L'égalité entre les sexes est devenue une question plus cruciale encore au lendemain de la crise du Covid-19, dont le FMI note que les conséquences économiques ont été particulièrement néfastes pour les femmes. Dans son ensemble, la communauté internationale accroît sa mobilisation pour favoriser l’émergence d’économies plus inclusives, au sein desquelles les femmes participent pleinement à toutes les sphères de la société.
Dans chaque pays, le ministère en charge des Finances a un rôle crucial à jouer dans la promotion de l’égalité de genre. Une budgétisation sensible au genre est un moyen d’y contribuer. Intégrant une perspective de genre dans l’analyse et la construction des budgets permet en effet d’analyser l’impact différencié des dépenses et des recettes des budgets publics sur les femmes et les hommes.
Selon le FMI, plus de la moitié des pays du G20 ont déjà mis en place un cadre juridique exigeant l'intégration d’objectifs et activités liés au genre dans le budget, et presque tous les pays collectent – à des degrés variables - des statistiques ventilées par sexe.
Si la réflexion portant sur le genre semble bien engagée mondialement au niveau des dépenses publiques, il n’en va pas de même du côté des ressources. Le corpus de publications sur les effets de la fiscalité par genre est encore bien limité. Pour autant, les décideurs politiques accordent une attention croissante à la fiscalité comme outil dans la lutte contre les inégalités de genre. Les politiques fiscales sont en effet généralement perçues comme un moyen à la fois de collecter des recettes qui financent les biens et services publics, et de modifier le comportement des contribuables en lien avec d’autres politiques publiques. Les questions d'égalité femmes-hommes sous-tendent ces deux objectifs.
Les politiques fiscales influent – positivement ou négativement – sur l'égalité des sexes principalement par deux mécanismes : les biais explicites et les biais implicites.
Les biais explicites entrent en jeu lorsque des dispositions du Code général des impôts sont expressément liées au genre. Ces biais agissent le plus souvent au niveau de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, par exemple au travers de l'attribution d'exemptions, de déductions et de préférences fiscales liées au conjoint, ou via la responsabilité de remplir la déclaration d'impôt.
Les biais implicites quant à eux sont à l’œuvre alors même que le système fiscal se veut neutre du point de vue du genre, n’établissant pas de différence explicite entre les hommes et les femmes. Dans ce cas, le biais surgit souvent dans l'interaction du système fiscal (neutre) avec des différences entre les hommes et les femmes : par exemple, dans la nature et le niveau des revenus, les décisions de consommation ou les attentes sociales.
À ce jour, la plupart des études fiscales centrées sur le genre concernent les pays développés et portent sur les politiques d'impôts directs sur le revenu des personnes physiques et d’impôts indirects. Il existe peu d'études empiriques qui examinent la fiscalité sous l'angle du genre pour les pays en développement.
Toutefois, en mars 2022, l’OCDE a mené une étude auprès de 43 pays (dont trois pays africains – Afrique du Sud, Kenya et Tunisie) pour analyser les systèmes fiscaux sous le spectre du genre. Il apparaît que la plupart des pays étudiés ont déjà mis en œuvre des réformes fiscales destinées spécifiquement à améliorer l'équité entre les sexes. Plus de la moitié d'entre eux ont identifié un risque de biais implicite lié au genre dans leurs systèmes fiscaux.
En 2022, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ), l'agence de coopération internationale allemande pour le développement, a confié à PwC une étude complémentaire élargissant l'analyse de l'OCDE sur la fiscalité et le genre à cinq autres pays africains : Bénin, Burkina Faso, Ghana, Zambie et Zimbabwe. En étroite collaboration avec les équipes de la GIZ dans ces pays, l'équipe en charge du Programme Sectoriel Bonne Gouvernance Financière (SP GFG) de l’organisation a cherché à identifier les biais de genre découlant des systèmes fiscaux, s'appuyant sur l'expérience et les principales conclusions de l'étude de l'OCDE tout en adaptant l’approche au contexte africain.
En synergie avec d'autres initiatives, les politiques et les réformes de l'administration fiscale ont la capacité d’améliorer l'égalité entre les sexes. En Afrique comme ailleurs, elles constituent une composante parmi d’autres pour contrer l’expression des préjugés sexistes dans les économies et les sociétés.
