00:00:01
Raphaëlle Duchemin : Chaque jour qui passe, la Gen AI fait des progrès phénoménaux. Il y a ceux que cela inquiète, d'autres, au contraire, qui y voient une formidable opportunité de changer les manières de travailler. Pas en remplaçant l'humain, mais en travaillant avec l'intelligence artificielle, en l'intégrant dans le processus dès le départ. Mais cela est-il vraiment possible dans tous les secteurs ? Je suis Raphaëlle Duchemin, et je vous emmène à la rencontre de celles et ceux qui ont fait le pari que c'était un atout chez PwC France et Maghreb.
00:00:35
Raphaëlle Duchemin : Bonjour, Guillaume Glon.
00:00:36
Guillaume Glon : Bonjour.
00:00:37
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous êtes le PDG de PwC Société d’Avocats. Je parlais d'humain et de technologie en introduction. C'est votre vision de l'IA, un allié, l'IA générative ?
00:00:51
Guillaume Glon : Totalement. Effectivement, notre motto chez PwC, c'est que nous sommes une firme, pour employer des mots bien français, « human-led and tech-powered ». C'est-à-dire que nous reconnaissons évidemment que l'humain, que les collaborateurs et les associés qui constituent notre firme sont le principal actif, évidemment notre principale richesse, mais en même temps, que la technologie est là pour alimenter cette richesse. Pour nous, l'intelligence artificielle, c'est venu comme un continuum dans notre chemin de transformation, puisque nous sommes depuis de nombreuses années sur ce chemin d'optimisation de nos processus, dans la réflexion sur ce qui peut nous aider à améliorer les services rendus à nos clients. Effectivement, l'intelligence artificielle, quand elle est arrivée, nous l’avons vue comme un élément supplémentaire de ce continuum de transformation.
00:01:41
Raphaëlle Duchemin : En tant qu’avocat, la dimension humaine, et vous l'avez dit, elle est importante, comment avez-vous fait grandir cette dimension humaine avec la technologie ? Comment est-ce que vous additionnez des deux ?
00:01:55
Guillaume Glon : Ça, c'est intéressant, parce que quand l'intelligence artificielle générative est arrivée, il y a eu beaucoup de craintes sur le fait que cette intelligence artificielle allait potentiellement remplacer l'humain ou des humains. Moi, je suis convaincu que l'intelligence artificielle va compléter ce que nous faisons, va peut-être remplacer certaines parties de nos processus, mais en tout cas, ne pas nous remplacer. Ça, c'est certain. Parce que, même si elle est capable de faire beaucoup de choses, il y a plein de choses que l'intelligence artificielle ne fait pas. Par exemple, ce que viennent chercher nos clients chez nous, c'est évidemment du conseil, c'est du jugement, c'est de l'appréciation. Tout ça aujourd'hui, et je pense pour encore longtemps, l'intelligence artificielle n'est pas capable de le faire.
Aujourd'hui, je dirais que nous utilisons l'intelligence artificielle autour de trois axes principaux. Le premier d'entre eux, c'est un usage autour du texte, du résumé de documents, de préparation de projets de contrats, préparation de projets d'emails, traduction de documents, amélioration de la qualité rédactionnelle de documents. C'est quelque part une dimension bureautique de l'intelligence artificielle.
Ensuite, deuxième usage : l'utilisation et la visualisation de données, données au sens large. J'entends par là qu'aujourd'hui, avec l'intelligence artificielle, nous sommes capables d'analyser et de faire des cartographies de documents extrêmement nombreux, ce que nous ne pouvions pas faire il y a quatre ou cinq ans. Aujourd'hui, nous sommes capables d'analyser 200, 300, 400, 800 contrats en un temps record, ce qui était impossible avant. C'est le deuxième usage qui s'est vraiment développé et qui est extrêmement important dans la profession d'avocat.
