Les entreprises européennes sont-elles préparées au Pacte vert pour l’Europe ?

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Les entreprises européennes sont-elles préparées au Pacte vert pour l’Europe ?

Rendre l'Europe climatiquement neutre en 2050 : quelles sont les initiatives politiques proposées par la Commission européenne ?

L’étude sur le Pacte vert pour l'Europe apporte un éclairage sur le niveau de connaissance et de préparation des entreprises européennes aux différentes mesures du Pacte vert européen. Elle explore également les engagements déjà pris par les entreprises en matière de transition écologique et de développement durable.

Dans ce podcast, découvrez les enseignements de cette étude avec Fabien Radisic, Associé, ESG Leader, PwC Société d’Avocats et Sylvain Lambert, Associé Développement durable, PwC France et Maghreb.

Aurélie Picosson : Bonjour et bienvenue dans Décryptage, le podcast mensuel de PwC, pour décoder notre économie et ses mécanismes. Je suis Aurélie Picosson et tous les mois, j'accueille Stéphanie Villers, notre conseillère économique, pour une discussion autour d'une actualité de l'économie. Bonjour Stéphanie.

Stéphanie Villers : Bonjour Aurélie.

Aurélie Picosson : Ton dernier décryptage, à lire en intégralité sur le site de LetsgoFrance, est consacré à la pénurie de main d'œuvre et au chômage élevé en France. Cette coexistence semble un peu aberrante car le marché du travail en France connaît une embellie depuis 2018. Le taux de chômage a reculé pour atteindre, pour le deuxième trimestre 2022, 7,4 % de la population active, son plus bas niveau depuis plus d'une décennie. Comment peut-on expliquer cette situation ?

Stéphanie Villers : Cette baisse du chômage s'explique à la fois par la très forte progression des créations d'emploi et par le soutien inédit de l'Etat. Rappelez-vous, pendant la crise sanitaire, il y a eu tout ce qu'on a appelé le financement du chômage partiel. En 2021, on a recensé plus de 600 000 emplois nets créés. C'était du jamais vu, en tout cas depuis très longtemps. Il faut quand même noter qu'un tiers de ces créations d'emplois s'explique par le développement de l'alternance. Il y a eu une prime exceptionnelle de 8 000 € pour l'embauche d'un alternant et c'est ce qui a véritablement soutenu cette embellie sur le marché de l'emploi.

Aurélie Picosson : Et en 2022, en termes d'emploi et de chômage, où en sommes-nous ?

Stéphanie Villers : Sur le premier trimestre 2022, les créations d'emplois ont été moins dynamiques mais en fait suffisantes pour maintenir un taux d'emploi à un niveau historiquement bas. On recense à peu près 180 000 emplois nets créés sur les six premiers mois de l'année et ces créations ont été particulièrement dynamiques dans le secteur tertiaire marchand.

Aurélie Picosson : En France, on a moins de chômage mais ce n'est pas terrible par rapport aux autres pays de l'OCDE. N'est-ce pas ?

Stéphanie Villers : Oui, exactement. La comparaison avec nos partenaires nuance l'embellie française. Si on regarde les États-Unis, mais aussi le Royaume-Uni ou encore l'Allemagne, sans oublier bien sûr le Japon, on voit qu'ils sont dans une situation de plein emploi, c'est-à-dire avec un taux de chômage égal ou inférieur à 5 % de leur population active.

Aurélie Picosson : Le plein emploi, c'est lorsque le taux de chômage est inférieur à 5 % sur le marché du travail. Est-ce bien cela ?

