Les clés pour construire l’entreprise full RSE de demain | Hors-série Décryptages

Raphaëlle Duchemin: Bienvenue dans Décryptages. Ce podcast, c'est à vous qui êtes à la tête d'une entreprise, grande ou petite, familiale ou internationale, qu'il s'adresse. Quel que soit votre business, une chose est sûre : demain, il aura changé et, votre groupe, votre PME, votre ETI avec. Je suis Raphaëlle Duchemin et je vais recevoir des experts de PwC. Ensemble, nous allons tracer des pistes pour vous guider dans les méandres des changements qui sont en cours. Non pas que nous soyons extralucides, mais ces transformations, eux les ont vues venir, et ce coup d'avance, ils vont nous en faire bénéficier.

Bonjour Émilie Bobin.

Emilie Bobin: Bonjour Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin: Merci d'être avec nous. Vous êtes Associée chez PwC depuis 2007 et vous animez l'équipe de conseil en développement durable de PwC France et Maghreb. À vos côtés, Sylvain Lambert, bonjour.

Sylvain Lambert: Bonjour Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin: Vous êtes également Associé chez PwC. C'est vous, je crois, qui avait fondé cette activité de conseil en développement durable chez PwC, très tôt en 1994. Aujourd'hui, vous déclinez ce concept dans différentes activités de votre groupe, c'est-à-dire que vous appliquez en interne ce que vous apprenez. Qu'est-ce qui fait, Sylvain, qu'à cette époque-là, vous avez senti que ce fil-là, le monde de l'entreprise devait lui aussi finalement le tirer et ne pas le laisser aux chercheurs, aux politiques ou aux associations ?

Sylvain Lambert: Je pouvais vous répondre que c'est parce que j'étais un génie avec la personne avec qui je travaillais à l'époque. Il s'appelait Thierry Ras. En vrai, il y a deux faits générateurs. Le premier, c'est Rio, en 1992, qui n'était que le troisième Sommet de la Terre. Il y en a eu deux avant, mais pourquoi celui-là ? On en a beaucoup parlé, parce qu'on avait plus de 130 chefs d'État, de gouvernement qui étaient présents. Ça nous a marqué et on s'est dit que ça allait peut-être changer la donne. Ensuite, le deuxième fait générateur, c'est que c'était un sujet qui, sans avoir un engagement lourd comme peuvent avoir des jeunes générations aujourd'hui, m'intéressait. On s'est dit à l'époque que ça allait être un sujet qui comme des nouvelles thématiques, on parlait d'informatique à l'époque allait être un sujet qui pouvait transformer l'économie. Et donc, qu’on aurait une autre place à conseiller les entreprises sur ces questions-là.

Raphaëlle Duchemin: Depuis, effectivement, ça s'est confirmé, vous avez Émilie, avec Sylvain, et aussi avec Frédéric Petitbon coécrit un ouvrage publié chez Vuibert. Il s'intitule : « Il n'y a pas d'entreprise qui gagne dans un monde qui perd. » Ça s'appelle une punchline. On va l'ouvrir ensemble, ce livre, très largement. D'abord ce qui est frappant, c'est l'association de vous trois et notamment avec Frédéric Petitbon. Il est également Associé à PwC, mais lui, son cœur de métier, c'est davantage l'innovation et la transformation managériale. Si je comprends bien, parler de développement durable, de RSE, d’ESG, sans parler de RH, ce serait une erreur. L'un ne va pas sans l'autre aujourd'hui ?

Emilie Bobin: Exactement, et finalement, dans ce livre, ce qu'on a souhaité, c'est vraiment parler de nos convictions chez PwC. Avec Sylvain, bien évidemment, avec sa grande expérience sur ces sujets de développement durable. Moi, maintenant, ça fait plus de 16 ans que je travaille chez PwC sur ces sujets de développement durable pour les entreprises. Et effectivement, Frédéric Petitbon travaille sur la façon dont on peut réussir des transformations, tout type de transformation dans les entreprises, avec les salariés, et donc avoir des changements managériaux. Donc, nous, on s'est dit avec Sylvain, effectivement, cette matière-là, on ne la pratique pas tous les jours, d’où notre association à tous les trois pour écrire ce livre. Ce livre vise à aider les dirigeants à faire qu'ils intègrent ces sujets de développement durable et tous ces enjeux qui vont autour et qu'on ait une transformation qui soit réussie, puisque les dirigeants sont assez perdus face à ces questions complexes.