Le troisième usage qui commence à se développer, c'est celui d'assistant personnel, avec ce qui s’appelle les agents, qui est une nouvelle dimension de l'intelligence artificielle et qui permet aujourd'hui d'automatiser un certain nombre de tâches, et de faire en sorte que des tâches que vous auriez faites peut-être systématiquement ou qui auraient été un peu répétitives, l'intelligence artificielle les fait elle-même à votre place, sans que vous vous en occupiez.
00:04:13
Raphaëlle Duchemin : Dans les cas que vous avez cités, les cas d'usage qui sont les plus répandus, est-ce que vous avez rencontré des difficultés ? Est-ce qu'il y a, par exemple, en matière de jurisprudence, des biais, des hallucinations, des problématiques qui vous sont remontées ?
00:04:32
Guillaume Glon : Ça, c'est un des éléments extrêmement importants et peut-être rassurants aussi pour la profession d'avocat et de conseil en général. C'est qu'aujourd'hui, sur tous les cas d'usage que j'ai cités, finalement, ce sont des cas d'usage assez simples qui ne font pas appel à de la réflexion. Effectivement, les dangers de l'intelligence artificielle, nous les connaissons, en particulier dans notre profession. Vous en avez cité un, c'est celui des hallucinations. Il y a plein d'exemples qui ont été très médiatisés, notamment aux États-Unis, où des avocats ont été condamnés pour avoir cité, devant des tribunaux, des jurisprudences qui n'existaient pas, parce qu'ils avaient fait appel à l'intelligence artificielle. C'est un risque extrêmement important.
L'intelligence artificielle a aussi des biais, en fonction de la manière dont elle a été configurée, puis un risque fondamental pour nous, qui est celui du secret professionnel. Nos clients viennent nous voir, parce qu'ils savent que nous, avocats, sommes liés par un secret professionnel absolu et que les informations qu'ils nous confient ne seront pas divulguées. Or, aujourd'hui, il est extrêmement incertain de savoir où vont les informations que nous confions à l'intelligence artificielle. C'est la raison pour laquelle nous interdisons à nos collaborateurs de mettre dans les outils d'intelligence artificielle quelque donnée que ce soit qui concerne nos clients.
00:05:59
Raphaëlle Duchemin : Vous m'avez dit aussi que ce qui était intéressant, et ce qu'il va peut-être falloir travailler, c'est comment l'intelligence artificielle peut aider à la montée en compétences. Parce qu'aujourd'hui, vous constatez que ceux qui utilisent l'intelligence artificielle, c'est déjà ceux qui ont la plus grande expérience. Ça paraît paradoxal.
00:06:20
Guillaume Glon : Ça paraît paradoxal, mais c'est la réalité, parce que c'est assez facile, lorsque vous lui posez une question, d'avoir un rendu. Mais la raison pour laquelle c'est plus efficace quand c'est quelqu'un qui est déjà expérimenté, qui a déjà une connaissance du sujet, c'est que vous êtes en mesure de juger de la qualité de ce que rend l'intelligence artificielle. À l'inverse, quelqu'un qui est moins expérimenté ou plus jeune aura des difficultés à juger de la pertinence de ce qui est rendu. Plus une personne est expérimentée, plus elle devient experte, plus elle pourra faire un usage intelligent de l'intelligence artificielle.
00:07:01
Raphaëlle Duchemin : Quand les personnes sont justement un peu plus jeunes, un peu moins en capacité d'avoir cette distance face à ce que nous a délivré l'intelligence artificielle, il faut pouvoir automatiquement se référer à son N+1 ?
00:07:16
Guillaume Glon : Exactement. C'est là que le rôle de l'organisation est important, puisque nous sommes structurés avec des N+1, des N+2, dont le rôle a toujours été de revoir ce que les plus jeunes collaborateurs produisaient. Effectivement, l'intelligence artificielle rend ce rôle d'autant plus important.
