Comment devenir une entreprise transformative et durable ? | Hors-série Décryptages

Raphaëlle Duchemin : Bienvenue dans Décryptages, cette série de podcasts s’est donnée pour mission de vous aider, vous, dirigeants, à mieux appréhender les changements qui secouent la vie de l’entreprise et qui vont probablement aboutir, dans les années qui viennent, à repenser toute la stratégie, les investissements et les manières de faire. Pour cela, les experts de PwC France et Maghreb sont avec nous pour nous donner les clés de lecture, les clés de compréhension.

Bonjour, Pauline Adam-Kalfon.

Pauline Adam-Kalfon : Bonjour, Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin : Merci d’être avec nous. Vous êtes Associée en charge de la coordination des activités de la transformation des entreprises. Je vais peut-être commencer par une phrase qui va sûrement vous parler : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Voilà ce que disait, il y a déjà très longtemps, Lavoisier. C’est vrai pour le OnGlass, c’est vrai pour la chrysalide et le papillon, pour l’être humain au cours de sa vie, bien sûr. Ça l’est aussi, Pauline, pour l’entreprise ?

Pauline Adam-Kalfon : Absolument, et si l’entreprise d’ailleurs ne se transforme pas, c’est d’autres qui le feront à sa place, et donc l’entreprise va laisser la place à d’autres acteurs pour prendre, petit à petit, des parts de marchés, et donc c’est extrêmement important pour les entreprises de se transformer et puis de se transformer de manière continue.

Raphaëlle Duchemin : Pour arriver à passer, justement, ces étapes, à passer les crises, la transformation, finalement, si je vous entends bien, c’est la condition : s’adapter, accepter de changer. Cette agilité, en principe, fait partie, il me semble, de l’ADN d’une entreprise.

Pauline Adam-Kalfon : Pas forcément, parce que les dirigeants, quand on regarde ce qui s'est passé sur les décennies précédentes, ont tous fait face à des crises, et puis des crises qui sont parfois beaucoup plus impactantes, beaucoup plus fortes que celles que l’on connaît actuellement.

La différence, c'est qu'actuellement, on a des crises dans tous les sens, en même temps, et ce sont des crises qui étaient latentes, mais des crises dont les impacts sont absolument phénoménaux sur les business models. Ce qui fait que les dirigeants actuellement sont face à des dilemmes : est-ce que je privilégie la planète, mais pas forcément le pouvoir d'achat ? Comment je fais en sorte d’arriver à tirer le maximum, le plus d'opportunités des nouvelles technologies ? Comment je fais face à ces réglementations qui sont de plus en plus complexes ? Tout ça en même temps, donc c'est assez difficile. Là, maintenant, c'est effectivement extrêmement important pour les entreprises d'avoir dans leur ADN ces touches de transformation. Nous pensons, chez PwC, que l'entreprise doit être transformative, c'est-à-dire à la fois elle doit avoir la capacité à se transformer en permanence, mais aussi à transformer son écosystème : les clients, les fournisseurs, les actionnaires, les investisseurs, les collaborateurs, et donc avoir un impact plus large.

Raphaëlle Duchemin : La bonne nouvelle, si j'ose dire, c'est que quand même, les patrons français ont conscience qu'il faut se transformer, parce que si on s'appuie sur la CEO Survey, 6 sur 10 admettent que l'évolution aujourd'hui est obligatoire s'ils veulent continuer à faire exister leur entreprise. C'est une chose de le savoir, mais après, la vraie question, c'est comment je m'attaque au problème.

Pauline Adam-Kalfon : Il y a plein de façons d'opérer, mais il faut penser large, repenser la proposition de valeur vis-à-vis de ses clients, s'assurer que, finalement, on a les capacités à livrer cette proposition de valeur. Les capacités, on peut les avoir en interne, on peut aller les chercher en externe.

C'est penser la façon dont on peut opérer, donc, ce sont les structures opérationnelles, les structures juridiques, la culture dont vous parliez, parce que si on n'a pas une approche où on engage les collaborateurs dans la transformation, ça ne marchera pas. Puis, bien entendu, une approche avec les technologies, c'est impossible de repenser son modèle d'affaires sans avoir une approche qui soit intégrée au niveau des technologies.