Raphaëlle Duchemin: On va essayer de les guider, les dirigeants. Je vous propose d'entrer ensemble dans l'entreprise et dans le livre en même temps. Est-ce qu'aujourd'hui les dirigeants ont conscience finalement qu'il faut transformer le modèle ? Je crois que oui, si l'on en croit les récentes études menées notamment par PwC. En revanche, est-ce qu'ils savent à quel point ils doivent transformer les choses ?

Emilie Bobin: La réponse, elle est oui. C'est-à-dire, il y a une pleine conscience des dirigeants d'intégrer ces enjeux de développement durable et amener cette transformation. On a notre étude CEO Survey qui nous donne déjà un premier chiffre : 60% des dirigeants français, 45% des dirigeants mondiaux prévoient la disparition de leur entreprise dans les 10 ans si leur modèle opérationnel reste inchangé. Ça, c'est assez fort comme message. Aussi, le changement climatique fait partie des priorités dans la tête des dirigeants sur lesquels il faut vraiment agir. Aujourd'hui, l'entreprise et je crois que Sylvain, tu l'as mentionné, est un acteur de la transformation. Ce que je peux juste ajouter comme élément, parce que c'est une discussion que j'ai eue très récemment avec le secrétariat général à la planification écologique qui est en lien direct avec le premier ministre, me disait que la moitié des leviers de décarbonation sont dans les entreprises. C'est-à-dire que l'État dit que c'est vraiment dans les entreprises qui va y avoir vraiment ces leviers de transformation.

Raphaëlle Duchemin: Est-ce que la difficulté, finalement, quand on se place dans le costume du patron d'entreprise, c'est de se dire : « Je suis tenté de faire quelques petites modifications, d'ajouter finalement des ODD, des objectifs de développement durable, sans véritablement transformer complètement le modèle. » Est-ce que ce n'est pas ça aussi la difficulté qui se pose à eux ?

Emilie Bobin: C'est une des difficultés, effectivement. Les dirigeants ont l'obligation de ne pas réfléchir uniquement aux bornes de leur entreprise. C'est parce que ce sujet va bien au-delà des murs de leur entreprise. Ce sont des conséquences sur des filières entières. Ce sont des sujets qui sont internationaux et il faut travailler avec tout un écosystème et réfléchir de cette manière-là.

Raphaëlle Duchemin: Est-ce que toutes les entreprises vont pouvoir survivre ? On ne fera plus d'énergie comme aujourd'hui pour ne prendre que cet exemple. Donc, ça veut dire forcément, pour certaines d'entre elles, accepter de disparaître ou de renaître autrement.

Sylvain Lambert: La vraie question à laquelle on fait face aujourd'hui ne touche pas que les entreprises, c'est la question du monde d'après, du monde dans lequel on est en train d'entrer. Je rappelle qu'à la COP27 et à la COP28, on a abordé le sujet des pertes et dommages irrémédiables. Le mot irrémédiable, ça veut dire ce que ça veut dire. Il y a la question de certains nombres d'État insulaires qui sont en train de disparaître. Il y a déjà des premières îles qui sont en train de travailler avec les grandes îles voisines. Il y a notamment Australie, et Nouvelle-Zélande, pour accueillir les populations, parce qu'une partie est en train de disparaître. Ça va aussi arriver dans une partie de l'économie. Tout n'est pas adaptable. La transition ne s'applique pas de façon universelle. Ce n'est pas un chemin joyeux vers lequel on va, c'est un chemin complexe. Ça veut dire que, derrière chaque complexité, il y a aussi des opportunités pour des gens qui apportent des solutions. Il y a des risques et la question, surtout, c'est de ne pas nier ce qui arrive et de l'anticiper. Donc, oui, il est possible que certaines choses, on ne les fasse plus, et ce sont des grandes questions.

Raphaëlle Duchemin: D'où l'importance, Émilie, finalement, de mener cette réflexion en amont. D'où vient, par exemple, ma matière première ? Comment je peux la sourcer ? En circuit court pour ne pas émettre, quel est le chemin qui me conduit jusqu'à la transformation ? Ensuite jusqu'au consommateur, parce que c'est aussi de lui qu'on parle. C'est cette addition-là que l'entreprise va devoir désormais prendre en compte autrement ?