00:07:40
Raphaëlle Duchemin : Ça, c'est en interne. Si maintenant, je me place du côté de vos clients, comment voient-ils l'arrivée de l'intelligence artificielle générative dans vos services ? Est-ce qu'ils en ont conscience ? Est-ce qu'ils posent des questions ? Qu'est-ce qu'ils vous en disent ?
00:07:54
Guillaume Glon : L'IA a vraiment créé une dynamique particulièrement intéressante entre nous et nos clients, parce que contrairement à la dynamique traditionnelle de la relation entre l'avocat et son client, où le client vient nous voir pour notre expertise, pour notre expérience, avec l'IA, quelque part nous partions tous du même point, du même niveau. Donc, nous sommes dans une relation beaucoup plus d'égal à égal, et ce que notre client vient chercher, là, c'est de l'expérience. Ils nous disent : « Ça arrive, qu'est-ce que vous faites chez vous ? Comment vous vous organisez ? Quels sont les risques ? Quelles sont les opportunités ? Quelles sont cas d’usages que vous avez identifié ? » Et ça crée une dynamique passionnante de partage avec nos clients. Nous, c'est notre métier d'être à la pointe de la technologie, donc nous échangeons avec eux, nous partageons avec eux, et nous les formons aussi. Traditionnellement, dans la relation client avocat, ils nous sollicitent, nous travaillons en chambre, nous restituons, alors que là, nous co-créeons ensemble quelque chose, nous nous nourrissons l'un l'autre.
00:08:58
Raphaëlle Duchemin : Je vous propose que nous regadions ce que Copilot a pensé de notre entretien, et s’il a des questions à vous poser.
00:09:07
Guillaume Glon : Très bien.
00:09:08
Raphaëlle Duchemin : Guillaume, Copilot voudrait savoir si l'IA générative est toujours, de votre point de vue, un danger quant à la disparition de certains métiers.
00:09:18
Marvin Bourgelas : Alors là, je suis plutôt rassuré, je suis complètement rassuré même, et j'aimerais rassurer mes collaborateurs sur ce point. Après, je dirais un an, 18 mois, deux ans d'utilisation de l'IA, je pense que l'IA va faciliter notre vie, va nous permettre de faire des choses qu'on ne faisait pas avant, accélérer notre manière de travailler peut-être, améliorer notre efficacité, mais ne va pas remplacer l'humain. Le courage qu’un avocat doit avoir, le jugement dont nous devons faire preuve, la relation de confiance que nous devons instaurer avec notre client, tout ça, ça va rester et ça va rendre l'humain et les collaborateurs d'autant plus indispensables quand l’IA est utilisée.
Ensuite, un des points fondamentaux aussi, c'est qu'un avocat, lorsqu'il rend un avis ou qu'il donne un conseil, est capable d'expliquer d'où il vient et comment il en est arrivé là. C'est ce qu'on appelle la piste d'audit, que nous n’avons pas dans l'intelligence artificielle. Tant que nous n'aurons pas ça, tant que l'intelligence artificielle ne sera pas capable de vous garantir et de vous expliquer comment elle est arrivée au point où elle en est arrivée, je pense que nous pouvons être optimiste sur la pertinence du métier d'avocat et des gens qui constituent cette profession.
00:10:50
Raphaëlle Duchemin : Nous l’avons compris, la GenAI est un outil de transformation puissant pour les métiers, y compris ceux qui sont réglementés, mais, pour l'utiliser dans certains champs de compétences, le chemin doit être bordé, balisé, pour ne pas sortir des clous.
00:11:07
Raphaëlle Duchemin : Bonjour, Marvin Bourgelas.
00:11:08
Marvin Bourgelas : Bonjour.