Stéphanie Villers : Tout à fait. C'est ce que nous dit l'Organisation Internationale du Travail. Le plein emploi est atteint quand le taux de chômage est inférieur à 5 %. Mais qu'est-ce que le plein emploi ? C'est quand on est dans une situation où il n'existe pas de difficultés pour un travailleur à trouver un poste. Le plein emploi impose quand même un taux de chômage incompressible qui correspond aux délais nécessaires pour une personne pour retrouver un nouvel emploi, parce qu'il faut que cette personne dépose une candidature et qu'elle soit sélectionnée. Ce délai, en général, est estimé de trois à six mois. Donc, ce taux de chômage, qui est incompressible, varie quand même d'un marché du travail à l'autre, c'est-à-dire d'un pays à l'autre. On n'a pas tous le même niveau de plein emploi. Ceci dépend en fait des imperfections récurrentes sur certains marchés du travail. Par exemple, en France, on a un manque de mobilité, donc ça pèse sur notre capacité à atteindre ce niveau de plein emploi. Pour autant, pour affiner les comparaisons internationales, il ne faut pas uniquement s'arrêter sur le taux de chômage, mais élargir le spectre et regarder le niveau de sous-emploi. Le sous-emploi correspond aux personnes qui subissent par exemple le temps partiel. Et on sait qu'en Allemagne ou en Angleterre, le temps partiel est très développé. Et puis il y a aussi un autre critère qui est la part des personnes découragées. Ce sont des personnes qui renoncent à chercher un emploi alors qu'elles voudraient travailler. Or, ces personnes-là, en fait, sortent des radars et vont dans ce qu'on appelle le halo du chômage. Celui-ci est très important, par exemple aux États-Unis ou encore en Italie.

Aurélie Picosson : Le taux de chômage en France est à 7 %. Il est plus élevé par rapport aux autres pays développés, mais il semble que nous ayons également des problèmes de recrutement.

Stéphanie Villers : Oui. Au total, la Dares a recensé plus de 360 000 emplois vacants sur le deuxième trimestre 2022. Ce nombre d'emplois vacants a augmenté très fortement puisqu'il est en hausse de 72 % par rapport à la période d'avant crise COVID. Si on creuse un peu, par rapport au quatrième trimestre 2019, le nombre de postes vacants a augmenté de 99 % dans l'industrie, de 76 % dans le tertiaire non marchand et de 66 % dans le tertiaire marchand.

Aurélie Picosson : Comment peut-on expliquer la coexistence d'un taux de chômage élevé et d'un nombre important d'emplois vacants ?

Stéphanie Villers : Le bon sens se heurte à la réalité des chiffres. Avec un taux de chômage à 7,4 % de la population active qui correspond concrètement à 2,3 millions de personnes à la recherche d'un emploi. En fait, il est difficile de justifier cette persistance d'un nombre important de postes vacants. On pourrait par exemple imaginer que près de 300 000 personnes sans emploi sortent des radars du chômage s'ils se tournaient vers ces postes non pourvus. Pourtant, il y a une enquête de la Banque de France qui nous indique que 57 % des entreprises interrogées rencontrent des difficultés de recrutement.

Aurélie Picosson : Mais si on augmentait les salaires de ces postes non pourvus, ne serait-ce pas une solution ?

Stéphanie Villers : C'est ce que la théorie nous enseigne. Pour atteindre l'adéquation entre l'offre et la demande, c'est simple, il faut faire un ajustement par les prix. Et dans le cas du marché du travail, c'est bien sûr accroître les salaires pour atteindre cet équilibre offre-demande. Mais en réalité, il y a des frictions aux origines diverses qui empêchent cet équilibre.

Aurélie Picosson : Qu'est-ce qu'on entend par frictions ? Quelles sont-elles ?

Stéphanie Villers : Déjà, les entreprises les plus fragiles ont du mal à offrir des salaires attractifs. On observe qu'elles proposent des rémunérations moins élevées que les entreprises qui déclarent ne pas avoir de difficultés de recrutement. Alors faisons un retour en arrière. Rappelons-nous de la période COVID où l'Etat est venu, par ces mesures de soutien, aider les entreprises et a permis la survie d'un grand nombre d'entre elles. Ces entreprises ont pu passer la crise sans mettre la clé sous la porte, mais certaines d'entre elles avaient déjà des difficultés financières avant même cette crise sanitaire. Or, ce sont ces entreprises qui se sont retrouvées artificiellement maintenues en vie par la manne publique. Et en sortie de crise, elles n'ont pas pu offrir des rémunérations compétitives, contrairement à celles qui allaient mieux. Ce sont elles qui se retrouvent pénalisées dans leur capacité d'embauche. La Banque de France nous indique qu'entre septembre 2021 et août 2022, le nombre de défaillances d'entreprises a baissé de 30 % par rapport à 2019, soit avant le début de la crise sanitaire.