Raphaëlle Duchemin : On a le constat, Pauline, on sait qu'il faut se transformer. On ne sait pas encore exactement par où on va commencer. Est-ce qu'on commence justement par faire un diagnostic ? Est-ce qu'il y a, comme ça, des étapes clés à cranter ?

Pauline Adam-Kalfon : Oui, il faut évidemment commencer par un diagnostic. La meilleure façon de commencer, c'est effectivement de revoir la proposition de valeur vers le client et puis le modèle capacitaire qui permet de livrer cette proposition de valeur. Après, il ne faut pas penser qu'on est obligé de tout faire d'un coup. Même si on démarre par la transformation d'une fonction en particulier, que ce soit la fonction client, que ce soit les opérations, l'IT, les ressources humaines, la fonction finance, peu importe, ce qui est important dans une approche de transformation, c'est qu'on dessilote, qu'on soit holistique, parce que les équipes sont fatiguées de tous ces plans de transformation successifs. On leur promettait qu'on allait tout révolutionner, et puis pas forcément.

Raphaëlle Duchemin : Donc, il faut que tout le monde ait la même grille de lecture ?

Pauline Adam-Kalfon : Absolument ! Le fait de travailler sur la culture d'entreprise qui va accompagner cette transformation nous semble un élément absolument clé, et finalement pas suffisamment appréhendé par les dirigeants, quand ils font des grandes transformations.

Raphaëlle Duchemin : Vous avez parlé, Pauline, des nouvelles technologies. C'est un atout majeur aujourd'hui pour aider à cette transformation, parce que, justement, la technologie va nous donner des outils parce qu'elle va faciliter les échanges de communication, elle permet aussi, si on regarde côté productivité, d'automatiser certaines tâches, il faut l'intégrer dans la boite à outils ?

Pauline Adam-Kalfon : Oui, aujourd'hui, on ne peut pas faire de transformation sans faire appel aux nouvelles technologies, que ce soit ce qu'on appelle des providers de technologie, que ce soit aussi autour de technologies émergentes. Je pense évidemment à tout ce qui tourne autour de la Generative AI, or, ce sont des sujets qui sont complexes, qui coûtent cher à implémenter, parce que souvent, on parle uniquement des bénéfices. Il faut avoir en tête que ça coûte cher dans le déploiement et c'est pour ça qu'il faut avoir une approche extrêmement structurée, savoir exactement ce qu'on en attend, et donc pas implémenter la technologie pour la technologie, mais la technologie au service d'une transformation qu'on veut mettre en place et il faut effectivement piloter et s'assurer qu'on obtienne bien ses bénéfices.

Ce qui est très important c'est d'embarquer tout le monde, parce que ce n'est pas juste la DSI qui est impliquée, encore une fois, ce sont des technologies qui sont au service des métiers, et donc la difficulté c'est de bien arriver à faire le point entre des experts techniques, qui sont souvent dans des directions IT, les métiers, mais ce sont aussi des métiers du type contrôle interne pour s'assurer qu'on maîtrise bien tous les risques qui sont liés à cette technologie, bref, il faut dessiloter.

Raphaëlle Duchemin : Alors, comment faire pour devenir une entreprise transformative ? C'est ce que nous allons essayer de comprendre ensemble. Pauline Adam-Kalfon, on a expliqué ce qu'était une entreprise transformative, mais est-ce qu'il y a un ou plusieurs modèles ?

Pauline Adam-Kalfon : Il y a plusieurs modèles, déjà parce que les entreprises peuvent être de tailles différentes, et puis surtout, opèrent dans des marchés qui sont différents. Vous l'avez compris, être une entreprise transformative, c'est en particulier autour de son business model qui est évidemment intimement lié à l'industrie dans laquelle on opère.