00:11:09
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous êtes en charge de la transformation et de la technologie au sein du cabinet d'avocats PwC France et Maghreb. Vous avez aidé, c'est dans votre contrat, à définir la stratégie qui permet l'adoption de ces technologies innovantes. Quand nous avons préparé ce rendez-vous, vous m'avez dit que la difficulté, c'est qu'un senior qui est là depuis 20 ans doit avoir la capacité d'utiliser l'IA générative de la même manière que le junior qui va entrer, il faut pouvoir lui donner la même boîte à outils.
00:11:45
Marvin Bourgelas : Tout à fait. Peu importe son ancienneté, peu importe ses responsabilités au sein de PwC, aujourd'hui, être capable de se saisir de l'IA et d'être un bon utilisateur de l'IA est absolument nécessaire. Nous avons structuré des règles d'utilisation de l'IA générative pour tout le monde et des formations obligatoires. Avant de se voir octroyer une licence, peu importe l'outil d’IA générative, il y a des formations obligatoires, et le fait de savoir les bases d'utilisation est un enjeu absolument critique pour l'ensemble de nos équipes.
00:12:20
Raphaëlle Duchemin : Il y a la formation obligatoire avant, puis il y a le cousu-main, le sur mesure. Dans les professions réglementées, c’est obligatoire de passer par là.
00:12:31
Marvin Bourgelas : Tout à fait. Nous avons créé de nombreux modules de formation continue. Il y a les formations obligatoires. Ça représente à peu près cinq heures pour tout collaborateur qui veut se voir octroyer une licence d'IA générative aujourd'hui. Mais il y a des formations hebdomadaires pour une approche par compétences et continue. Nous sommes vraiment dans une logique de montée en compétence progressive et continue qui ne s'arrête pas.
00:12:53
Raphaëlle Duchemin : C’est ce que vous avez appelé les lundis de l'IA ?
00:12:55
Marvin Bourgelas : Tout à fait. Les lundis de l'IA sont des modules de formation hebdomadaire qui sont prévus pour être ouverts à l'ensemble des équipes : France, Algérie, Maroc, Tunisie. Les sessions sont organisées par nos experts IA et sont coanimées avec les tops utilisateurs du cabinet. Il y a à la fois des démonstrations de cas d'usage, de la théorie sur la rédaction de prompt, de la veille d'actualités importantes autour de l'IA générative. Il y a de la vulgarisation de papiers de recherches, beaucoup de liens entre les avancées de la recherche sur l'IA générative et notre pratique, et ça se veut très participatif.
00:13:32
Raphaëlle Duchemin : Ça veut dire que je viens avec ma problématique de la semaine passée, et j'essaie de la régler en collectif ?
00:13:39
Marvin Bourgelas : Tout à fait. Les agendas des lundis de l'IA sont construits à partir d'une matrice de compétences que nous avons développée. Cela fait deux ans que nous travaillons dessus. Aujourd'hui, chaque collaborateur de PwC a accès à ce référentiel de compétences clés sur l'IA générative et est capable de s'autoévaluer sur tout un tas de différentes verticales. En fonction des résultats de maturité que nous obtenons de ces autoévaluations, à la fois individuelle et par groupes d'expertise, nous adaptons les agendas des lundis de l'IA pour pouvoir accentuer la maîtrise de certaines compétences clés ou pallier certaines difficultés. Ça, chaque semaine.
00:14:15
Raphaëlle Duchemin : Quelle est l’idée derrière cette matrice de compétences ? C'est d'arriver à gérer les sources, les contenus et de comprendre comment border les choses ?