Emilie Bobin: Exactement, il faut avoir cette réflexion globale au niveau de l'entreprise et sur toute sa chaîne de valeur, que ce soit en amont ou en aval. C'est ce qui est très important et d'ailleurs le cadre normatif aujourd'hui nous amène aussi à ça. L'entreprise doit réfléchir à quels sont ces enjeux majeurs, qui vont s'exprimer en tant que risque et aussi opportunité. Ça je pense qu'il ne faut pas l'oublier. C'est un des sujets qui peut être aussi motivant pour des dirigeants. C'est de se dire : « Les enjeux de développement durable peuvent percuter leur business models avec un certain nombre de risques, mais il y a aussi des opportunités qui peuvent contrebalancer. » Comme disait Sylvain, on n'aura pas ça dans tous les cas, selon les industries. Par contre, c'est d'avoir cette réflexion stratégique au niveau de la direction générale, sur la façon dont ces enjeux vont impacter le business model dans l'entreprise.

Sylvain Lambert: Je pense dans ce que dit Émilie, il y a vraiment ce sujet clé. Pour certains, c'est évident, il n'y a que des opportunités, pour d'autres, il n’y a des risques, mais en moyenne, il y a aussi des opportunités majeures à saisir. Par contre, sans anticipation, sans analyse réelle de ce qui arrive, il n'y aura pas d'opportunité.

Raphaëlle Duchemin: Je voudrais votre avis sur cette notion qui est souvent reliée aux maux d'entrepreneuriat. C'est la notion de performance. C'était un peu l'alpha et l'oméga pendant longtemps. Est-ce que ça a vécu cette notion de performance, ou est-ce que c'est son acception qui change ? Aujourd'hui, il va falloir que, dans cette performance, on intègre justement la notion de RSE.

Sylvain Lambert: La performance, culturellement, elle est assise sur de la donnée financière. Effectivement, dans une entreprise performante, on regarde un certain nombre de ratios financiers. C'est à la fois notre conviction mais c’est aussi ce que sont en train de tracer les régulateurs. Pourquoi dit-on « les ? » C'est parce que c'est le cas de l'Europe, mais c'est aussi le cas des États-Unis, de la Chine, récemment. Ils sont en train de suivre un chemin pour faire de l'information en matière de durabilité, le pendant de l'information financière. Ça pour que, demain, on puisse dire qu'une entreprise est performante. S'il n'y a que l'information financière, on ne pourra pas dire qu'elle est performante. Il faudra les deux. C'est le chemin sur lequel on est engagé. Cette transformation de l'entreprise, elle va s'appuyer sur ces deux jambes, l'analyse de la performance, la durabilité et la performance économique. Les deux sont très liés. Si on a un énorme risque ou une énorme opportunité, on va le lire financièrement.

Raphaëlle Duchemin: En 2028, 2030, 2035, 2040, ces échéances sont à la fois loin et proche de nous. Toutes correspondent à des changements qui s'opèrent pour le zéro carbone, pour l'entrée en vigueur de nouvelles normes. Bref, pour essayer de bâtir un monde plus durable. Ça veut dire que nous sommes dans un laps de temps très court pour mettre tous ces changements en œuvre. Vous avez, Émilie, Sylvain, tracé un chemin avec 6 clés pour pouvoir finalement ouvrir plus facilement la voix. Refonder le modèle économique, c'est l'acte un, en tout cas dans le livre. Comment on fait Émilie ?

Emilie Bobin: Il y a plein de choses qui percutent l'entreprise et à un moment donné, on parle de refonder le modèle économique. Une fois qu'on dit ça, derrière, il y a pas mal de complexité, pas mal de notions dont on a parlé dans le débat public. Je mets les pieds dans le plat indirectement. Il y a notion de décroissance, par exemple. Nous, ce qu'on dit, c'est la notion de droit à la croissance. Ce n'est pas la même chose. C'est-à-dire qu'on a un certain nombre d'activités et certaines sont transformées, par exemple en ayant des activités autour de l'économie circulaire. Celles-ci, elles sont plus vertueuses pour l'environnement et ces activités-là ont finalement le droit à la croissance. La décroissance pour tous, pour toutes les entreprises, ça n'a pas d'intérêt. Donc, nous, on parle de droit à la croissance. On pense que c'est intéressant aussi d'un point de vue des investisseurs. On travaille énormément pour les investisseurs et les entreprises ont absolument besoin de ces capitaux-là pour pouvoir faire cette transition. Eux, cette notion de droit à la croissance, ils l'intègrent effectivement dans leur sujet.