Aurélie Picosson : Le nombre de dépôts de bilan est donc beaucoup moins important qu'il ne devrait l'être.

Stéphanie Villers : Tout à fait. On pourrait se réjouir de la baisse du nombre de dépôts de bilan, mais elle masque l'émergence d'entreprises dites "zombies". Ce sont des entreprises qui ont un réel manque de profitabilité et qui, par effet ricochet, font face à des difficultés de recrutement.

Aurélie Picosson : Est-ce que l'inadéquation des compétences est un autre type de friction ?

Stéphanie Villers : Oui, il y a, effectivement des frictions qui peuvent découler d'un décalage entre les compétences recherchées par les entreprises et les compétences détenues par les candidats. Certaines entreprises sont par exemple à la recherche d'expertises très pointues. Elles sont à l'affût de profils rares. C'est le cas, par exemple, des entreprises dans les secteurs de pointe. Mais pour autant, on voit bien que le manque de formation ou de compétences ne donne qu'une explication très partielle de la pénurie de l'emploi. Parce que moins de 50 % des salariés disposent d'un diplôme correspondant précisément à la spécificité du métier exercé.

Aurélie Picosson : Et il y a aussi un manque d'attractivité de certains secteurs.

Stéphanie Villers : Oui, les difficultés de recrutement apparaissent surtout dans les secteurs où les postes proposés semblent les moins valorisés et les moins attractifs. C'est le cas, par exemple dans la santé, on manque d'infirmiers, mais aussi dans les transports, la mécanique, on manque de carrossiers, de mécaniciens, le service à la personne, notamment avec le secteur de la dépendance où il y a de très fortes tensions. Et puis, bien sûr, les emplois manuels qualifiés. On recherche des couvreurs, des plombiers, des chauffagistes et des menuisiers.

Aurélie Picosson : D'accord. Mais tous ces métiers ont aussi un manque de mixité, en quelque sorte. Est-ce également un frein ?

Stéphanie Villers : Oui. Le manque de mixité dans certains métiers peut être un frein au recrutement. Par exemple, les assistants maternels sont à 99 % des femmes. À l'inverse, dans les métiers du bâtiment, les hommes représentent 99 % des postes. Dans les deux cas, si on recherchait la mixité, ça permettrait bien sûr d'élargir le spectre des candidats. Et ça pourrait être un élément de réponse qu'il faudrait bien sûr associer quand même avec une revalorisation salariale et des meilleures conditions de travail. On a par exemple aussi dans le secteur de l'hôtellerie et la restauration, des freins liés aux horaires de travail malgré une offre de main d'œuvre qui est relativement abondante. En France, on a aussi un autre problème, c'est la faible mobilité géographique. La mobilité résidentielle est moins élevée que dans les pays d'Europe et en particulier les pays du Nord. Ceci peut expliquer un chômage structurel plus important. On a enfin le problème du prix du logement et des trajets quotidiens. Ce sont des paramètres qui viennent complexifier l'embauche. Les temps de transport demeurent un handicap pour les personnes qui recherchent à concilier vie privée et vie professionnelle. Le développement du télétravail apporte bien sûr un élément de réponse, mais tout ne peut pas se résoudre par le travail à distance.

Aurélie Picosson : Si on réussit à lutter contre ces frictions sur le marché du travail, la France peut-elle aller vers le plein emploi ?