00:14:27
Marvin Bourgelas : Tout à fait. La première partie, c'est : est-ce que je suis capable de choisir le bon outil d'IA générative en fonction de mon besoin ? Donc, est-ce que je suis capable d'identifier, par exemple, si je dois revoir 300 contrats, le bon outil mis à ma disposition chez PwC, qui embarque de l'IA pour faire cette tâche ? Est-ce que j'ai conscience des règles d'utilisation ? Est-ce que j'ai le droit de mettre la documentation client dans cet outil ? Est-ce que je dois référer à mon management la façon dont j'ai opéré ? Est-ce que je choisis le bon outil ? Est-ce que j'utilise correctement l'outil en question, qui est le deuxième point sur l'utilisation ? Est-ce que je suis capable de rédiger un prompt en tenant compte des techniques de prompt engineering qu'on a vues dans les lundis de l'IA pour m'aider à améliorer la qualité du travail de l'IA générative ? Est-ce que je suis capable d'intégrer correctement, à mes processus déjà en place, les IA génératives ? Est-ce que je suis capable de le documenter et de partager aux autres ce que j'ai appris ?
C'est très important, ça, chez PwC, autour de l'IA générative, de faire levier sur le collectif. Il y a des tests très poussés, l'idée, c'est que tout le monde puisse bénéficier de l'avis que l'on se forge en tant que groupe. Enfin, est-ce que j'ai une compréhension de l'écosystème plus large autour de mon utilisation ? C'est-à-dire est-ce que je comprends les synergies de mon utilisation de l'IA avec le reste de ce que fait PwC, et est-ce que je suis capable de comprendre les éventuels risques introduits par l'IA générative dans mon processus pour être capable de les maîtriser, de faire en sorte que nous rendions le meilleur service possible à nos clients ?
00:15:53
Raphaëlle Duchemin : Tout ça, c'est encore plus important parce que vous êtes sur des métiers où vous n’avez pas le droit de vous tromper, vous devez être fiable à 110 % ?
00:16:03
Marvin Bourgelas : Exactement. Tolérance au risque zéro sur l'utilisation de l'IA générative. Une des règles d'ailleurs de nos règles d'utilisation de l'IA générative chez PwC, c'est qu'aucun contenu, à la virgule près, ne sort de PwC sans avoir été entièrement relu par les professionnels du cabinet.
00:16:19
Raphaëlle Duchemin : Comment faites-vous pour être sûr justement que ce qui est mis dans les mains des avocats du cabinet, des outils dont le contenu va être fiable ? Ça veut dire que vous, vous êtes passé en amont et que vous avez tout vérifié, vous avez donné à manger à la machine, vous l'avez entraînée, vous l'avez testée pour voir s'il y a des failles ?
00:16:39
Marvin Bourgelas : Selon les IA génératives, il y a tout un tas de tests qui ont été faits. Nous avons développé, ces dernières années, une méthodologie d'analyse de la pertinence des cas d'usage. L'objectif, c'est de prioriser et de cadrer notre effort d'adoption. C'est-à-dire, si nous parlons des lundis de l'IA, quels cas d'usage vont être pousser aux équipes dans ces lundis de l'IA ?
Cette méthodologie concerne les experts IA et les top utilisateurs par expertise. L'idée est que pour chaque cas d'usage que quelqu’un souhaite pousser, nous allons le challenger, nous allons creuser par tout un set de questions qui sont les mêmes pour l'ensemble des cas d'usage, tout un tas de points clés pour nous. Pour faire simple, nous allons d'abord challenger le cas d'usage lui-même. Typiquement, nous allons nous demander, est-ce que le cas d'usage est assez récurrent ? Quel est d'habitude le niveau de séniorité qui s'occupe de ce cas d'usage-là ? Est-ce qu'il y a un junior et un manager ? Est-ce que c'est différent ? Est-ce que nous avons besoin d'une piste d'audit de l'ensemble des données qui sont sorties par l'IA générative ? Une piste d'audit, c'est est-ce que nous sommes capables de retracer l'origine de chaque donnée que nous donne l'IA générative. Par exemple, si je dois revoir un contrat, est-ce que je suis sûr de l'endroit où était une donnée financière, par exemple ? Est-ce que j'ai besoin d'une piste d'audit absolument, oui ou non ? Ça me donne un score de pertinence déjà sur la sélection du cas d'usage.