Sylvain Lambert: Pour faire le lien avec d'autres choses que l'on évoquera, notamment de performance, quand on repense le business model, Émilie l'a dit, c'est repenser la croissance. Quid de la notion de décroissance ? C'est accepter aussi une nouvelle vision de ratios de performance. Tout ça dans un fonctionnement d'un modèle économique, la durabilité. Ça va être l'opposition entre le court terme et le long terme, et c'est un vrai débat stratégique. Il ne faut pas avoir de dogme. Aussi un de nos messages c’est « no dogme », parce qu'avec du dogme, ça ne marche pas. Il faut accepter de remettre du long-terme. Parfois, on arbitrera à court-terme, parfois à long-terme et sans cette balance permanente et c'est là souvent, le rôle des administrateurs. La vision à long-terme est clé pour faire cet arbitrage permanent. Sinon, on ne repensera jamais à un business model qui est assis sur du court-terme.

Raphaëlle Duchemin: La deuxième clé, elle est dans les mains du dirigeant. Ce n'est pas pour concentrer, mais pour faire évoluer sa posture et montrer la voie, y compris sur la rémunération, c'est important.

Sylvain Lambert: Ce que disait la personne qui a cofondé l'activité développement durable de PwC avec moi, Thierry Ras, c'est qu'on balaie toujours les escaliers par le haut. Ça a l'air assez évident pour ceux qui vont essayer de le balayer par le bas. C'est possible, c'est plus long et plus compliqué. Par le haut, c'est plus simple. Donc, oui, cette deuxième clé, elle parle du dirigeant, elle est essentielle. Nous avons fait une étude avec l'ORSE et le Pacte mondial réseau France sur les critères RSE dans la rémunération des dirigeants. On l'a fait trois fois en 2013, 2017 et 2024. Qu'est-ce qu'elle montre ? Elle montre aujourd'hui dans la totalité du CAC 40 et très au-delà, la progression des critères RSE dans la rémunération des mandataires sociaux ou des dirigeants est de 100%. Les deux critères aujourd'hui très clés, de ceux que l'on retrouve le plus, sont diversité et inclusion et émissions de CO2.

Raphaëlle Duchemin: Émilie, c'est ça qui va permettre finalement l'acte 3, à savoir embarquer les équipes. Si on balaie par le haut, comme disait Sylvain. C'est la raison pour laquelle on voit émerger des raisons d'être pour, justement, pouvoir partager la philosophie des entreprises. C'est dans tous les étages que ça doit infuser.

Emilie Bobin: C'est vraiment une cohérence d'ensemble. C'est là où on aime bien dire qu'on a l'excellence quand on a justement cette cohérence d'ensemble. Pour revenir quand même à cette clé, il faut absolument que ça vienne du dirigeant. C'est parce que le dirigeant, il traite des sujets importants. Donc, si ce n'est pas son agenda, ça l'est moins, donc il faut absolument que ce soit stratégique. Bien évidemment, après, dans l'entreprise, il faut que ça diffuse, puisque ce n'est pas uniquement le dirigeant qui va traiter de tous les sujets. Il faut que ça vienne du dirigeant, de la dirigeante. Ensuite, ce sont les équipes qui vont avoir les moyens, parce que quand ça vient du haut, c'est ça aussi. On a les moyens de la transformation et tout ceci s'organise. C'est bien pour ça que Frédéric Petitbon, qui est l'Associé qui a coécrit ce livre avec nous. C'est son quotidien aussi d'accompagner les entreprises. Ça, c'est pour organiser finalement cette transformation avec tous les salariés qui doivent se sentir concerné justement par la question dans leur propre métier.

Sylvain Lambert: C'est dans la plupart des vrais changements de business model, des vraies transformations qui en parallèle ont créés de la valeur, mais qui n'étaient pas simples, que 100% des dirigeantes ou des dirigeants étaient extrêmement présents et engagés. D'autres entreprises font des choses bien, mais si on veut tenir dans la durée et que ça marche, s'il n'y a pas de dirigeant, ça ne marchera pas.

Raphaëlle Duchemin: Il y a aussi la formation. Ça, c'est un des piliers pour que la boîte à outils soit finalement un peu la même pour tous. Après, chacun vient piocher ce qui l'intéresse à l'intérieur. Par contre, il faut que la grille de lecture, elle, soit identique du haut de l'entreprise au bas de l'entreprise. C'est dans ce sens-là, et aussi dans l'autre sens.

