577 euros contre 4 317 euros). Au niveau médian, les femmes percevaient un salaire inférieur de 10% par rapport aux hommes, soit une différence de 215 euros par mois.
Ces écarts de salaire à temps plein reflètent principalement la sous-représentation des femmes dans les postes les mieux rémunérés. On observe la persistance d’un plafond de verre qui limite l'accès des femmes aux postes de haut niveau, tandis que les métiers traditionnellement féminins demeurent, comme nous l’avons vu précédemment, souvent moins valorisés.
Les écarts de salaires s’expliquent en partie par la répartition genrée des métiers. N’occupant pas le même type d’emploi et n’exerçant pas dans les mêmes secteurs que les hommes, les femmes accèdent de fait moins aux postes les plus rémunérateurs.
Salaires nets selon le sexe et la catégorie d’emploi en France dans le privé, 2021 |
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Hommes en euros |
Femmes en euros |
Ensemble en euros |
Écart femmes / hommes en euros |
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Cadres supérieurs
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4 604 | 3 861 | 4 331 | -16 |
Professions intermédiaires | 2 618 | 2 299 | 2 470 | -12 |
Employés | 1 861 | 1 773 | 1 801 | -5 |
Ouvriers | 1 912 | 1 638 | 1 863 | -14 |
Ensemble | 2 689 | 2 292 | 2 524 | -15 |
Écart employés / cadres (en euros) | - 2 743 | - 2 088 | - 2 530 | |
Écart employés / cadres (en %) | -60 | -54 | -58 |
Au sein même des entreprises, des disparités salariales persistent.
Afin de contrer de manière plus efficace cette persistance des inégalités salariales, la France a instauré un indice en 2018 pour mettre en lumière ces écarts. Connu sous le nom d'index de l'égalité professionnelle femmes-hommes, ou index Pénicaud, du nom de l'ex-ministre du Travail, sa publication annuelle est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés.
Cet indice d’évaluation sur 100 points repose sur cinq critères distincts :
L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes (40 points)
La disparité dans les augmentations salariales annuelles (20 points)
Les différences dans les taux de promotion (15 points)
Les écarts de rémunération lors du retour de congé maternité (15 points)
La représentation des femmes parmi les plus hauts salaires de l'entreprise (10 points)
Ce dispositif vise à mettre en évidence les domaines où les inégalités de genre persistent et à inciter les entreprises à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l'égalité professionnelle femmes-hommes.
En résumé, et afin de rendre le travail attractif pour plus de femmes et accroître leur taux d’activité, il conviendrait d’actionner quelques pistes :
Sensibiliser la population quant aux stéréotypes préjugeant d’une préférence des hommes pour les matières scientifiques et des femmes pour les lettres.
Exemple : des campagnes de sensibilisation dans les écoles
Informer sur les rémunérations plus élevées offertes dans les filières scientifiques pour accroître leur attractivité auprès des jeunes filles.
Exemple : fournir des barèmes de rémunération au moment de l’orientation des élèves
Proposer des solutions concrètes d’accompagnement des parents pour une meilleure répartition hommes/femmes de la gestion de la vie quotidienne après une naissance, afin que la charge d’enfants ne freine pas l’activité des femmes. Ce sujet sociétal doit associer les efforts des pouvoirs publics, des entreprises et de la société civile.
Exemple : développer les crèches et rendre le temps partiel attractif pour les hommes et les femmes (prendre exemple sur les Pays-Bas).
Encourager les femmes à défendre leur légitimité à revendiquer l'équité salariale, car la législation seule ne permet pas d’effacer les inégalités de genre.
Exemple : s'appuyer sur des outils tels que l'Index Pénicaud et promouvoir une plus grande transparence des salaires.
En conclusion, beaucoup reste encore à accomplir en matière d'équité femmes-hommes au travail. Après les avancées réglementaires, une évolution des mentalités est nécessaire. Les marges de progression se trouvent dans la lutte contre les stéréotypes genrés, l'orientation vers des études à fort potentiel, une gestion plus symétrique de la parentalité et l’affirmation de la légitimité des femmes. La parité reste un facteur essentiel pour aspirer à une plus grande participation féminine au marché du travail.