Ensuite, sur la performance de l'IA générative, parce que nous les comparons toutes, l'idée, ça va être de comparer le résultat qu'obtiennent les équipes sans IA générative et le résultat avec l'utilisation de l'IA générative, et de vérifier est-ce que nous avons mis le même nombre d'heures à réaliser la tâche, mais aussi est-ce que c'est la même qualité ? Est-ce que nous avons un gain de qualité ou une déperdition de qualité ? C'est hyper important. Nous regardons aussi les synergies avec ce que nous faisions auparavant, de tester ce cas d'usage avec l'IA générative par exemple, est-ce que nous avions déjà déployé une technologie autre qu'une IA générative pour faire ceci ? Est-ce que c'est complémentaire ? Est-ce que ce cas d'usage, avant d'être proposé à l'automatisation à travers l'IA générative, il servait peut-être à former des collaborateurs plus jeunes ? Si nous remplaçons ce moment-là de formation par l'utilisation de l'IA générative, comment est-ce que nous pallions ce manque ? Tout ça nous donne un score de pertinence.
Nous regardons aussi le retour sur investissement, évidemment. Est-ce que nous gagnons du temps ? Est-ce que nous gagnons en confort ? Est-ce que l'entraînement du modèle nous coûte beaucoup d'heures ou beaucoup d'énergie ? Ce sont des choses que nous regardons. Une fois passé à travers cette matrice globale qui nous permet d'objectiver et d'homogénéiser la façon dont nous regardons tout ça, nous obtenons une matrice avec l'ensemble des cas d'usage documenté sur lequel nous avons un avis PwC. Les meilleurs cas d'usage sont ceux sur lesquels nous focalisons sur l'adoption et nous avons une idée précise du risque maitrisé que nous avons sur ces bouts de processus, sur ces cas d'usage.
00:19:23
Raphaëlle Duchemin : Chez les avocats, s'il y a bien un mot important, c'est la défense. C'est pour se défendre que les équipes se sont intéressées à l'IA. Elles entendaient dire que l'intelligence artificielle allait faire tout simplement disparaître leur métier. Alors, elles ont préparé le terrain. Bonjour, Coline Alméras-Vaillant.
00:19:47
Coline Alméras-Vaillant : Bonjour.
00:19:47
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous êtes directrice des technologies et de l'innovation pour le cabinet d'avocats PwC. Je caricature à peine, parce que, si nous rembobinons un peu le film, en 2023, c'est ce qui se dit. Il a fallu aller voir pour, en quelque sorte, se rassurer ?
00:20:07
Coline Alméras-Vaillant : Oui. C'est vrai que le discours de juin 2023 était un peu brutal sur ces aspects-là. Pour remettre dans le contexte, au sein de PwC, nous avons signé des accords avec des startups de GenAI à l'époque, et c'est vrai que nous entendions que nous ne reverrions plus de contrat, que nous ne générerions plus de documents, que ne ferions plus rien. Nous avons commencé à intégrer ces technologies-là avec un œil à la fois curieux, intrigué, puis pour aussi essayer de remettre de la confiance dans les équipes en leur disant : « Vous allez pouvoir intégrer ces outils et ils ne vont pas vous remplacer. »
00:20:44
Raphaëlle Duchemin : Quand vous commencez à mener ces investigations, qu'est-ce que vous découvrez ? Comment vous vous dites : nous allons pouvoir, au contraire, utiliser cet outil « intelligence artificielle » ?