Pour être une entreprise transformative, il faut qu'il y ait une prise de conscience qu'on va avoir besoin de se transformer de façon continue. Donc ce qui est important c'est d'avoir un CAP à moyen, long terme, puis il y a des événements qui font que le chemin qu'on va prendre pour arriver vers ce cap va devoir évoluer, donc il faut absolument être agile.

C'est ça, cette transformation continue, qu'il va falloir mettre en place. C'est fatigant, je pense, pour des collaborateurs et aussi pour des dirigeants, quand on a des plans de transformation successifs, qui vont tout réinventer, ça, ça fatigue. En revanche, si on est justement dans cet ADN qui permet d'évoluer en permanence, finalement ce sont des bouts, c'est de l'incrémental, donc. Ce qui est important, c'est l'effort à mettre en place pour embarquer tout le monde et ensuite, c'est de l'incrémental, donc ce n'est pas si difficile que ça en a l'air. Si je prenais l'exemple du digital, il y a quelques années, toutes les entreprises avaient des directions digitales, il y avait un Chief Digital Officer. Si vous regardez bien maintenant, il n'y en a presque plus. Pourquoi ? Parce que ça a infusé dans l'ensemble de l'organisation, dans l'ensemble des fonctions, et le digital fait partie maintenant du business.

La transformation, c'est un peu la même chose, et là on voit des nouveaux modèles qui sont en train d'émerger, avec des Chief Transformation Officers qui sont vraiment au niveau stratégie et qui ont un petit peu ce rôle du Chief Digital Officer qui infuse. On peut supposer que peut-être dans ces modèles d'entreprises transformatives, dans quelques années, ce sera finalement à la maille de chaque fonction, et peut-être qu'il n'y aura plus besoin d'avoir un chef d'orchestre, parce que ce sera peut-être le DG, tout simplement.

Raphaëlle Duchemin : Justement, il faut un discours pour tout ça, et vous dites qu'il faut inspirer confiance. Ça, ce n'est pas quelque chose qui se décrète. Comment on fait pour installer cette confiance ? Parce que c'est la condition sine qua none pour embarquer les équipes.

Pauline Adam-Kalfon : C'est fondamental, et pour embarquer ses collaborateurs, pour embarquer aussi les actionnaires, potentiellement aussi des superviseurs, on voit des entreprises dont le business model évolue en allant vers des adjacents sur des industries un peu connexes, qui sont elles-mêmes potentiellement régulées, donc il va falloir inspirer confiance d'un nouveau régulateur, comprendre comment tout ça fonctionne. Donc la confiance est absolument clé entre toutes ces parties prenantes, pas uniquement les opérationnels qui dirigent l'entreprise, mais les collaborateurs, les clients aussi, donc cette confiance est clé.

Alors, comment on inspire confiance ? Nous, nous pensons peut-être à trois points importants. Le premier c'est en communiquant de façon très claire cette vision et en l'expliquant avec pédagogie. La deuxième chose c'est en mesurant les attentes, les bénéfices qui sont induits. Donc, il y a la vision où on explique tous les bénéfices qu'on recherche. Après, il y a la réalité, et communiquer auprès de toutes ces parties prenantes sur les succès que la transformation a impliqués.

Troisième point, qui est très important, parce qu'on est dans un contexte où les risques se multiplient, c'est d'avoir un process de contrôle interne qui soit très robuste, qui soit finalement une tour de contrôle, qui permette de mesurer toute la gestion des risques, mais aussi des opportunités, s'assurer qu'on va bien chercher les bonnes opportunités.

Raphaëlle Duchemin : Vous l'avez dit tout à l'heure, ces transformations sont multiples. On a parlé de l'environnement, c'est une transformation plus que nécessaire, ce n'est pas la seule. Comment on fait ? on commence par celle-là ? On en met une en priorité ? Je suis chef d'entreprise, je veux faire cette transformation, mais je ne sais pas par quel bout attraper les choses. Qu'est-ce que je fais ?

Pauline Adam-Kalfon : Si je devais catégoriser nos clients, nous ce que nous voyons c'est qu'ils ont trois grands contextes de transformation. On a ce pour qui vraiment le driver principal c'est justement tout ce qui tourne autour de l'ESG, ils veulent devenir une entreprise durable et c'est ce qui génère toutes les transformations.