Stéphanie Villers : Il faut regarder la conjoncture en premier lieu et actuellement, les entreprises naviguent entre deux eaux. Elles continuent de surfer sur l'acquis de croissance de 2021. Mais elles font face quand même à de fortes pressions sur les coûts de production, notamment à cause de la flambée de la facture énergétique. Cette facture pèse sur leur activité. On voit aussi que les perspectives économiques sont en train de s'assombrir. En France, on a eu une croissance du PIB de 0,2 % au troisième trimestre. Sur les trois prochains mois, véritablement, la croissance va marquer le pas. Elle sera nulle. Dans ce contexte, on voit bien que les créations d'emplois devraient ou vont ralentir et ça devrait aboutir à stabiliser le taux de chômage en fin d'année, mais il n'y aura pas de baisse du taux de chômage. Et ensuite, si on regarde la théorie économique, celle-ci nous enseigne que lorsqu'une banque centrale veut lutter contre l'inflation, ça induit presque mécaniquement une augmentation du taux de chômage. C'est la courbe de Phillips qui a mis en évidence cette corrélation négative entre le taux de chômage et le taux d'inflation.

Aurélie Picosson : Le lien entre la baisse du chômage et l'augmentation de l'inflation ne me semble pas évident. Peux-tu faire un petit rappel ou nous l'expliquer ?

Stéphanie Villers : Oui. Par exemple, lorsqu'on veut lutter contre l'inflation, ce qui est le cas actuellement, la banque centrale augmente ses taux d'intérêt. Mais lorsque les taux d'intérêt augmentent, les entreprises vont être moins amenées à vouloir s'endetter pour financer de nouveaux projets. Elles vont moins vouloir moderniser leur appareil productif et donc vont vouloir moins embaucher. C'est donc par cette politique monétaire de hausse des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation qu'on se retrouve in fine avec une augmentation du taux de chômage. Et c'est ce qu'on est en train de vivre actuellement. En tout cas, c'est ce que la BCE nous dit parce qu'elle nous a bien expliqué qu'elle voulait absolument juguler l'inflation européenne qui est trop forte actuellement pour elle puisqu'elle est bien au-dessus des 2 %. Elle atteint 9,9 % au mois de septembre.

Aurélie Picosson : On a bien compris que la France va avoir du mal à moyen terme à atteindre le plein emploi mais à court terme, les salariés voient leur facture énergétique augmenter. Ils réclament donc des augmentations salariales. Comment répondre à leurs attentes ?

Stéphanie Villers : Les entreprises font face à un dilemme parce qu'on a vu que la conjoncture n'était pas très bonne et que les perspectives devenaient un peu plus sombres que par le passé. Or, le problème est que le salaire de base n'est pas flexible à la baisse donc les augmentations de salaires sont pérennes. Cela peut bloquer les entreprises qui voient certains nuages arriver et qui craignent pour la rentabilité de leurs entreprises à venir.


Aurélie Picosson : On a vu récemment que les entreprises peuvent proposer des primes exceptionnelles ou des bonus.

Stéphanie Villers : Oui, tu as tout à fait raison. Il y a toutes ces options qui sont à disposition des entreprises. Il y a, comme tu le disais, les bonus, les primes, mais il y a aussi l'épargne salariale. Les entreprises peuvent développer la participation et l'intéressement. Il y a aussi l'actionnariat salarié à explorer. Les entreprises ont entre leurs mains beaucoup de dispositifs à explorer pour répondre aux réclamations des salariés qui font face à de vraies augmentations de dépenses et contraintes. On a vu les dépenses de chauffage, de transport, d'alimentation. Ce sont des postes qui sont en forte augmentation.

Aurélie Picosson : Merci beaucoup Stéphanie pour cet éclairage. Merci à tous pour votre écoute et rendez-vous dans un mois pour le prochain décryptage.

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Fabien Radisic

Fabien Radisic

Avocat, Associé, ESG Leader, PwC Société d'Avocats

Sylvain Lambert

Sylvain Lambert

Associé Développement durable, PwC France et Maghreb

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