00:20:56
Coline Alméras-Vaillant : D'abord, il y a plusieurs sortes d'intelligence artificielle, donc nous ne partions pas de zéro. Ce n'était pas non plus le Big Bang en 2023, mais nous avons d'abord commencé à nous poser des questions sur comment protéger les données de nos clients, de la même façon que nous le faisions avant, avec des technologies qui sont quand même très différentes. La GenAI, ce sont des données qui partent dans des moteurs que nous ne maîtrisons pas, et, en juin 2023, vraiment pas du tout. Donc, nous avons commencé à mettre en place des sets d'évaluation, en se disant : « Nous allons les mettre dans les mains des avocats, et nous allons leur demander de tester, de voir si ça accélère les tâches, ou si ça leur permet de faire des choses nouvelles, etc. »
Nous avons testé en se disant : « Est-ce que ça m'a fait gagner du temps ? Est-ce que ça m'a fait gagner en qualité ? » Parfois, ça fait gagner en qualité. Est-ce que ça m'a fait gagner de nouvelles idées, par exemple, sur les notions de brouillon ou de draft que nous pouvons faire ? Parfois, l'intelligence artificielle, elle pense à des choses auxquelles nous n’aurions pas pensé. Elle fait des liens entre des choses auxquelles nous n’aurions pas pensé. Mais nous avons aussi évalué, par exemple, ce que ça pouvait apporter aux collaborateurs d'un point de vue formation. Qu'est-ce que ça lui apportait dans sa vie d'avant ? Qu’est-ce que nous étions en train de perdre ? Comment allons nous pouvoir remplacer cette partie-là, etc. ? Dans ce cadre très formel d'analyse, nous avons essayé de construire un cadre dans lequel nous allions pouvoir avoir une certaine sérénité quant à l'usage des technologies.
00:22:19
Raphaëlle Duchemin : Vous parlez de cadre. Effectivement, vous êtes dans une matière qui est très encadrée. Donc, ça veut dire que, très vite, vous avez vu les utilités, mais aussi les limites ?
00:22:27
Coline Alméras-Vaillant : Oui. Nous avons intégré l’IA comme une technologie lambda. En revanche, ce qui était nouveau, c'est que, par exemple, sur la gestion des données, il fallait encadrer. Sur la confidentialité, il fallait encadrer. Il y a la partie amont dont je parle beaucoup sur la confidentialité, mais il y a aussi la partie aval. C'est que, quand ça me génère quelque chose, comment je fais pour m'assurer que ça n'a pas halluciné, que les sources sont correctes, etc. ? Donc, ce n'était pas très cadré en 2023, mais, au fur et à mesure, nous avons construit notre cadre pour être confiant.
00:22:59
Raphaëlle Duchemin : Justement, à quel moment vous vous dites : « Sur telle matière, je peux aller construire un process, je peux demander à l'IA de m'aider », et à quel moment vous vous dites : « Là, je n'y vais pas ou je ne peux pas le faire » ?
00:23:12
Coline Alméras-Vaillant : C'est moins sur la matière que sur le contexte dans lequel nous allons le faire. Par exemple, aujourd'hui, c'est plutôt en termes de garantie que nous obtenons de la technologie. Aujourd'hui, avec certains types d'outils, nous sommes capables de mettre nos données clients dedans. Avec d'autres, pas encore. C'est plutôt dans ce sens-là que la distinction se fait. Si je reviens sur la question de la matière, et je peux nuancer un peu cette partie-là, c'est que, par exemple, sur le chiffre, aujourd'hui, nous avons du mal. Nous n’arrivons pas à obtenir des résultats qui sont suffisamment tangibles pour se dire : « Allez, on se lance. »
En revanche, sur d'autres choses, par exemple, si vous parlez de la traduction à nos équipes, ça a complètement révolutionné ce qu'on faisait. Ça dépend des usages. Aujourd’hui, la traduction, la synthèse, deux choses que nous faisions à la main, ça marche super bien, et ça accélère des choses qui sont inhumaines pour le moment, c'est-à-dire des revues de milliers de documents. Si je ne suis pas capable de le faire à la main, c’est encore compliqué d’intégrer l'IA complètement.
00:24:12
Raphaëlle Duchemin : Vos clients, aujourd'hui, est-ce qu'ils sont en confiance avec cet usage ? Est-ce qu'il y a une curiosité, une frilosité, peut-être un peu des deux, parfois ?