Donc le premier contexte, c'est comment je deviens une entreprise durable. Ça passe, en particulier en ce moment, avec la réglementation, par être complètement d'équerre sur la fameuse CSRD.

Raphaëlle Duchemin : La CSRD qui est notamment en vigueur le 1er janvier 2024.

Pauline Adam-Kalfon : Ça passe aussi par l'approche qui peut être autour, notamment de la décarbonation, mais pas que. On a un deuxième contexte qui pousse aussi à la transformation, c'est tout ce qui tourne autour des mouvements dans le portefeuille, des cessions, des acquisitions, des prises de participation. Cependant, ce contexte de transformation est à la fois une cause de transformation, mais aussi un moyen. Je dirais que le dernier grand contexte de transformation qu'on voit chez nos clients, c'est la transformation pour aller chercher plus de compétitivité : comment j'arrive à produire moins cher sur toute la chaîne de valeur.

Raphaëlle Duchemin : Vous avez plusieurs fois parlé de crise et d'opportunités, c'est ce qu'il faut dire au patron qui nous écoute aujourd'hui : ces freins-là, on peut les lever et ça permet à l'entreprise de se transformer ou de se réinventer ?

Pauline Adam-Kalfon : Absolument, on n’a absolument pas, nous, une vision anxiogène de la transformation. Nous, nous sommes absolument convaincus que la transformation des business model doit être drivée par la recherche d'opportunités, et les opportunités sont multiples. Quand on a un contexte réglementaire qui est complexe, on a plein d'opportunités aussi pour pouvoir finalement proposer une offre qui corresponde aux attentes des régulateurs. Quand on a une telle vague autour des nouvelles technologies, évidemment, si on la prend de la bonne manière, c'est porteur d'opportunités. Quand on a cette guerre des talents, quand on sait les attirer, quand on sait leur proposer un contexte de travail adapté à leurs attentes, c'est porteur d'opportunité.

Raphaëlle Duchemin : C'est l'histoire du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein et du regard qu'on pose sur les choses, finalement.

Pauline Adam-Kalfon : Absolument.

Raphaëlle Duchemin : Merci beaucoup, Pauline Adam-Kalfon, d'avoir été avec nous dans ce nouveau numéro de Décryptages. Vous retrouvez bien sûr l'ensemble des épisodes et tous nos podcasts sur pwc.fr

Dans un monde en perpétuelle mutation, où les entreprises doivent réinventer leurs stratégies pour assurer leur pérennité, "Décryptages" vous offre les clés pour comprendre ces bouleversements.

Ce hors-série s'est donné pour mission de vous aider, vous, dirigeants, à mieux appréhender les changements qui secouent la vie de l'entreprise, et qui vont aboutir, dans les années qui viennent, à repenser de A à Z vos stratégies, vos investissements et aussi les manières de faire. Partez à la rencontre de celles et ceux qui ont les clés pour déchiffrer les transformations.  

Dans cet épisode, Raphaëlle Duchemin, accueille Pauline Adam-Kalfon, Associée en charge de la coordination des activités de la transformation des entreprises chez PwC France et Maghreb. 

C’est ensemble qu’elles explorent les défis auxquels font face les dirigeants d'entreprise dans un contexte de vents contraires et d'injonctions paradoxales. Pour accroître leur résilience et leur capacité à préserver et créer de la valeur pour leurs parties prenantes, les entreprises doivent réinventer leur modèle d’affaires. Comment ? En se transformant de manière globale et continue.   

Au cœur de cette discussion se trouve la notion d'entreprise transformative.  

Qu'est-ce qu'une entreprise transformative ? Comment peut-elle anticiper les disruptions, se transformer dans sa globalité et adopter une approche culturelle qui favorise l'innovation et l'adaptation continue ? 

Découvrez les clés de lecture essentielles et les actions tangibles pour orienter votre entreprise vers une transformation durable.  

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Entreprise transformative et durable

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Associée en charge de la coordination des activités de la transformation des entreprises, PwC France et Maghreb

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