Emilie Bobin: Pour traiter n'importe quel sujet, il faut le comprendre. Donc, la formation de tous ces acteurs qui vont participer à la transformation de l'entreprise, parce que l'entreprise est percutée par un certain nombre d'enjeux. Il faut comprendre ces sujets-là. On a beaucoup parlé dans les enjeux de développement durable, de changement climatique, par exemple. Par contre, il n'y a pas que ces sujets. Dans certaines entreprises, certaines vont être vraiment percutées par des sujets sociaux assez lourds. Il y a les droits humains, par exemple dans la supply chain. On parle aujourd'hui beaucoup et ça me réjouit qu'on en parle de plus en plus, des sujets de salaires décents, par exemple. Il y a des définitions, il y a des façons d'aborder le sujet, parce qu'on est en France, on est en Europe, ou on est en dehors de l'Europe. Donc, il faut absolument former les salariés à ces questions et aussi les dirigeants.

Sylvain Lambert: Il y a un autre élément sur la formation. C'est qu'on va avoir besoin de ressources, on va avoir besoin de gens, et il n'y a pas assez de gens compétents. Si je prends l'exemple de PwC, on se développe très fortement. On est près de 350 à 400 à travailler sur le développement durable aujourd'hui. On était une centaine, il y a trois ans ou quatre ans. Seulement 30% ont été recrutés. Ça veut dire que le reste, c'étaient des gens qui étaient déjà chez PwC. Ils avaient déjà un travail, et ils ont été formés à des nouveaux sujets. Les entreprises, c'est pareil. Ils n'arriveront pas à recruter que des spécialistes qui existent. Il va falloir former les gens et c'est la meilleure approche possible.

Raphaëlle Duchemin: L'entreprise a un rôle à jouer. Elle ne le joue pas seul et tout à l'heure, vous avez évoqué la notion de partenariat. Elle s'ouvre aussi, elle partage. Ça, c'est un vrai changement de paradigme. C'est à ce prix aussi qu'elle pourra recruter, grandir et se transformer ?

Emilie Bobin: Exactement. Peut-être pour justement reprendre l'exemple de PwC, on ne va pas recruter tout un tas de scientifique du climat ou des gens qui vont avoir une expertise poussée sur plusieurs sujets sociaux, par exemple. Donc, on va faire des partenariats justement avec des chercheurs, avec des philosophes, avec des sociologues. Parce qu'on parle vraiment aussi de ce type d'acteurs qui doivent absolument participer à cette réflexion de mise en œuvre de ces enjeux.

Raphaëlle Duchemin: Ça signifie qu'on n'est plus chacun dans son couloir. Vous appelez ça : « Construire ensemble les règles du jeu du monde de demain. »

Sylvain Lambert: C'est clairement ça. Avant ce livre, il y a eu un long travail avec l'institut de l'entreprise. On avait pris toutes les fonctions de l'entreprise, de la direction générale à la direction financière. Ça aboutissait à un regard de toutes ces fonctions demain. Il y a ce sujet qui est vraiment ressorti. Notamment une des grandes phrases qui avait été dite par un dirigeant : « Quand l'entreprise arrêtera d'appeler ses clients, des clients, et ses fournisseurs, des fournisseurs mais qu’elle les appellera des partenaires, on rentrera dans cet univers-là. » Parce qu'on se rend compte, et on le voit aujourd'hui, tant dans la réglementation que dans les pratiques, il y a plein d'innovations chez ces fournisseurs, donc ces partenaires. Il y a plein de solutions avec ces clients. C'est le monde dans lequel on est. Cette entreprise qui devrait éviter qu'un monde qui perd et qui devrait peut-être gagner demain est une entreprise connectée différemment. Ça, c'est avec des rapports différents, tant en interne, avec un écosystème externe extrêmement différent, et c'est ce que tu disais Émilie.

Raphaëlle Duchemin: Depuis, tout à l'heure, on a des mots comme ça qui reviennent. Notamment, il y a celui de RSE, pas seulement, mais il est central aujourd'hui. Ces mots, finalement, c'est une nouvelle grammaire qu'on est en train d'apprendre dans le milieu entrepreneurial. On a de nouvelles définitions. On est en train de construire un monde nouveau, donc il faut un nouveau langage ?