00:24:23
Coline Alméras-Vaillant : C'est intéressant ce qui s'est passé, parce que, quand nous avons démarré, il y a eu une espèce d'emballement. Puis, avec la maturité venant, il y a eu une espèce de prise de recul. Pas forcément de retour en arrière, mais plutôt de prise de recul en se disant : « C'est super, mais il faut quand même crée des règles ». Aujourd'hui, nous avons différents types de clients : nous avons des clients qui sont très intrigués et qui viennent nous voir plutôt pour de l'acculturation, pour leur permettre de comprendre ce qui se passe. Nous avons d'autres clients qui sont plutôt plus matures et qui ont déjà en interne des outils d'IA et qui sont plutôt sur la partie d'après, c'est-à-dire comment j'entraîne mes modèles, comment je garantis que mes modèles ne font pas n'importe quoi, comment je garantis que mon IP reste chez moi, etc., qui sont sur des questions plus opérationnelles, tandis que d'autres clients sont plus dans une phase d'approche.
00:25:14
Raphaëlle Duchemin : Vous avez, je crois, aussi testé des choses en interne sur de faux documents ?
00:25:21
Coline Alméras-Vaillant : Oui, exactement.
00:25:21
Raphaëlle Duchemin : C’est quelque chose qui permet aussi d'avancer ?
00:25:24
Coline Alméras-Vaillant : Pour nous, c'est vraiment la clé d'avoir une maîtrise de l'outil que nous allons ensuite fournir à nos équipes et à nos clients. C'est de se dire sur des documents qui n'ont pas d'enjeu, mais que nous maîtrisons, nous allons pouvoir faire passer le test aux machines, donc pouvoir réorienter les usages éventuels, comprendre les use cases, comprendre les limites aussi de chaque outil. Typiquement, sur la revue de documents, nous avons une petite base de documents, en l'occurrence des baux, dans lesquels nous avons mis des clauses qui sont plus ou moins complexes, donc un peu des pièges.
Pour chaque éditeur, nous faisons passer cette base dans la machine, et nous savons ce qui doit en ressortir. Nous savons par exemple, que, dans certains types de clauses, il mélange. Pour certains éditeurs, l’outil va mélanger un bout de clause qui a été rédigé d'une façon un peu piégeuse, donc il ne va pas forcément ressortir le bon élément. En revanche, peut-être qu'il va être très bon sur un autre aspect de la relecture du bail, donc nous allons nous retrouver avec des forces et des faiblesses que nous sommes capables d'identifier.
00:26:27
Raphaëlle Duchemin : Vous dites : « Ça a secoué les métiers du droit » ?
00:26:31
Coline Alméras-Vaillant : Oui.
00:26:31
Raphaëlle Duchemin : C'est-à-dire.
00:26:32
Coline Alméras-Vaillant : Ça a accéléré une transformation qui était déjà en cours. Cette façon d'être entré sur le marché en disant : « Vous n'aurez plus besoin d'être là demain », ça a à la fois provoqué une espèce de, je n'irais pas jusqu'à un mouvement de panique, mais ça a interrogé chacun sur ce qu'il faisait. Nous avons le cas avec plein d'autres technologies, mais ça a quand même posé la question de « où est la valeur de ce que je fais, et est-ce que vraiment, dans une partie de mes activités, j'ai besoin de le faire ? » C'est ça qui est intéressant dans la transformation, c'est que parfois, nous faisons des choses depuis des années, et elles ne sont plus forcément utiles. Ça a interrogé. Je ne sais pas si j'irai jusqu'à secouer, mais en tout cas, ça a réinterrogé la valeur de l'avocat.
00:27:18
Jingle : C'était Histoires d'IA, la série de ceux qui font et qui se transforment grâce à l'intelligence artificielle. Retrouvez tous les épisodes sur pwc.fr.