Les gouvernements doivent s'assurer que les systèmes fiscaux sont sensibles au genre (c'est-à-dire qu'ils n'ont pas de biais négatifs explicites ou implicites sur le genre), qu'ils répondent aux besoins et aux priorités des hommes et des femmes et qu'ils contribuent à faire évoluer les stéréotypes et les rôles des hommes et des femmes.
Pour avancer plus vite vers l'égalité de genre, ces politiques et réformes fiscales doivent s’accompagner de mesures visant à assurer que les femmes puissent véritablement tirer parti de cette amélioration. Par exemple, l'Etat peut soutenir l’alphabétisation des femmes et veiller à leur accès à l’information fiscale (campagnes de communication et de sensibilisation, etc.).
Évaluer l'impact des politiques fiscales sur les femmes avant leur adoption et leur mise en œuvre. Il convient a minima d’identifier clairement les bénéficiaires directs de la potentielle nouvelle mesure fiscale.
Maintenir le régime d’imposition individuelle / séparée pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), qui est favorable au second apporteur de revenu (généralement des femmes). Cette mesure est propice au libre choix et à l’émancipation des individus, contrairement au système d'imposition commune. Ce dernier a de fait pour conséquence d'augmenter le taux d'imposition de celui qui a les revenus les plus faibles – la plupart du temps, les femmes.
Veiller à avoir une proportion significative d'impôts progressifs dans la composition des recettes. Les pays africains ont intérêt à conserver leur impôt progressif sur le revenu des personnes physiques. À l’inverse d’un impôt proportionnel, un impôt progressif tient mieux compte de la capacité à payer des individus. Les pays devraient également réformer leur impôt sur le revenu des sociétés (IS) de façon à le rendre progressif, en fixant des taux supérieurs pour les grandes entreprises et les individus les plus riches.
Mettre en place un seuil d’exonération de l’impôt sur le revenu fixé au-dessus du seuil de pauvreté et une deuxième tranche imposable à un taux très faible.
Éviter que l’imposition du capital ne crée des distorsions avec l’imposition des autres revenus.
Augmenter les taux de l'impôt sur les sociétés (IS), car ils peuvent avoir un effet négatif sur l'égalité entre les sexes plus important que ne l’a l'impôt sur le revenu (conformément aux recommandations du rapport ATAF).
Mettre en place une exemption de l’impôt sur le revenu pour les revenus de base, avec un niveau inférieur aux seuils de pauvreté internationaux.
Procéder à une évaluation du taux normal de TVA et le diminuer s'il s’avère trop élevé. L’idée est de réduire la charge fiscale sur certains biens et services spécifiques, consommés majoritairement par les femmes, pour elles et leurs familles – combustible de cuisson, couches, protections hygiéniques féminines, denrées alimentaires, services de soin, services éducatifs, etc. Cela contribuerait à réduire les biais de genre implicites, puisque la TVA et les impôts indirects pèsent davantage sur les plus faibles revenus – qui concernent majoritairement les femmes.
Mettre en place des crédits d'impôt remboursables qui bénéficient à tous les contribuables, y compris les plus vulnérables. Toutefois, il convient de veiller à éviter de considérer les mesures destinées à protéger les populations pauvres et vulnérables sans distinction, comme étant en faveur des femmes. Les assimiler à ce groupe n’est pas nécessairement bénéfique. Les femmes ont des besoins spécifiques.
Plus largement, les administrations fiscales peuvent chercher à proposer des solutions pratiques répondant aux besoins spécifiques des femmes. L'introduction de taxes forfaitaires sur les marchés pourrait ainsi s'accompagner de l'obligation pour les propriétaires des lieux d’installer des services de base (toilettes, refuges, eau et installations de cuisson). La fiscalité est en effet également un moyen efficace d’améliorer les conditions de travail des femmes quelle que soit leur activité.
L’équipe Développement International de PwC France et Maghreb fournit un large éventail de services sur différents thèmes (genre, gouvernance, climat, etc.) et géographies (avec un accent particulier sur les pays d’Afrique et du Moyen-Orient), financés par les bailleurs de fonds et organisations internationales, en appui aux réformes mises en œuvre par les gouvernements et institutions publiques.
En savoir plus