Emilie Bobin: On entend quand même assez régulièrement des dirigeants ou des salariés d'entreprises, des collaborateurs dire : « On est complètement perdu avec tous ces acronymes. » Il ne faut pas être perdu. Il y a des enjeux de développement durable, aujourd'hui, qui sont une réalité. On a des réalités physiques. Ça s'appelle le changement climatique. Ça s'appelle la biodiversité. Donc, ça, c'est tout un tas de réalité physique et environnementale. On a aussi des réalités sociales qu'il faut absolument adresser et appliquer à l'entreprise, on va appeler ça la RSE. On peut l'appeler comme on veut, mais c'est bien ça qu'il faut comprendre. C'est que ces enjeux mondiaux, internationaux, il faut les appliquer à l'entreprise et de trouver cette grammaire. On est aidé, par exemple, par les objectifs de développement durable de l'ONU. Tu l'as mentionné tout à l'heure. Les 17 objectifs de développement durable de l'ONU, c'est exactement ça. Tous les acteurs doivent absolument contribuer pour y répondre. Ce ne sont pas uniquement les États, sinon on n'y arrivera pas.

Raphaëlle Duchemin: Je parlais de nouvelles grammaires et de nouvelles définitions, parce que votre clé numéro six, Émilie, et Sylvain, c'est redéfinir la notion de performance. Donc, on a des nouveaux mots, mais on a aussi des mots qui se transforment.

Sylvain Lambert: Le vrai sujet, c'est au travers des changements de performance. Il était même un des points d'entrée. C'est la rencontre entre la finance et les phénomènes physiques et sociaux. Émilie, tu l'as dit à un moment. Le prix des ressources naturelles n'est pas dans les mécanismes économiques. Dès leur fondement, on a le capital et on a le travail, et c'est ça qui fait de la richesse. On considère que le soleil est gratuit. Donc, c'était aussi un changement profondément culturel de fonctionnement, de relations entre entreprises et partie prenante. De regarder la performance de façon différente, de ne plus considérer que le court-terme ait considéré le long-terme. Donc, oui, il y a des mots qui vont avec, il y a des méthodologies. Par contre, il y a une philosophie et une culture, et c'est regarder le monde différemment.

Raphaëlle Duchemin: Merci, Émilie Bobin.

Emilie Bobin: Merci beaucoup, Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin: Merci, Sylvain Lambert.

Sylvain Lambert: Merci aussi Raphaëlle.

Raphaëlle Duchemin: Je rappelle le titre de votre ouvrage : « Il n'y a pas d'entreprises qui gagnent dans un monde qui perd. » On se retrouve quant à nous le mois prochain pour un nouveau Décryptages. D'ici là, vous retrouvez tous les podcasts de PwC sur pwc.fr

Ce hors-série s'est donné pour mission de vous aider, vous, dirigeants, à mieux appréhender les changements qui secouent la vie de l'entreprise, et qui vont aboutir, dans les années qui viennent, à repenser de A à Z vos stratégies, vos investissements et aussi les manières de faire. Partez à la rencontre de celles et ceux qui ont les clés pour déchiffrer les transformations.  

En quittant la sphère du discours pour entrer de plain-pied dans la stratégie, la question du développement durable suscite des transformations que le dirigeant doit désormais piloter. 

Dans cet épisode, Raphaëlle Duchemin, accueille Emilie Bobin et Sylvain Lambert, tous deux Associés PwC France & Maghreb. Ensemble, ils partagent avec vous leurs convictions sur les bouleversements à venir, qui sont autant des impératifs catégoriques que d’extraordinaires leviers pour transformer les organisations. 

Que vous soyez un dirigeant en charge de piloter la transformation de votre entreprise de manière accélérée, ou un manager désireux de comprendre et d'agir de manière éclairée, cet épisode vous offre des clés essentielles pour accélérer la construction de l'entreprise du futur. Une entreprise alignée avec les exigences planétaires, les attentes sociétales, les évolutions réglementaires et les demandes des investisseurs. 

Video

Découvrez l'épisode en vidéo

22:40
More tools
  • Transcript
  • Plein Ecran
  • Partager
  • Closed captions

Playback of this video is not currently available

Transcript

Abonnez-vous

Suivez-nous !

Contactez-nous

Emilie Bobin

Emilie Bobin

Associée Développement durable, PwC France et Maghreb

Sylvain Lambert

Sylvain Lambert

Associé Développement durable, PwC France et Maghreb

Masquer